Les français au pôle Nord. Boussenard Louis,
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Название: Les français au pôle Nord

Автор: Boussenard Louis,

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ strident.

      Les chiens qu'ils ne retenaient plus qu'avec peine, s'élancent au milieu d'un tourbillon de neige et disparaissent accompagnés d'un long cri d'enthousiasme.

      C'est, pardieu! une sensation émouvante que de se sentir ainsi emporté avec une vitesse de vingt-cinq kilomètres à l'heure, sans heurts, sans cahots, avec ce glissement doux qui donne l'impression d'un capitonnage de duvet. C'est tout au plus si la respiration ne manque pas, au milieu de ce courant d'air, obscurci d'une impalpable poussière de neige soulevée par les pattes des enragés coureurs.

      Ma foi, on ferme la bouche, on cligne des yeux, et on respire comme on peut, par le nez que protège le gros gant fourré.

      Parfois un chien fait un faux pas, culbute et se trouve empêtré dans son harnais. Croyez-vous que le conducteur se dérange pour si peu? Allons donc!

      Clac! Un solide coup de fouet au maladroit qui hurle, se remet d'aplomb on ne sait comment, et repart à fond de train.

      Ah! le fouet! N'en déplaise aux membres de la Société protectrice des animaux, sans lui, pas d'obéissance, pas de discipline, et, pourrait-on ajouter: pas d'attelage.

      Comment, en effet, maintenir l'ordre dans cette meute assez nombreuse déjà, et composée d'éléments ou de tempéraments si hétérogènes! Les uns sont ou paresseux, ou rapides, ou courageux, les autres sont ou rageurs, ou indociles, ou inintelligents, et tous aiment passionnément la chasse.

      Qu'arriverait-il, si le conducteur ne possédait pas un moyen de coercition d'autant plus efficace qu'il est plus cruel, alors que son attelage, sans mors ni bride, et pourvu d'une simple bricole, serait librement abandonné à ses fantaisies, ou s'aviserait au besoin de chasser à vue un renard ou un lièvre polaire?

      Le fouet esquimau, ce cousin germain du knout moscovite, répond à toutes les exigences.

      Ce spectre du conducteur de chiens doit avoir au moins un mètre et demi de plus que les traits, quelle que soit la longueur totale de l'attelage. Le manche seul est immuable et ne dépasse pas soixante-dix centimètres.

      La lanière est une mince bande de peau de phoque non tannée, terminée par une mèche en tendon desséché, avec laquelle un conducteur un peu habile frappe exactement où bon lui semble, et peut faire couler à volonté le sang.

      Un chien qui s'émancipe est rappelé d'abord à l'ordre par la voix du maître qui prononce le nom du délinquant, et l'accompagne d'un claquement.

      S'il y a récidive, la mèche vient le frapper sur les reins, et lui enlève, comme avec une paire de ciseaux, une mèche de poils.

      Enfin, en cas de mauvais vouloir absolu, et pour réprimer une faute grave, le maître n'hésite pas à frapper sans pitié l'épiderme, d'où jaillissent quelques gouttes vermeilles.

      Cinq minutes après le départ, le pilote, mécontent d'un de ses chiens qui, placé au milieu de l'attelage, donnait pour la seconde fois des signes d'insubordination, fournit au capitaine une singulière preuve de cette adresse proverbiale à manier le fouet.

      «Ach!.. Ach! criait-il en colère, dans son anglais de fantaisie, la damnée bête empêche les autres de marcher.

      «Attendez un peu, capitaine, et je lui coupe le bout d'oreille.»

      Et profitant d'une faute nouvelle, il brandit la terrible lanière, la projette en avant d'un mouvement brusque si merveilleusement calculé, que la mèche s'enroule exactement au petit bout de l'oreille du délinquant, et la tranche tout net comme l'eût fait un rasoir.

      Le chien poussa un long hurlement de douleur, bientôt couvert par les jappements de ses congénères et se tint pour averti.

      Après avoir ainsi parcouru avec une vélocité réellement vertigineuse un espace désigné préalablement, les traîneaux obliquèrent à gauche sur un simple mot, décrivirent un large cercle, et vinrent se ranger, de front, devant le starter, et dans un ordre aussi parfait qu'au départ.

      Chose réellement prodigieuse, il n'y eut ni vainqueurs ni vaincus!

      Aussi, d'Ambrieux ayant plus que jamais l'embarras du choix entre des bêtes également méritantes, prit le parti, ne voulant mécontenter aucun propriétaire, de leur acheter à chacun cinq chiens, pris au hasard dans chaque attelage.

      Total, trente chiens payés sans marchander cinquante francs chacun et embarqués séance tenante, avec trois traîneaux, sur la Gallia.

      Sans être aucunement dépaysés, les braves toutous, séduits d'ailleurs par une ample distribution de poisson sec, s'accommodèrent fort bien du petit local agencé à leur intention, par le charpentier sur le gaillard d'avant.

      Et dès lors, Plume-au-Vent, qui adore les bêtes, ne les quitte plus d'un instant, s'improvise leur pourvoyeur et sollicite du capitaine le plaisir d'être préposé à leur garde.

      «Mais, mon garçon, dit l'officier, tu vas te créer là un surcroît de besogne.

      – Capitaine, je vous en prie! voyez, ils me connaissent déjà.

      – Tu ne pourras même pas te faire comprendre d'eux… ils n'entendent que l'esquimau.

      – Avant quinze jours je veux en avoir fait des chiens savants.

      – Allons! comme tu voudras.

      «Te voici, à dater d'aujourd'hui, capitaine des chiens.

      – Merci de tout mon cœur! et je vous jure, foi de Parisien, que jamais bêtes n'auront été mieux soignées.»

      Deux jours après, chaque homme recevait sa paire de bottes groenlandaises, les vivres supplémentaires pour l'usage des chiens étaient embarqués, et la Gallia, pilotée de nouveau par son lamaneur indigène, quittait Julianeshaab, malgré la persistance du froid.

      L'escale avait duré dix jours, et l'on était alors au 23 mai.

      En vain maître Igalliko avait insisté près du capitaine pour lui faire prolonger son séjour. Il alléguait, non sans apparence de raison, la subite reprise du froid qui allait entraver la marche de la goélette. Même en attendant une semaine encore, elle devancerait les navires baleiniers qui ne se montreraient pas avant la fin du mois.

      D'Ambrieux fut inébranlable. Il voulait à tout prix faire de la route, arriver le premier là-bas, se frayer, coûte que coûte, un passage, au moins jusqu'à la Glace du Milieu; dût-il pour cela entamer sérieusement son combustible. Ne savait-il pas pouvoir s'approvisionner à la mine de lignite, découverte par la Discovery, et à celle trouvée plus loin encore par notre vaillant compatriote, le docteur Pavy, l'infortuné compagnon du lieutenant américain Greely.

      Vingt-quatre heures seulement après l'appareillage, les événements semblèrent légitimer les appréhensions du pilote.

      Du jour où la première glace flottante avait été signalée, la navigation, d'abord plus étrange que périlleuse, plus accidentée que difficile, devint tout à coup dangereuse à l'excès.

      Les matelots, ceux du moins qui n'ont jamais fait les rudes campagnes à la baleine, s'aperçoivent brusquement qu'ils viennent de pénétrer dans un monde entièrement nouveau.

      Glaces par l'avant et par l'arrière! glaces par tribord et par bâbord, glaces partout! C'est le règne du chaos!.. un mouvant chaos de glaces, un composé indescriptible СКАЧАТЬ