Les français au pôle Nord. Boussenard Louis,
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Название: Les français au pôle Nord

Автор: Boussenard Louis,

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ minutes après, la baleinière accostait la Gallia.

      Pendant que le Parisien sautait allégrement sur le pont au milieu des matelots qui ne lui ménageaient pas leur sympathie, le docteur faisait transporter Guignard au poste des blessés, puis engageait le sauveteur à l'y accompagner.

      «Pardon excuse, monsieur le docteur, mais, avec votre permission, dit-il, je vais aller me faire un brin rissoler devant mon fourneau de chauffe.

      «Voyez-vous, après une bonne suée, il n'y paraîtra plus.

      – Ma foi, mon garçon, c'est une idée.

      «Cependant, venez me voir quand vous serez réchauffé.»

      Le brave Parisien allait enfiler l'escalier de la machine, quand il se trouve en présence du capitaine qui le regarde de ses yeux tranquilles et lui tend la main.

      Confus de cet honneur et certes bien plus intimidé qu'au moment où il se précipitait dans les flots, Plume-au-Vent met respectueusement sa main dans celle de son chef et demeure bouche béante, interloqué.

      «Farin, mon brave, dit le capitaine de sa voix chaude et sympathique, au nom de l'équipage et du mien, merci!..»

      Et le chauffeur, de plus en plus troublé, ne trouvant pas un mot à répondre, mais tout fier de ce témoignage d'estime, porte la main à son bonnet, salue militairement et disparaît dans l'écoutille.

      «Que ne puis-je entreprendre avec de tels hommes! dit à part lui le capitaine en se rendant lui-même à l'infirmerie.

      «Oh! j'arriverai là-bas!.. je le sens… je le veux.»

      La goélette avait repris sa marche à travers le chenal où les obstacles semblaient s'accumuler à plaisir. Mais du moins l'incident qui faillit dès le début anéantir l'expédition, ou tout au moins porter le deuil dans l'équipage, eut cela de bon que chacun redoubla de vigilance.

      Et certes, jamais on n'en a plus besoin en remontant le cercle polaire qui semble fuir devant l'étrave de la Gallia.

      Le passage toujours obstrué par les glaces flottantes se maintenait libre, c'est-à-dire, que sa surface ne gelait pas. Du reste, la température, tout en restant assez basse, était moins rigoureuse depuis que le soleil ne disparaissait presque plus à l'horizon. La série des interminables journées arctiques allait commencer. Tout faisait prévoir une prochaine désagrégation du colossal amas de glaçons contre lequel on allait bientôt se heurter.

      Depuis longtemps on avait dépassé le fiord d'Arsuth, où se trouve la fameuse mine de cryolithe, nommée Iviktutk. Puis, Friedricshaab, Fiskernaes et enfin Godthaab, la seconde ville de l'inspectorat du Sud. Une triste bourgade plus froide, plus désolée que Julianeshaab. Le 65° était franchi, mais aussi quelles fatigues écrasantes, pour un résultat aussi modeste!

      L'implacable brume persistait toujours et s'interposait obstinément devant le soleil, qui, pendant trois mois, allait rayonner sur le désert de glaces.

      Et toujours la lutte sans trêve contre les écueils mouvants, aperçus vaguement à travers l'énervante opacité du brouillard! Les manœuvres incessantes qui courbaturaient l'équipage, les arrêts interminables, les retours précipités, la vapeur instantanément renversée, tout cela pour arriver à s'élever de quelques minutes!

      Cependant cette brume, en dépit de son opacité, couvre la mer d'une couche très mince, à ce point que les matelots de vigie dans le gréement, se trouvent en plein soleil 4.

      Là-haut, d'incomparables jeux de lumière sur les sommets des icebergs et des falaises, en bas, une houle de vapeurs humides, tourbillonnant comme un suaire de gaze, et se résolvant en gouttelettes qui recouvrent d'un enduit de givre les hommes et les choses.

      Grâce à cette particularité, le capitaine, toujours alerte comme un gabier, put prendre des hauteurs astronomiques en se hissant dans le tonneau fixé au sommet du grand mât et auquel les baleiniers donnent le nom de nid-de-pie.

      C'est ainsi que, le 30 mai, son observation lui donna la certitude que le cercle polaire était enfin franchi.

      Il y eut à bord une petite fête remplaçant la cérémonie classique et démodée du passage de la ligne, un bon repas, double ration de vin et de spiritueux et quelques chansons joyeuses où Plume-au-Vent déploya ses talents de virtuose.

      Puis le soleil, après la vue duquel on soupirait depuis longtemps, apparut enfin, et pour ne plus disparaître de trois mois.

      Les oiseaux, invisibles jusqu'alors, se montrent en essaims innombrables, jacassant à tue-tête, familiers d'ailleurs, au point de venir tourbillonner à travers le gréement du navire. Mouettes, damiers, pétrels, eiders, guillemots, zigzaguent et s'ébattent en pleine lumière, piquent des têtes au milieu des eaux vertes, vont s'éplucher sur les blocs errants, et repartent pour recommencer, indéfiniment.

      Les monstres marins, sortis de l'hivernale torpeur, éveillés par cette incandescence qui les met en belle humeur, folâtrent lourdement dans les eaux libres. On voit des troupeaux entiers de phoques se vautrer avec délices sur quelque fragment bien horizontal d'icefield en dérive, et venir plonger curieusement jusque sous l'étrave du navire.

      Une ourse même se montra, flanquée de ses deux oursons, humant de loin les émanations parties du vapeur, inquiète du branle-bas occasionné par sa présence.

      Le docteur Gélin, grand chasseur, parlait même de lui envoyer une balle express, alléguant la saveur exquise d'un jambon d'ours, fût-il polaire.

      Mais le capitaine lui fit observer en souriant que le gibier se trouvait au moins à mille mètres, et que la balle de sa bonne carabine Dougall serait inévitablement perdue.

      «Damnée réfraction! dit le docteur en reconnaissant qu'il est victime d'une illusion d'optique très fréquente là-bas.

      «Je m'y laisse pourtant prendre comme un conscrit.

      – Baleine par l'avant! s'écrie le maître d'équipage dont les yeux luisants aperçoivent une colonne de vapeur chassée par l'évent d'un cétacé.

      – Une baleine! riposte une voix bien connue.

      «Plus que ça de goujon!

      – Ris tant que tu voudras, failli Pantinois, n'empêche que ça me chavire, de ne pas seulement pouvoir lui loger quinze pouces de harpon entre les côtes.

      – Voyons, maître Guénic, il y a temps pour tout.

      «Que diable feriez-vous d'une pareille sardine?

      «Son huile!.. demandez-voir à notre camarade, Monsieur Dumas, dit Tartarin, ce qu'il en pense pour la cuisine.

      «Y aurait donc ses baleines qui pourraient vous tenter…

      «Est-ce que vous voudriez vous mettre marchand de parapluies?

      – Gamin, va! dit le maître, incapable de tenir son sérieux.

      – C'est p't-ête pour offrir à madame votre épouse une garniture pour son corset.

      – Oui!.. oui!.. tu trouves toujours autant de trous que de chevilles, toi.

      «Mais si t'avais évu celui de pratiquer la СКАЧАТЬ



<p>4</p>

C'est du reste un fait observé fréquemment sur les paquebots faisant la traversée d'Amérique. Par le travers de Terre-Neuve, les mâts sortent à moitié du brouillard, pendant que la partie inférieure du navire demeure invisible.