Madame Putiphar, vol 1 e 2. Petrus Borel
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Название: Madame Putiphar, vol 1 e 2

Автор: Petrus Borel

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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      – Oui, mylord.

      – Vous croyez?

      – Pour certain!

      – Je suis ravi de cela, comtesse.

      – On obtient plus par la douceur et les prières, que par les menaces et les mauvais traitements.

      – Vous croyez?

      – Pourquoi ces airs goguenards, mylord, je vous parle sérieusement: vous riez.

      – Je souris du contentement que j’éprouve à penser que voici Déborah changée tout à mes vœux, tout à la gloire de ma race.

      – Vous avez été mauvais fils: vous êtes mauvais époux, vous serez mauvais père, mylord.

      VII

      Lord Cockermouth avoit touts les dehors d’un vrai pourceau d’Épicure. Quoique grand, il étoit d’une circonférence inconnue sur le Continent: deux hommes n’auroient pu l’entourer de leurs bras. Sa panse retomboit comme une outre énorme et lui battoit les jambes: il y avoit bien quinze ans qu’il ne s’étoit vu les genoux. Sa tête, tout à fait dans le type anglois, sembloit une caboche de poupard monstrueux. La distance de sa lèvre supérieure à son nez, court et retroussé, étoit hideusement démesurée, et son menton informe se noyoit dans une collerette de graisse. Il avoit le visage violet, la peau aduste et rissolée, les yeux petits et entrebâillés; et suoit le roastbeef, le vin et l’ale par touts les pores. En un mot, cette lourde bulbe humaine se mouvant encore avec assez d’aisance et d’énergie, étoit un de ces polypes charnus, un de ces gigantesques zoophytes fongueux et spongieux, indigènes de la Grande-Bretagne.

      Pour raviver ses revenus, épuisés par une jeunesse crapuleuse, lord Cockermouth, sur le retour de l’âge, quoique Anglois de pur sang, avoit épousé la fille d’un riche Anglo-Irlandois.

      Sir Meadowbanks, son beau-père, s’étoit promptement repenti de lui avoir livré sa fille par vanité d’une alliance honorable; et pour réparer ses torts avoit déposé une généreuse affection sur Déborah. Durant les absences de son gendre, plusieurs fois il étoit venu habiter Cockermouth-Castle, et plusieurs fois il avoit emmené ses enfants dans son manoir de Limerick. Il avoit été long-temps consul des marchands anglois à Livourne, parloit parfaitement l’italien, et s’étoit plu à l’enseigner à Déborah, qui l’avoit à son tour enseigné à son ami Patrick. A sa mort, par testament olographe, sir Meadowbanks lui avoit fait la donation de touts ses domaines et le legs de sa bibliothèque italienne et de sa collection de tableaux, dont quelques-uns, des grands-maîtres, valoient leur pesant d’or. Enfin, sans déférence pour lord Cockermouth, il avoit donné la curatèle de cet héritage à un membre du barreau irlandois, M. Chatsworth, jeune homme d’un caractère probe et d’une fermeté inflexible, dont le nom seul faisoit trembler le vieux commodore.

      Depuis son mariage, lord Cockermouth avoit été nommé gouverneur de plusieurs places dans les Indes, et, plusieurs fois, commandant ou commodore de petites escadres. Ces années d’absence avoient été les seules années de trêve et de consolation de son épouse. Dans touts ses gouvernements, il s’étoit fait abhorrer, lui, son nom et sa mémoire. Non pas qu’il fût injuste, mais parce qu’il avoit, au suprême degré, le caractère national, parce qu’il étoit inhumain. Il n’auroit point frappé l’innocent, mais il éprouvoit une joie sourde et féroce à suivre la loi le plus littéralement possible. Il n’auroit pas poussé au crime; mais, quand on avoit failli, il n’y avoit pas d’échappatoire possible, il poussoit à la mort. Dans touts les cas, il infligeoit le maximum des peines et des supplices. – Sur mer, il s’étoit acquis une réputation non moins effroyable. La seule vue de sa cornette rouge au grand mât, donnoit l’horripilation aux écumeurs. Malheur aux forbans qui se laissoient capturer par lui! – Aussitôt pris, aussitôt pendus. En vérité il étoit rare de voir son brick, en chasse ou en croisière, sans quelques douzaines de squelettes flottants parmi les vergues et les mâtures. Son fidèle Chris, ancien corsaire converti, et rentré dans le sentier de la vertu, étoit, par goût naturel, un de ses plus fervents pendeurs de pirates. Souvent, aussi, pour se donner quelques plaisirs, lord Cockermouth s’étoit fait octroyer des lettres-de-marque, et à ses frais et risques avoit armé en course. – Il posoit en principe philosophique que la race humaine est la race la plus féconde, et par conséquent celle de moindre valeur, et que sa fécondité étant toujours en raison du sang humain versé, il faut regarder à deux fois, non pour abattre un homme, mais un chêne. – Au demeurant, comme tous les êtres cruels envers les autres, il était fort complaisant pour sa personne et d’un égoïsme qui le faisoit remarquer même par ses compatriotes, passés maîtres en égoïsme. Éternellement gorgé de bonne chair, et presque toujours entre deux vins, dans ses moments d’abandon et de fines facéties, quelquefois, avec un rire, véritable onomatopée d’une serrure de prison de mélodrame, il se frappoit sur la panse en disant: Maudit ventre! déjà tu me reviens à plus de cent mille livres sterling.

      Ajoutez à tout cela des prétentions aristocratiques outrées; un orgueil impudent; une morgue insoutenable; et une gravité phlegmatique, qui l’eût fait prendre pour un penseur, à ceux qui estiment profonds les gents taciturnes, et qui, à ce prix, sans doute, eussent faits moins de cas de saint Anthoine que de son compagnon.

      Voilà, tout au juste, le brutal auquel on avoit donné à pâturer la pauvre miss Anna Meadowbanks, à peine âgée de seize ans; – mon esprit répugneroit à s’arrêter aux maux qui l’accablèrent. – Sans expérience aucune, ignorante de ses droits, douce, bonne, timide, l’âme emplie de terreur, cette enfant s’étoit courbée sans retour sous le sceptre, ou plutôt la massue de son époux. Et son cœur ardent, qui n’avoit pas trouvé à user ses passions, avoit répandu tout son amour concentré sur Déborah, seul lien qui le rattachoit à l’existence.

      VIII

      Une semaine s’étoit écoulée depuis leur dernière entrevue dans le parc; et, chaque jour, Déborah n’avoit pas manqué de diriger sa promenade vers le Saule-creux du Torrent, où, vainement, elle avoit déterré et ouvert un petit coffret d’acier, dépositaire habituel de leurs messages. Ce silence de Patrick l’auroit jetée dans une grande inquiétude, si, du haut de la Tour de l’Est, elle ne l’avoit apperçu plusieurs fois dirigeant sa charrue dans les terres en labour de la plaine.

      Le 10, en approchant du saule, son cœur tressaillit de joie: la terre, à l’endroit du coffret, étoit fraîchement remuée; Patrick venoit d’y déposer ce billet.

      «J’admire votre silence; et j’en tire bon augure: les bavards ne sont pas gents d’honneur. Si jamais on publioit votre correspondance, elle seroit certainement authentique.»

      Le 11, Déborah confia au coffret cette lettre.

      «Si vous admirez votre silence, moi, j’admire votre épigramme; et je trouve, dans ses monologues, votre esprit trop sévère envers lui-même.

      »Loin de trembler maintenant à l’heure de l’exécution, je demeure inébranlable convaincue que notre vie et notre bonheur ne dateront que de notre fuite, comme l’islamisme n’a daté que de l’hégire de Mahomet. Vous le voyez, je vous rembourse votre sel attique en fleur d’Orient; quitte à quitte.

      »A parler plus sérieusement, j’ai presque des remords, quand je pense à tout ce que je vais faire à ma pauvre mère. Souvent, lorsqu’elle me prodigue ses caresses, je me détourne pour laisser tomber quelques larmes arrachées par l’idée de ma trahison. Pourquoi n’est-elle pas cruelle comme mon père? on souffre moins à tromper un méchant. Je l’avouerai, dussiez-vous СКАЧАТЬ