Madame Putiphar, vol 1 e 2. Petrus Borel
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Название: Madame Putiphar, vol 1 e 2

Автор: Petrus Borel

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ quelques débats insignifiants, la Cour, trouvant sa religion assez éclairée, entra lestement en délibération, et lestement, l’heure du dîner approchoit, prononça la sentence condamnant par contumace Patrick, convaincu de séduction, de rapt, de vol et d’assassinat, à la peine capitale.

      A la lecture de cet arrêt, Déborah se jeta à genoux au milieu du tribunal, en criant: Grâce pour Patrick, il est innocent!..

      Les juges levèrent la séance, et le comte fit emporter sa fille évanouie.

      Sur le soir, MM. Templeton et Gunnerspoole accoururent au souper magnifique que lord Cockermouth avoit fait préparé pour célébrer l’arrêt mémorable de leur justice éclairée et pure. Il poussa la barbarie jusqu’à vouloir y faire assister Déborah, mais elle se révolta ouvertement, et n’y parut point.

      Toute la nuit, cependant, elle fut dans la nécessité d’entendre, de son lit, où elle gémissoit, leurs éclats de rire, leurs propos effrénés, leurs joies de bas lieux.

      Au point du jour elle se leva sans bruit. Pour sortir, il falloit passer par la salle de l’orgie: le spectacle qu’elle y rencontra n’ébranla pas sa résolution, mais il remplit son âme d’une douloureuse pitié. Les deux juges, ivres-morts, avoient roulé sous la table; Chris était enveloppé dans la nappe parmi un monceau de bouteilles; et son père, tout couvert de sanies, dans le désordre de Noé, dormoit étendu sur le carreau.

      Ayant trouvé place dans un carrosse public qui partoit, elle y monta pour s’éloigner au plus tôt de Tralée, et se rendre à Dingle-i-Couch, où on lui avoit fait espérer qu’elle trouveroit plusieurs bâtiments appareillant pour les côtes de France.

      Peu de temps après son départ de Tralée, à la clôture des Assises, sur la grande place, Patrick Fitz-Whyte fut pendu en effigie.

      XIV

      Absorbée par la joie inquiète de revoir Patrick, Déborah, les yeux bandés, traversa la Normandie comme un amoureux mélancolique traverse la ville pour aller saluer sa bien-aimée. Que lui importoit Dieppe, son Saint-Jacques, ses Poletois et ses ivoiriers! que lui importoit la vallée d’Arques, son château et ses ruines! que lui importoit Rouen, son Saint-Ouen et son Bourg-Théroulde! que lui importoit Gisors, son église et sa tour! que lui importoit les odorantes pommeraies, les maisons de bois, les collines solitaires, le beau ciel bleu-turquin de ces vallées! Son âme n’aspiroit qu’à Patrick; son regard immobile ne cherchoit à percer le désespérant horizon que pour venir mourir à ses pieds. Voir sans Patrick, éprouver sans Patrick, admirer sans Patrick, c’eût été mal, si c’eût été possible. Il n’y a qu’un cœur désert ou un cœur meurtri qui puisse seul s’en aller voyageant et musant par le monde: le cœur désert pour combler son vide, le cœur meurtri pour essayer à oublier.

      Comme une heure du matin sonnoit, le coche arrivoit aux portes de Paris: du sein de la nuit Déborah entendit alors s’élever la voix du rossignol qui chantoit. Ce gazouillis mélodieux, semblant fêter sa bienvenue et de la part de Dieu lui présager du bonheur, caressa voluptueusement son âme, et chassa les rêveries chagrines qui l’agitoient. Depuis ses derniers rendez-vous nocturnes, depuis que toute félicité lui avoit été enlevée, depuis l’excès de ses maux, elle n’avoit point ouï chanter le rossignol, le rossin-ceol; elle se crut retournée au temps où elle avoit passé de si belles nuits avec Patrick, assise au bord du torrent, parmi les rochers de la Gorge du Diable, ou errante dans les genêts épineux de Dove-Dale, le val de la tourterelle, élevant son âme par la contemplation de la nature et par le culte de l’amitié.

      Dès les premières lueurs du jour, Déborah, dévorée d’inquiétude, et que les fatigues même du voyage n’avoient pu assoupir sur le lit où elle s’étoit jetée, sortit, accompagnée, pour la conduire, d’un garçon de l’auberge des Messageries. En arrivant au quai du Louvre, elle ressentit une violente émotion, à l’aspect de cette galerie qui borde au loin la Seine; cette longue façade insignifiante, à quelques mensonges près, se dérouloit pour elle comme un immense papyrus: elle le parcouroit du regard, elle y cherchoit l’hiéroglyphe dont elle seule avoit la clef. Ces murailles, muettes pour la foule, avoient une voix pour elle, une voix douce ou déchirante, une parole arbitre de son sort.

      Une, deux, trois, quatre, cinq… Elle compte les pilastres: soudain sa joie éclate, elle apperçoit près du sixième, comme il avoit été convenu, des caractères tracés sur une des pierres du soubassement; elle s’approche, elle lit: Patrick Fitz-Whyte, hôtel des Mousquetaires. – Dans l’enivrement, elle chancelle, elle balbutie; elle n’a plus ni raison, ni bienséance, elle couvre de baisers ce mur dépositaire fidèle, elle passe sa main douce sur cette inscription, elle la caresse; elle pleure, elle sourit; elle parle irlandois; elle s’agenouille, elle prie… Puis, crayonnant quelques mots sur un portefeuille, elle le donne au domestique, ébahi: – Allez, s’il vous plaît, lui dit-elle, et de suite, à l’hôtel des mousquetaires; vous demanderez M. Patrick Fitz-Whyte, et lui remettrez ceci, à lui-même; tâchez de l’amener avec vous, je retourne à l’hôtellerie.

      S’étant égarée plusieurs fois dans son chemin, en rentrant elle trouva Patrick, qui depuis long-temps l’attendoit; follement, ils s’élancèrent dans les bras l’un de l’autre, et confondirent, dans un savoureux baiser, leurs pleurs et leur ivresse. Ils se couvroient des plus tendres caresses, ils échangeoient les mots du plus pur amour. Patrick, après ces premiers transports, s’apperçut du deuil de Déborah; sa joie en fut troublée, des sentiments tristes, des regrets s’y mêlèrent. Déborah demeuroit en admiration devant l’élégance de son ami; la soubreveste de mousquetaire rehaussoit sa riche taille, et faisoit paroître dans touts ses avantages sa belle tête blonde.

      Pendant le déjeûner, tour à tour, ils se racontèrent tout ce qui avoit marqué leur existence, tout ce qui leur étoit survenu depuis leur séparation. Déborah, pour détourner l’affliction et le désespoir du cœur de Phadruig, passa sous silence un seul fait, – priant Dieu qu’il fît qu’il l’ignorât toujours, – le jugement des juges de Tralée, et sa condamnation au gibet.

      Ce jour même Patrick instala Déborah dans un petit logement de l’hôtel Saint-Papoul, situé rue de Verneuil.

      Leur soin le plus empressé fut d’aller remercier le Seigneur, qui avoit protégé leur fuite et leur réunion, et de le prier de bénir leur alliance, de veiller sur eux, jeunes, sans appui, jetés sur une terre étrangère et dissolue, et de les confier à la vigilance de ses Anges, afin qu’ils les détournassent de tout scandale, et qu’ils les gardassent dans touts leurs chemins. Ils passèrent ainsi toute la soirée en dévotion, dans une chapelle obscure de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés; l’église étoit placide et solitaire, une seule lampe veilloit comme eux.

      Patrick consacroit à Déborah touts les instants, touts les loisirs que lui laissoit son service militaire: il les employoit auprès d’elle à savourer les voluptés inépuisables de l’amour, de l’amitié, de la vie domestique, de la retraite. Fitz-Harris venoit très-rarement dîner avec eux, ou passer quelques heures en leur compagnie. Depuis long-temps il s’étoit fait un grand refroidissement dans leurs rapports. Les faveurs du colonel pour Patrick, et les marques publiques d’estime qu’il lui donnoit, avoient envenimé le cœur de Fitz-Harris, naturellement envieux. Il le jalousoit pour sa beauté, son esprit, son savoir, et même aussi pour Déborah. D’un autre côté, Patrick n’avoit pas été long à sentir qu’on ne pouvoit faire son ami qu’avec beaucoup de restriction et de réserve d’un homme aussi parleur, aussi conteur que Fitz-Harris: bavard mystérieux, ayant toujours quelque secret à promener d’oreille en oreille, s’épenchant à tout venant, honorant l’univers de ses confidences, et divulgant souvent même à son grand dommage, entraîné par sa monomanie de récit, ses plus délicates intimités, qu’il СКАЧАТЬ