La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
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Читать онлайн книгу La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1 - Alcide de Beauchesne страница 12

СКАЧАТЬ tranquillement… La nuit suivante, le redoublement a été plus modéré, et quoiqu'il eût été moins long que dans la nuit précédente, Sa Majesté fit appeler de son propre mouvement l'abbé Maudeux, son confesseur, et demanda sur les sept heures du matin à recevoir le saint viatique, qui lui fut apporté par le cardinal de la Roche-Aymon, grand aumônier de France. La famille royale, les princes et princesses du sang, les grands officiers de la couronne, les ministres secrétaires d'État, etc., accompagnèrent le saint sacrement jusqu'aux appartements du Roi et le reconduisirent à la chapelle dans le même ordre. Les gardes françoises et suisses étoient sous les armes dans la grande cour du château et battoient aux champs. Sa Majesté a montré dans cette maladie beaucoup de force, de fermeté, de constance et de courage, et principalement dans cette occasion des sentiments de piété et de religion dignes d'un roi très-chrétien… La journée du 7 a été fort calme… Ce matin, vers les cinq heures et demie, le redoublement est devenu très-fort, et Sa Majesté a eu quelques moments de délire. Ces accidents ont été bientôt calmés par des efforts pour vomir qui sont survenus naturellement. La suppuration se soutient, et la plus grande partie des boutons du visage et du col sont déjà desséchés.»

      Ce bulletin, fait pour rassurer sur les suites de la maladie, ne laissait pas que de causer une grande émotion. La consternation est dans Versailles. On annonce que l'air du château est infecté: cinquante personnes gagnent la petite vérole pour avoir traversé seulement la galerie; dix en meurent.

      «Le Roi est à toute extrémité: outre la petite vérole, il a le pourpre; on ne peut entrer sans danger dans sa chambre. M. de Létorière est mort pour avoir entr'ouvert sa porte afin de le regarder deux minutes. Les médecins eux-mêmes prennent toutes sortes de précautions pour se préserver de la contagion de ce mal affreux, et Mesdames, qui n'ont jamais eu la petite vérole, qui ne sont plus jeunes, et dont la santé est naturellement mauvaise, sont toutes trois dans la chambre, assises près de son lit et sous ses rideaux; elles passent là le jour et la nuit. Tout le monde leur a fait à ce sujet les plus fortes représentations; on leur a dit que c'étoit plus que d'exposer leur vie, que c'étoit la sacrifier: rien n'a pu les empêcher de remplir ce pieux devoir37

      La conduite de Mesdames inspira à Madame la Dauphine un sentiment d'estime et d'attachement dont elle se plut à leur donner de nombreux témoignages lorsqu'elle fut Reine. Madame Élisabeth, que son âge avait empêchée d'être initiée à ces détails, en apprit plus tard le récit, qui la pénétra aussi de respect pour ses tantes.

      La seule pensée de la mort du Roi suffisait dans ce temps-là pour agiter profondément les esprits. De toutes parts s'élevaient des prières; les villes, les confréries, les abbayes, les communautés religieuses et les corps militaires faisaient célébrer des messes pour le rétablissement de la santé du Roi. La ville de Strasbourg disputait aux plus vieilles cités de la monarchie le droit de montrer en cette occasion des sentiments français. Dès qu'elle apprit la maladie du prince, elle ordonna des prières publiques; elle fit une procession générale, où derrière le saint sacrement marchèrent le maréchal de Contades et tous les corps du clergé, de la magistrature et de la noblesse. Pendant la grand'messe, les magistrats en corps se présentèrent à l'offrande, et firent lire par l'un des avocats généraux de la ville l'acte d'un vœu solennel, qui fut déposé sur l'autel.

      «Dieu tout-puissant, arbitre des destinées, vous donnez aux peuples dans votre miséricorde les rois selon votre cœur. Les jours de notre auguste monarque Louis le Bien-Aimé sont menacés. Voyez le magistrat et le peuple prosternés aux pieds de vos autels. Ils viennent vous supplier de prolonger, pour la gloire de votre nom et pour notre bonheur, les jours précieux de notre monarque et notre père. En reconnoissance de ce bienfait, nous faisons le vœu public et solennel, au nom de cette ville, de renouveler annuellement nos actions de grâces par le sacrifice de la messe, que nous ferons célébrer à cet effet; et comme votre miséricorde entend de préférence la voix des pauvres, nous promettons de doter en mariage quatre personnes indigentes nées de cette ville, pour en jouir autant qu'il plaira à votre divine bonté de conserver la vie de notre Roi, pour laquelle nous offrons mille fois les nôtres.»

      Ce vœu, que nous citons à cause de la manière dont il est énoncé, devait rester inexécuté. Dans la soirée du 8, l'état du Roi empira.

      Dès qu'il connut la nature de son mal, Louis XV désespéra de sa guérison. «Je n'entends pas, dit-il, qu'on renouvelle ici la scène de Metz.» C'était ordonner le renvoi de madame du Barry. Elle se retira à Ruel chez le duc d'Aiguillon. Quelques personnes de la cour, au nombre de quinze, dit-on, crurent devoir l'y visiter. Leurs livrées furent remarquées. Une sorte de défaveur rejaillit sur ces personnes. Longtemps après, pour désigner l'une d'elles, on disait dans le cercle de la famille royale: «C'était une des quinze voitures de Ruel.»

      M. le Dauphin, menacé d'être roi, demandait instamment à Dieu d'éloigner de lui ce malheur. Dans la matinée du 9 mai, il écrivit à l'abbé Terray ce billet, que l'histoire doit conserver: «Monsieur le contrôleur général, je vous prie de faire distribuer sur-le-champ deux cent mille francs aux pauvres de Paris, pour prier Dieu pour le Roi; et si vous trouvez que c'est trop cher, retenez-les sur nos pensions à Madame la Dauphine et à moi.»

      Louis XV, sentant le danger où il se trouvait, demanda l'extrême-onction, qui lui fut administrée le 9, à neuf heures du soir, par l'évêque de Senlis, son premier aumônier. Il reçut ce sacrement avec une piété édifiante, et, malgré ses souffrances, ne cessa de joindre ses prières à celles qu'on faisait pour lui. «Le prêtre qui lui administra les derniers sacrements, rapporte Anquetil38, demanda publiquement, par son ordre et en son nom, pardon des scandales qu'il avait donnés.» Dans la nuit du 9 au 10, ses souffrances devinrent atroces; dans la matinée du 10, elles se calmèrent un peu, et à trois heures de l'après-midi, elles cessèrent tout à fait. Louis XV était âgé de soixante-quatre ans trois mois et cinq jours.

      Un symptôme infaillible annonçait de minute en minute la fin de plus en plus prochaine du monarque. Une foule considérable encombrait les abords du palais, et l'Œil-de-bœuf se remplissait de courtisans.

      Le Dauphin avait résolu de quitter Versailles avec sa famille au moment même de la mort du Roi. Dans une telle circonstance, il eût été peu convenable de transmettre de bouche en bouche des ordres positifs de départ. La bienséance inventa un moyen de correspondance entre le château et l'écurie: une bougie placée sur une fenêtre de l'appartement royal devait être éteinte aussitôt que le Roi aurait fermé les yeux. Les écuyers tenaient l'œil fixé sur cette petite lumière, avec laquelle allait finir un règne.

      Au bout d'une demi-heure, la fenêtre s'ouvre et la lumière est éteinte. Les carrosses de la cour sont attelés, les gardes du corps, les écuyers, les pages montent à cheval. Cependant un bruit terrible et ressemblant, dit la chronique, à celui du tonnerre, se faisait entendre dans l'appartement de Louis XV: c'était la foule des courtisans désertant l'antichambre du Roi mort et se précipitant dans l'antichambre du nouveau Roi. C'est ce bruit étrange et sinistre qui annonça à Louis XVI et à Marie-Antoinette que leur règne commençait. Tous deux, par un mouvement spontané, tombèrent à genoux, les yeux pleins de larmes, et en s'écriant: «Mon Dieu! guidez-nous, protégez-nous; nous régnons trop jeunes.» À ce moment, madame la comtesse de Noailles entre, et la première salue Madame la Dauphine comme reine de France; elle prie Leurs Majestés de vouloir bien quitter les cabinets intérieurs pour venir dans la chambre recevoir les hommages de la famille royale et des grands officiers de la couronne. Appuyée au bras de son époux, un mouchoir sur les yeux, la jeune Reine, dans l'attitude la plus touchante, reçoit ces premières visites. Les carrosses sont avancés, l'escorte est à cheval; l'horloge du palais marque quatre heures; toute la cour part pour Choisy: Mesdames, tantes du Roi, dans leur voiture particulière, Madame Clotilde et Madame Élisabeth avec madame la comtesse de Marsan et leurs sous-gouvernantes; le Roi, la Reine, Monsieur, frère du Roi, Madame, le СКАЧАТЬ



<p>37</p>

Souvenirs de Félicie.

<p>38</p>

Histoire de France, an XIII (1805), t. XIII, p. 196 à 203.