Les français au pôle Nord. Boussenard Louis,
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Название: Les français au pôle Nord

Автор: Boussenard Louis,

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ continent si énergiquement dénommé: Terre de la Désolation, le froid, tout en devenant assez vif, était néanmoins très supportable.

      Le thermomètre, après être descendu pendant deux jours à −24° centigrades, avait marqué −4°, puis −7° et s'y était maintenu.

      Par suite d'une de ces variations si fréquentes au Groenland, surtout à la partie méridionale, il remonta brusquement à +12° le jour où la goélette entra dans le havre de Julianeshaab.

      Il y eut fusion partielle de certaines parties des glaces désagrégées antérieurement par les coups de mer, et une fausse débâcle qui faisait hocher la tête aux baleiniers.

      «Sûr que le froid va repiquer,» disaient-ils à leurs camarades plus inexpérimentés, qui, croyant l'hiver terminé, pensaient bonnement pouvoir gagner d'emblée les latitudes hyperboréennes.

      Pendant quarante-huit heures, la température demeura stationnaire, et sans transition le thermomètre accusa −10° en l'espace de quatre heures. La neige se mit à tomber avec une surabondance inconnue sous notre zone tempérée, couvrant la terre de son blanc linceul, et le chenal disparut instantanément sous un revêtement de glace, épais de cinq centimètres.

      S'il y avait là une vague apparence de contretemps, d'Ambrieux s'en consola bien vite en songeant que cet abaissement de température pouvait le surprendre au large de Julianeshaab et l'empêcher de pénétrer dans le port. Là du moins, son navire est à l'abri des glaces et surtout des coups de vent terribles accompagnant la fin de l'hiver arctique.

      Somme toute, quelques jours de perdus pour la navigation, mais très utilement employés à l'achat des traîneaux et surtout des chiens qu'on allait pouvoir essayer, comme les chevaux au champ de foire.

      D'autre part, le capitaine voyant tous les habitants pourvus d'excellentes bottes absolument imperméables et inaltérables à l'eau de mer comme à la neige, pensa qu'il serait utile d'en pourvoir tout son monde, en prévision de l'usure devant atteindre forcément celles qu'il avait fait confectionner en Norvège.

      La botte groenlandaise est en effet une œuvre d'art que les cordonnières du pays savent accommoder d'une façon merveilleuse à la forme du pied, tout en lui donnant une façon superlativement élégante.

      Elles sont en peau de phoque, cousues avec des fils tirés des tendons de l'animal et préparées de telle sorte, qu'elles conservent toujours une souplesse incomparable. Au moyen d'expositions alternatives au soleil et à la gelée complétées de frictions prolongées et d'onctions répétées, elles acquièrent, avec cette souplesse, une superbe couleur blanche, de façon à pouvoir être ensuite nuancées de rouge, de jaune, de violet et même de bleu.

      Séance tenante les bottières se mirent à l'œuvre, pendant que leurs époux, devenus maquignons, amenaient au capitaine les «meutes d'attelage» dont ils vantaient à l'envi la vigueur et la sobriété.

      Si Julianeshaab ne compte guère que deux cent cinquante citoyens, on y trouve en revanche au moins un millier de chiens, répartis, en nombre plus ou moins grand, dans toutes les habitations.

      D'Ambrieux n'avait que l'embarras du choix.

      Toutes les bêtes qu'on lui présentait offraient ce type bien connu, depuis que les splendides publications du Tour du Monde ont vulgarisé, par la gravure, les voyages aux régions glacées. De moyenne taille, mais singulièrement trapus et râblés, l'œil vif, le museau pointu, l'oreille droite et mobile du chacal dont ils ont la physionomie narquoise et éveillée, la queue longue, touffue, fièrement arquée en panache, ces braves chiens de course sont en outre enveloppés d'une longue fourrure bigarrée, qui les protège efficacement contre les morsures de la bise polaire.

      Rien à dire présentement de leur sobriété ni de leur endurance à la fatigue. On les verra plus tard à l'œuvre.

      Ne sachant, en somme, auxquels donner la préférence, le capitaine imagina, tant pour distraire son équipage que pour apprécier les mérites des concurrents, d'improviser une course en traîneaux.

      Le Groenlandais adore les luttes de vitesse, sur l'eau comme sur la terre. Ses chiens ou son kayak lui procurent alternativement cette enivrante volupté de se sentir emporté sur les flots avec la vélocité d'un squale ou de glisser sur la neige avec cette célérité qui donnerait le vertige à un jockey.

      La piste est toute prête et nivelée comme un billard. Un champ de neige qui s'étend, au nord, jusqu'au Pôle; à l'est, jusqu'à l'Atlantique.

      Ce n'est pas, croyez-le bien, un spectacle banal et dénué d'intérêt, que la vue de six traîneaux, attelés chacun de douze chiens bien en voie, parfaitement entraînés, se chamaillant, se mordillant, et attentifs au coup de fouet qui doit servir de signal.

      Aussi, hommes, femmes et enfants ont-ils tous déserté les maisons. Les hoquetons fourrés se pressent curieusement de chaque côté, pendant que les bottes multicolores piétinent la neige.

      Inutile de dire si le grand atelier de cordonnerie fait relâche!

      Le capitaine et le docteur, emmitouflés comme de véritables Groenlandais, sont montés sur le traîneau de maître Hans Igalliko, leur pilote, aussi habile canotier que cocher incomparable.

      Sur chacun des autres traîneaux, une paire de matelots costumés aussi en ours polaires, fument avec entrain et s'entourent d'un nuage de tabac.

      Le «colonibestyrere2» de Julianeshaab 3 remplit les importantes fonctions de starter, et tient, au bout de son bras levé, un fouet groenlandais en guise de drapeau.

      «Etes-vous prêt, capitaine? demande en mauvais anglais le starter improvisé.

      – Go ahead!» répond le capitaine qui se courbe en avant pour éviter le choc du départ.

      La lanière détonne comme un coup de pistolet, les chiens bondissent, et… un éclat de rire homérique s'échappe de toutes les fourrures indigènes qui se dandinent, se tordent, pendant que les bottes trépignent et gigotent éperdument.

      Quatre marins viennent d'exécuter en arrière une triomphante cabriole, et sont restés affalés, jambes et bras écartés, au beau milieu de la neige.

      «Bagasse!.. Pécaïre!.. Nom d'un d'là!.. Pétard!..»

      Quatre jurons de provenance gasconne, provençale, normande et… disons parisienne, retentissent avec un ensemble comparable à celui des chutes, et se confondent avec les rires fous de la population, et les claquements de fouet du starter qui vocifère à plein gosier.

      «Ce n'est qu'un faux départ, dit le docteur qui partage l'hilarité générale.

      «Pas de bobo! hein! les gars?

      – Quatre pipes de cassées, monsieur le docteur, répond une voix penaude, celle de Plume-au-Vent.

      – Fractures qui ne sont pas de mon ressort, continue le docteur.

      «Allons, au temps!.. remontez sur vos chars, et surtout, prenez garde au coup dur du départ.

      «Ces damnés bêtes ont du salpêtre dans les veines, et avec ça, un coup de gigot!..

      – Vous y êtes? demande le capitaine.

      – C'est paré! commandant,» répondent les СКАЧАТЬ



<p>2</p>

Le colonibestyrere, dont le nom signifie à peu près pilote de colonie, est le gouverneur du district. De Julianeshaab jusqu'à Upernavik, le dernier point où l'on rencontre encore des civilisés, on compte dix districts, administrés chacun par leur colonibestyrere nommé par le gouvernement métropolitain.

<p>3</p>

Le nom de Julianeshaab, signifie: Julie-Espérance. La triste bourgade, fondée il y a environ cent vingt-cinq ans, reçut ce nom en l'honneur de la reine de Danemarck, si bienfaisante à ses pauvres colons d'Amérique.