Les français au pôle Nord. Boussenard Louis,
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Название: Les français au pôle Nord

Автор: Boussenard Louis,

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ formant barrière devant les eaux libres du Nord.

      – Comment passerons-nous?

      – Il y aura débâcle.»

      Et profitant de la loquacité insolite de son camarade auquel l'état de la mer donne un peu de répit, le chauffeur se fait expliquer ce qu'il ignore, s'étonnant de la forme et de la consonnance des mots servant à désigner la glace sous ses différents aspects, cherchant en vain leur équivalent dans notre langue.

      «Les étrangers… surtout les Anglais, sont venus les premiers, et ils ont donné aux choses des noms de chez eux.»

      Et le Basque, poursuivant ainsi son entretien à bâtons rompus, continue ses définitions, dont le Parisien, ennuyé de ne pas savoir, se promet de tirer bon profit.

      Plume-au-Vent apprend ainsi du baleinier, que le Pack du Milieu, ou comme il préfère l'appeler, la banquise, l'effroi des vaillants pêcheurs de cétacés, obstrue les détroits de Smith, de Jones et de Lancastre, même pendant l'été arctique, et qu'ils doivent, pour gagner l'espace libre des Eaux du Nord, contourner vers l'Est la terrible barrière afin de trouver le passage, trop heureux quand il n'est pas intercepté par la soudure de la banquise avec la glace des côtes qui, presque en tout temps, obstrue la baie de Melville.

      Que de fatigues, de peines et de dangers, pour atteindre cette portion de mer ouverte qui ne s'étend guère au Sud du soixante-seizième parallèle, et doit souvent être cherchée plus haut! Etant donné surtout que le redoutable pack, appelé aussi: Glace du Milieu, s'étend du 76e au cercle polaire! soit un espace d'environ huit degrés, près de 900 kilomètres, à travers lequel il faut cheminer, Dieu sait comment!

      Cet effroyable amas de glace n'est pas immobile comme le croyait le chauffeur. Bien au contraire. Toujours plus ou moins en mouvement, il semble obéir à une impulsion continuelle produite par les courants venus du Nord, comme d'ailleurs le prouvent certains faits indéniables. Notamment la dérive extraordinaire du Fox, le petit vapeur monté en 1857 par Mac-Clintock, parti à la recherche de l'expédition Franklin. Le Fox, soudé à la banquise par le travers du cap York, descendit avec les glaces pendant neuf mois et ne fut délivré que sous le cercle polaire.

      Le Pack du Milieu, ou banquise, se forme donc, selon toute évidence, à l'extrême Nord, par l'agrégation des floes ou champs de glaces détachés, qui atteignent là-bas des hauteurs énormes, quarante et cinquante mètres, et viennent se souder à la barrière, après avoir notablement fondu en route, mais de façon à émerger encore de douze à quinze mètres et plus. Chaque floe qui constitue un des éléments de la banquise, a une configuration à peu près invariable. Il est profondément entaillé en plan horizontal au niveau des eaux, dont il subit continuellement l'action dissolvante, mais à une certaine profondeur il s'élargit énormément, de façon à posséder une base très considérable, et n'émerge jamais que du quart de sa hauteur totale.

      Que l'on juge par là des dimensions d'un glaçon qui se dresse à quinze mètres seulement au-dessus du niveau de la mer!

      Ainsi appelé par les circonstances à enfourcher son dada favori, le Basque devenait intarissable, peut-être pour la première fois.

      Et le Parisien jubilait de cette condescendance, et enrichissait sa prodigieuse mémoire de faits à ce point intéressants, qu'il ne s'apercevait pas du givre collé à ses sourcils, et des glaçons formant stalactites à chacun des poils de sa barbe.

      L'entretien se fût peut-être continué fort longtemps encore, s'il n'eût été brusquement interrompu par un cri bref du Basque, auquel succède une longue clameur d'étonnement, peut-être d'effroi.

      V

      Chute d'une montagne de glace. – Broyé ou submergé. – Un homme à la mer! – Héroïsme joyeux. – La récompense d'un brave. – Possessions danoises. – A travers la brume. – Dans le «Nid de Pie». – Regrets d'un pêcheur de baleines. – Toujours en avant! – Le comble de la misère humaine. – Près de pénétrer dans le cimetière des navires.

      Malgré le froid intense, les matelots, tout chauds encore du soleil natal, trouvent que cette monotonie, parfois si éclatante et plus souvent lugubre, est relevée par le charme de la nouveauté.

      Ils ont des étonnements naïfs, des admirations bruyantes, des métaphores audacieuses à l'aspect du tableau mouvant, si extraordinairement accidenté qui, bien que formé d'un seul élément, et n'affectant qu'une seule nuance, ne se ressemble jamais.

      C'est au point que leur vigilance est parfois en défaut, tant ce féerique décor, sans cesse modifié, surexcite leur curiosité jusqu'à leur enlever l'appréhension du danger.

      Du reste, ils n'ont pas eu le temps de se familiariser avec la configuration des icebergs ne montrant, comme on sait, au-dessus des eaux, que le quart de leur masse entière, et cachant sournoisement, sous les flots, une base très large, d'autant plus redoutable qu'on en ignore la forme et les dimensions.

      Aussi, arrivera-t-il qu'un monticule errant, passant à une quinzaine de mètres, et regardé comme inoffensif, eu égard à son éloignement relatif, heurtera, par un de ses prolongements sous-marins, les œuvres vives du navire.

      C'est ce qui se produit au moment où des cris violents interrompirent l'entretien du Basque et du Parisien.

      Le chenal où s'avançait la Gallia rasait de près un immense glacier collé aux falaises de la côte, et le courant, assez rapide, en érodait profondément l'invisible piédestal.

      Il y avait là des ébauches colossales d'une architecture fruste et tourmentée, où se confondaient, au milieu d'un pêle-mêle inouï, des piliers déjetés, des croupes de cathédrales, des tours balafrées de lézardes, des ogives rompues, des monolithes informes tombés on ne sait d'où, des pans ruinés, une cité de géants après un tremblement de terre.

      Toutes ces masses, reliées entre elles par le froid, et solidaires comme si le meilleur ciment les unissait, éprouvaient, par cela même, des trépidations violentes, quand l'effort incessant des eaux, sapant leur base, en détachait un fragment.

      Des craquements sonores, produits par le travail de désagrégation, retentissaient sans relâche, précédant, puis accompagnant la chute du bloc qui s'abîmait dans une pluie diamantée, puis soulevait une vague qui s'en allait mourir en clapotant sous les anfractuosités.

      En raison de cette solidarité, l'ébranlement se répercutait sur la totalité du glacier, produisant des dégringolades incessantes, et un fracas rappelant celui d'un champ de bataille, mais avec une sonorité en quelque sorte exaspérée.

      La goélette venait de s'écarter sur bâbord pour éviter l'approche d'un iceberg colossal, haut de plus de vingt mètres, taillé presque à pic, et dont la configuration bizarre rappelait celle d'un gigantesque bonnet de grenadier.

      Le navire allait le laisser à trente mètres environ sur tribord, quand tout à coup un pan tout entier se détache de la falaise de glace, tombe dans le chenal, s'enfonce, disparaît, puis émerge, en soulevant une vague monstrueuse.

      Celle-ci bondit et s'avance comme un mascaret, attaque le glaçon flottant, le fait osciller comme un fétu, et finalement le culbute sens dessus dessous.

      Cette scène, longue à raconter, n'a pas duré plus de quinze secondes, et provoqua le cri d'angoisse échappé aux matelots.

      Cependant, le navire n'eût couru aucun péril, sans la présence СКАЧАТЬ