Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ son mary; mais la fin n'en fut si tragique.

      – Or laissons là ces diables et fols enragés cocus, et n'en parlons plus, car ils sont odieux et mal plaisants, d'autant que je n'aurois jamais fait si je voulois tous descrire, aussi que subject n'en est beau ny plaisant.

      Parlons un peu des gentils cocus, et qui sont bons compagnons de douce humeur, d'agréable fréquentation et de sainte patience, débonnaires, traittables, fermant les yeux, et bons hommenas.

      Or de ces cocus il y en a qui le sont en herbe, il y en a qui le sçavent avant se marier, c'est-à-dire que leurs dames, veufves et demoiselles, ont fait le sault; et d'autres n'en sçavent rien, mais les espousent sur leur foy, et de leurs pères et mères, et de leurs parents et amys.

      – J'en ay cogneu plusieurs qui ont espousé beaucoup de femmes et de filles qu'ils sçavoient bien avoir été repassées en la monstre d'aucuns rois, princes, seigneurs, gentilshommes et plusieurs autres; et pourtant, ravys de leurs amours, de leurs biens, de leurs joyaux, de leur argent, qu'elles avoient gaigné au mestier amoureux, n'ont aucun scrupule de les espouser. Je ne parleray point à st'heure que des filles.

      – J'ai ouy parler d'une fille d'un très-grand et souverain, laquelle estant amoureuse d'un gentilhomme, se laissant aller à luy de telle façon qu'ayant recueilli les premiers fruits de son amour, en fut si friande qu'elle le tint un mois entier dans son cabinet, le nourrissant de restaurents, de bouillons friands, de viandes délicates et rescaldatives, pour l'allambiquer mieux et en tirer sa substance; et ayant fait sous luy son premier apprentissage, continua ses leçons sous luy tant qu'il vesquit, et sous d'autres: et puis elle se maria en l'age de quarante-cinq ans à un seigneur18 qui n'y trouva rien à dire, encor bien-aise pour le beau mariage qu'elle luy porta.

      – Bocace dit un proverbe qui couroit de son temps, que bouche baisée, d'autres disent fille f… ne perd jamais sa fortune, mais bien la renouvelle, ainsi que fait la lune; et ce proverbe allegue-t-il sur un conte qu'il fait de cette fille si belle du sultan d'Égypte, laquelle passa et repassa par les piques de neuf divers amoureux, les uns après les autres, pour le moins plus de trois mille fois. Enfin elle fut rendue au roy Garbe toute vierge, cela s'entend prétendue, aussi bien que quand elle lui fut du commencement compromise, et n'y trouva rien à dire, encor bien aise: le conte en est très-beau.

      – J'ay ouy dire à un grand qu'entre aucuns grands, non pas tous volontiers, on n'arregarde à ces filles-là, bien que trois ou quatre les ayent passé par les mains et par les piques avant leur estre marys: et disoit cela sur un propos d'un seigneur qui estoit grandement amoureux d'une grande dame, et un peu plus qualifiée que lui, et elle l'aimoit aussi; mais il survint empeschement qu'ils ne s'espousèrent comme ils pensoient et l'un et l'autre, surquoy ce gentilhomme grand, que je viens de dire, demanda aussi-tost: «A-t-il monté au moins sur la petite bête?» Et ainsi qu'il lui fust respondu que non à son advis, encor qu'on le tinst: «Tant pis, répliqua-t-il, car au moins et l'un et l'autre eussent eu ce contentement, et n'en fust esté autre chose.» Car parmy les grands, on n'arregarde à ces reigles et scrupules de pucelage, d'autant que pour ces grandes alliances il faut que tout passe; encores trop heureux sont-ils les bons marys et gentils cocus en herbe.

      – Lorsque le roy Charles fit le tour de son royaume, il fut laissé en une bonne ville que je nommerois bien une fille dont venoit d'accoucher une fille de très-bonne maison; si fut donnée en garde à une pauvre femme de ville pour la nourrir et avoir soin d'elle, et luy fut avancé deux cents écus pour la nourriture. La pauvre femme la nourrit et la gouverna si bien, que dans quinze ans elle devint très-belle et s'abandonna; car sa mère oncques puis n'en fit cas, qui dans quatre mois se maria avec un très-grand. Ah! que j'en ai cogneu de tels et telles où l'on n'y a advisé en rien!

      – J'ouys une fois, estant en Espagne, conter qu'un grand seigneur d'Andalousie ayant marié une sienne sœur avec un autre fort grand seigneur aussi, au bout de trois jours que le mariage fut consomné il luy dit: «Senor hermano, agora que soys cazado con my hermana, y l'haveys bien godida solo, jo le hago saber que siendo hija, tal y tal gozaron d'ella. De lo passado no tenga cuydado, que poca cosa es. Del futuro guardate, que mas y mucho a vos tota19.» Comme voulant dire que ce qui est fait est fait, il n'en faut plus parler, mais qu'il faut se garder de l'advenir, car il touche plus à l'honneur que le passé.

      Il y en a qui sont de cet humeur, ne pensans estre si bien cocus par herbe comme par la gerbe, en quoy il y a de l'apparence.

      – J'ay ouy aussi parler d'un grand seigneur estranger, lequel ayant une fille des plus belles du monde, et estant recherchée en mariage d'un autre grand seigneur qui la méritoit bien, luy fut accordée par le père; mais avant qu'il la laissast jamais sortir de la maison, il en voulut taster, disant qu'il ne vouloit laisser si aisément une si belle monture qu'il avoit si curieusement élevée, que premièrement il n'eust monté dessus et sceu ce qu'elle sçauroit faire à l'avenir. Je ne sçay s'il est vray, mais je l'ay ouy dire, et que non seulement luy en fit la preuve, mais bien un autre beau et brave gentilhomme; et pourtant le mary par après n'y trouva rien amer, sinon que tout sucre.

      – J'ay ouy parler de mesme de force autres pères, et sur-tout d'un très-grand, à l'endroit de leurs filles, n'en faisant non plus de conscience que le cocq de la fable d'Esope, qui ayant esté rencontré par le renard et menacé qu'il le vouloit faire mourir, donc sur ce le cocq, rapportant tous les biens qu'il faisoit au monde, et surtout de la belle et bonne poulaille qui sortoit de luy: «Ha! dit le renard, c'est-là où je vous veux, monsieur le gallant, car vous estes si paillard que vous ne faites difficulté de monter sur vos filles comme sur d'autres poules;» et pour ce le fit mourir. Voilà un grand justicier et plitiq.

      Je vous laisse donc à penser que peuveut faire aucunes filles avec leurs amants; car il n'y eut jamais fille sans avoir ou désirer un amy, et qu'il y en a que les pères, frères, cousins et parents ont fait de mesme.

      – De nos temps, Ferdinant, roy de Naples, cogneut ainsi par mariage sa tante, fille du roy de Castille, à l'age de treize à quatorze ans, mais ce fut par dispence du pape. On faisoit lors difficulté si elle se devoit ou pouvoit donner. Cela ressent pourtant son empereur Caligula, qui débauscha et repassa toutes ses sœurs les unes après les autres, par-dessus lesquelles et sur toutes il ayma extresmement la plus jeune, nommée Drusille, qu'estant petit garçon il avoit dépucellée; et puis estant mariée avec un Lucius Cassius Longinus, homme consulaire, il la luy enleva et l'entretint publiquement, comme si ce fust esté sa femme légitime; tellement qu'estant une fois tombé malade, il la fit héritière de tous ses biens, voire de l'empire. Mais elle vint à mourir, qu'il regretta si très-tant, qu'il en fit crier les vacations de la justice et cessation de tous autres œuvres, pour induire le peuple d'en faire avec luy un deuil public, et en porta long-temps longs cheveux et longue barbe; et quand il haranguoit le sénat, le peuple et ses genres de guerre, ne juroit jamais que par le nom de Drusille.

      Pour quant à ses autres sœurs, après qu'il en fut saoul, il les prostitua et abandonna à de grands pages qu'il avoit nourrys et cogneus fort vilainement: encor, s'il ne ne leur eust fait aucun mal, passe, puisqu'elles l'avoient accoustumé et que c'estoit un mal plaisant, ainsi que je l'ay veu appeler tel à aucunes filles estant dévirginées et à aucunes femmes prises à force; mais il leur fit mille indignités: il les envoya en exil, il leur osta toutes leurs bagues et joyaux pour en faire de l'argent, ayant brouillé et dépendu fort mal-à-propos tout le grand que Tibère lui avoit laissé; encor les pauvrettes, estants après sa mort retournées d'exil, voyant le corps de leur frère mal et fort pauvrement enterré sous quelques mottes, elles le firent désenterrer, le brusler et enterrer le plus honnestement qu'elles purent: bonté certes grande de sœurs à un frère si ingrat et dénaturé.

      L'Italien, pour excuser l'amour illicite de ses proches, dit que quando messer Bernado el bacieco stà in colera, el in sua rabia non riceve lege, et non СКАЧАТЬ



<p>18</p>

Brantôme veut peut-être parler ici de Marguerite de France, sœur de Henri II, qui avait cet âge-là lorsqu'elle épousa le duc de Savoie.

<p>19</p>

C'est-à-dire: «Monsieur mon frère, présentement que vous êtes marié avec ma sœur et que vous en jouissez seul, il faut que vous sachiez qu'étant fille, tel et tel en ont joui. Ne vous inquiétez point du passé, parce que c'est peu de chose; mais gardez-vous de l'avenir, parce qu'il vous touche de bien plus près.»