Madame Putiphar, vol 1 e 2. Petrus Borel
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Название: Madame Putiphar, vol 1 e 2

Автор: Petrus Borel

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ j’aurois besoin de tant de consolations, ce sont là vos paroles de reconfort: accablez-moi, Patrick, abreuvez-moi d’idées amères!

      Pat, on pourroit te voir, ne m’accompagne pas plus avant; me voici dans la grande avenue. Vois-tu là-bas les croisées de la galerie resplendissantes du feu des bougies? Entends-tu le choc des verres et les éclats de joie?.. Je marcherai bien seule jusque-là. Donne-moi seulement une branche d’arbre pour assurer mes pas. – Adieu, Patrick, adieu! Sois tranquille, ni l’absence, ni le temps, ni l’espace n’auront pouvoir sur mon amour. Mon âme te suivra en touts lieux. Adieu! bientôt je serai près de toi.

      – Adieu, Debby! A toi seule pour la vie! et, si Dieu veut, à toi seule pour l’éternité!..

      – Comment te retrouverai-je à Paris?

      – Il faut avoir recours à un expédient: mais lequel?.. Sur la façade du Louvre qui regarde la Seine, vers le sixième pilastre, j’écrirai sur une des pierres du mur mon nom et ma demeure.

      Leurs lèvres se rencontrèrent alors, et restèrent long-temps accolées. Déborah, évanouie sous ce baiser déchirant, étoit renversée dans les bras de Patrick, qui chanceloit et s’appuyoit contre un des tilleuls de l’avenue. Enfin, ils s’arrachèrent à cet embrassement.

      Patrick remonta la salle d’ombrage; il pleuroit abondamment, il se soulageoit; car il avoit refoulé dans son cœur touts ses sentiments de désespoir, pour ne pas accabler son amie.

      Pleure, pauvre Patrick! soulage-toi!.. Pleure sur ton sort, il n’en peut être de plus affreux. Pauvre ami! à vingt ans t’enfuir seul de ta patrie, trempé des pleurs et teint du sang de ton amante!..

      Déborah, courbée sur un bâton, se traînoit péniblement vers le château. Elle avoit renfermé ses souffrances et épuisé ses forces morales pour dissimuler à Patrick l’horreur de son état. Ses blessures saignoient toujours. Sa foiblesse augmentait à chaque pas.

      Le festin s’avançoit. Lord Cockermouth affectoit une gaîté et une affabilité maladroites, qui faisoient transpirer d’autant plus sa préoccupation et son désappointement. Plusieurs fois il avoit été remarqué parlant tout bas à Chris. Lady s’agitait dans la plus violente inquiétude: elle étoit allée elle-même à la recherche de Déborah, dans son appartement et dans tout le château, et l’avoit fait appeler plusieurs fois dans le jardin et dans le parc. Touts les convives s’étoient apperçu de son absence, et prenoient un air mystérieux pour en causer. Beaucoup de propos méchants et moqueurs se promenoient de bouche en bouche. Le futur, accouplé à une chaise vide, paroissoit assez décontenancé: il ne savoit quoi penser de la disparition de sa prétendue, et se travailloit l’esprit pour découvrir en sa personne ce qui avoit pu lui inspirer une si énergique aversion.

      Tout à coup, dans un intervalle de silence, on entendit à l’extérieur des pas sourds sur le perron: touts les regards se tournèrent de ce côté, et le calme devint général.

      La porte agitée et ébranlée se ployoit comme sous le poids d’un corps.

      – C’est elle!.. s’écria-t-on de toutes parts, c’est elle! ouvrez donc!

      Chris alors se précipita sur la porte et l’ouvrit à deux battants. – Des cris d’horreur et d’épouvante retentirent dans la salle.

      Déborah, pâle et couverte de sang, dans un désordre affreux, entra, fit quelques pas encore, et tomba de sa hauteur sur les dalles.

      La terreur étoit au comble.

      La comtesse, éperdue, poussant des plaintes et des cris désespérés, s’étoit jetée sur le corps de sa fille, qu’elle étouffoit sous ses embrassements.

      Le comte appela les valets, et fit emporter Déborah.

      La consternation régnoit dans l’assemblée: pleins d’effroi, les convives désertoient leurs places, et s’enfuyoient avec tant de hâte qu’ils se blessoient l’un l’autre.

      Lord Cockermouth, lui seul, manifestoit du calme et du sang-froid, et vouloit retenir les fuyards.

      – Messieurs, remettons-nous à table, s’il vous plaît? Ce n’est qu’un accident fâcheux qui n’aura point de suites graves: qu’il ne trouble en rien notre fête. Allons, mesdames, de grâce, à vos sièges.

      Sans avoir égard aux prières de mylord, la foule se retiroit toujours.

      – Messieurs, je vous en prie, à table! qui fuyez-vous? qui vous chasse? est-ce le malheur de miss Déborah? vous m’en voyez comme vous pénétré de douleur. Pauvre enfant! – Mais achevons le festin. A table, vous dis-je! M’entendez-vous, messieurs! Je suis touché de vos marques de condoléance pour ma fille; mais votre déférence, mais votre sensibilité va trop loin. Me laisserez-vous seul au milieu de la fête que je vous donne? Vous ne partirez pas, messieurs! Trembleriez-vous pour vos chers personnages? Vous n’êtes point ici dans un coupe-gorge, je crois! Vous êtes chez le Head landlord de Cockermouth-Castle, un vieux soldat, que vous outragez! Ah! vous me faites, messieurs, l’affront le plus insigne, l’affront le plus cruel: vous reniez votre hôte, vous repoussez son pain et son sel! C’est insulter à mes cheveux blancs, c’est insulter à la gloire de ma race! Vous ne partirez pas, vous dis-je, moi, je vous le défends, sans avoir rendu raison d’un tel outrage à votre hôte!.. Mais non: vous êtes touts des lâches! Sortez! sortez donc! je vous l’ordonne; vous souillez ma demeure, j’ai honte de vous!

      Hurlant ces derniers mots, le comte, écumant de rage et de dépit, dégaina sa flamberge et la brandit autour de lui en s’avançant sur les convives retirés vers la porte; l’un d’eux, un vieillard, lui vint au devant d’un pas assuré, et lui dit, avec un faux air mystérieux: Mylord, vous avez du sang à votre épée…

      A ces paroles, frappé en sursaut comme de la foudre, Cockermouth, refroidi, s’arrêta court, et de sa main laissa choir son épée, rouge encore du sang de Déborah.

      LIVRE DEUXIÈME

      XII

      Après avoir quitté Déborah, Patrick s’abandonna au désespoir: il désespéroit d’elle, il désespéroit de lui-même, il désespéroit de l’avenir et de la vie. Devoit-il partir, devoit-il demeurer? Quoi résoudre? C’étoit d’un lâche de délaisser son amie mourante, c’étoit d’un lâche de fuir le couteau des assassins, et cependant, si elle devoit succomber, il ne pourroit l’approcher à son lit de mort, il ne pourroit veiller et pleurer à son chevet; ce n’est point dans ses bras, ce n’est point sous ses baisers qu’elle exhaleroit l’âme: il ne pourroit que hurler dans le chemin comme un chien au seuil de la maison où son maître agonise. Et cependant, s’il tomboit sous le poignard et que Dieu la sauvât… Cruelle alternative! quoi faire? quel parti prendre?

      Indécis, irrésolu, en proie à ce doute angoisseux, il alloit, et rôdoit à l’aventure, comme un loup, dans les champs de Killarney. Ses forces, épuisées, tout à coup lui manquèrent, ses genoux fléchirent, il s’évanouit sous le poids d’un sommeil de plomb.

      A son réveil, l’éclat du jour l’éblouit: le soleil doroit déjà la cime des rochers de la Gorge du Diable, et les tours et les hautes murailles de Cockermouth-Castle. Ses regards étonnés s’égarèrent autour de lui: glacé de froid dans son manteau humide des brumes de la nuit et ruisselant de rosée, il étoit couché au pied d’un arbousier sur le bord du lac profond. Peu à peu ses membres engourdis sur le sol se déroidirent, et, chancelant, il se releva tout brisé СКАЧАТЬ