Vie de Christophe Colomb. Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux
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Название: Vie de Christophe Colomb

Автор: Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/30922

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СКАЧАТЬ mon père, dit alors Colomb; mais oubliez-moi pendant quelques mois, excepté dans vos prières; quand vous me reverrez, j'aurai accompli un acte qui illustrera la couronne de Castille, au point que la conquête de Grenade ne tiendra qu'un rang très-secondaire dans le règne de Ferdinand et d'Isabelle.»

      Alors, le grand-amiral et l'excellent prêtre se pressèrent longtemps dans les bras l'un de l'autre en s'embrassant avec effusion; et jamais père tendre, en voyant son fils sur le point de se lancer dans une entreprise périlleuse, n'a senti son cœur tressaillir plus que le père supérieur lorsqu'il vit Colomb mettre les pieds dans son canot et se diriger vers son bâtiment.

      En arrivant abord, Colomb, cet amiral d'un Océan alors ignoré, ce vice-roi de terres encore inconnues, donna l'ordre de mettre sous voiles. Sans être précisément disposés à désobéir, les matelots ne purent entendre donner cet ordre sans se retrouver sous l'empire de leurs terreurs à peine assoupies, et il y eut un moment d'hésitation qu'ils expliquèrent en alléguant, comme le font, même quelquefois encore, des esprits simples ou fanatiques, que le jour fixé pour le départ avait été mal choisi, car il se trouvait être un vendredi, qu'on était habitué, disaient-ils, à considérer comme un jour de malheur et de mauvais augure.

      «Mes enfants, leur dit Colomb, ce n'est pas sans y avoir réfléchi que j'ai choisi un vendredi. C'est le jour où le fils de Dieu a bien voulu se sacrifier pour les hommes, c'est le jour de notre rédemption; et loin d'être une annonce de malheur, c'est au contraire un présage de succès. Calmez donc vos inquiétudes et partons remplis d'espoir!»

      Ces paroles prononcées avec assurance, la physionomie pénétrée de Colomb, l'attitude décidée d'Alonzo Pinzo et de ses frères calmèrent cette légère effervescence, et les caravelles se mirent en mesure d'appareiller. Elles se trouvaient alors mouillées sous Saltès, petite île placée devant Palos, à l'embouchure des petites rivières Odiel et Tinto, et Colomb, pour ne pas effrayer les esprits, avait eu la bonne politique de faire connaître qu'il voulait d'abord se rendre aux îles Canaries, d'où il se proposait de se diriger constamment vers l'Ouest, jusqu'à ce qu'il eût connaissance des terres transatlantiques. Or, rien ne pouvait être plus judicieux que cette route, car les îles Canaries se trouvent au commencement des parages des vents alizés qui soufflent toujours de la partie du Nord-Est à l'Est, et qui sont si favorables pour un voyage tel que celui que l'illustre navigateur entreprenait. Il ignorait, il est vrai, que la direction de ces vents était presque invariable dans toute la ligne qu'il allait parcourir, mais ce qu'il en avait vu lors de son voyage en Guinée, ce que sa sagacité lui en faisait présumer, furent probablement ce qui le détermina dans le plan de son itinéraire qui ne pouvait être tracé avec plus de jugement. D'ailleurs, avec cette route, si l'île de Cipango, telle qu'elle était portée sur la carte de Toscanelli, existait, il devait l'atteindre après un trajet seulement d'environ 800 lieues marines (4560 kilomètres à peu près).

      Mais pendant que les caravelles mettaient sous voiles, elles se trouvèrent soudainement entourées de barques et de chaloupes portant la population presque entière de Palos qui, sous prétexte de venir faire ses adieux, fit retentir l'air de cris de désespoir. Les hommes et les femmes de ces embarcations poussaient des exclamations lamentables, se tordaient les mains en s'agitant dans tous les sens, disaient que les caravelles couraient à une destruction certaine dans les abîmes de l'Océan, et répétèrent ces fables que l'on avait tant de fois débitées sur les projets de Colomb et sur la soi-disante absurdité de ses plans.

      Colomb, debout sur la petite dunette qu'on avait établie sur l'arrière du pont pour lui servir de logement particulier, était alors occupé à commander la manœuvre, et son ami, le médecin Garcia Fernandez était auprès de lui. «Vous entendez ces clameurs, lui dit-il; eh bien, elles ne sont pas plus déraisonnables, elles sont même plus excusables que plusieurs des discours que, depuis près de vingt ans, j'ai été condamné à entendre sortir de la bouche de prétendus savants: quand la nuit de l'ignorance obscurcit l'esprit, les pensées entassent des arguments absolument semblables à ceux-ci. Dans leur ressentiment, les entendez-vous qui excitent à la révolte, et qui me maudissent parce que je suis né en pays étranger? Mais viendra le jour où Gênes ne se croira nullement déshonorée pour avoir donné le jour à Christophe Colomb, où votre fière Espagne s'enorgueillira de ma gloire, et où elle s'efforcera de la revendiquer.»

      Pour en finir avec ces cris, Colomb ordonna qu'on laissât accoster une de ces chaloupes où il avait remarqué une jeune femme portant un enfant dans ses bras, et qui se faisait distinguer autant par sa jeunesse et sa beauté que par la vivacité de son exaspération. Il demanda son nom; on lui dit que c'était Monica, femme de Pépé, l'un des matelots de son bâtiment. Il la fit monter à bord et il s'avança jusqu'à l'escalier pour la recevoir et pour la mettre à même de faire ses adieux à son mari. Il lui parla avec douceur en présence de tout l'équipage; son regard, qui était d'une sévérité voisine de la rudesse quand il était mécontent, s'empreignit d'un caractère de bénignité qui toucha tous les cœurs et attendrit même celui de Monica qui ne put que pleurer et se taire, quand le grand-amiral lui dit: «Et moi aussi, je laisse derrière moi des êtres qui me sont plus chers que la vie; j'ai aussi un fils, mais qui n'a pas le bonheur d'avoir une mère, et qui serait doublement orphelin s'il nous arrivait malheur; mais nous devons tous obéir à la reine, et nous devons avoir confiance en Dieu, qui nous protégera, puisque nous partons pour accomplir sa volonté.»

      Les manœuvres de l'appareillage n'avaient pas été discontinuées; les ancres furent mises en place et saisies le long du bâtiment, les embarcations furent toutes hissées à bord; alors on força de voiles; les chaloupes des habitants de Palos, essayant vainement de suivre les caravelles, finirent par retourner au port, et les matelots voyant leur chef toujours très-décidé, sachant d'ailleurs qu'ils devaient relâcher aux Canaries pour y prendre des vivres frais, espérant peut-être que quelque circonstance mettrait obstacle à leur grand voyage, se soumirent à la nécessité et prirent leur parti sur le départ de Palos.

      Les premiers soins du grand-amiral furent d'organiser le service de mer, et de prescrire comment les relations entre son équipage et lui seraient réglées, et comment on honorerait sa dignité. En effet, il connaissait trop bien quelle était la manière d'être des bâtiments, pour ignorer qu'un commandant doit s'abstenir de tout rapport familier avec ses subordonnés, et qu'afin de ne rien perdre du respect et du prestige qu'il savait, par la suite, devoir être si utiles au succès de sa mission, il était convenable qu'il agît, en général, par l'intermédiaire de ses officiers, afin que l'observance rigoureuse des formes et du décorum retînt dans leurs positions respectives des hommes qui pourraient se laisser aller à leurs passions, et qui étaient réunis dans un espace aussi resserré.

      Il ne voulut pas, cependant, vivre dans l'ignorance de ce qui se passait ou se disait à bord, car il comprenait fort bien l'importance d'être averti de tout en temps utile, pour pouvoir, au besoin, y obvier à propos. Or, il était parfaitement en mesure sous ce rapport, car Garcia Fernandez, que ses fonctions rapprochaient de tous, devait le mettre dans la confidence de tous les bruits, propos ou projets qui pourraient se tenir ou se discuter dans l'équipage. Il y avait aussi à bord un jeune homme d'un esprit très-chevaleresque qui lui était dévoué: c'était don Pedro Guttierez, gentilhomme de la maison du roi, qui avait voulu se distinguer parmi les habitués du palais en briguant l'honneur de s'embarquer avec Colomb; on disait même qu'il espérait, par là, se rendre digne de la main d'une jeune demoiselle d'une grande beauté attachée à la personne de la reine et qui, comme la reine, avait montré le plus vif enthousiasme pour Christophe Colomb.

      En accueillant don Pedro Guttierez à bord, le grand-amiral lui avait dit: «Vous avez raison de croire à ma fortune, quoique j'aie été souvent raillé comme un insensé qui n'avait aucun précédent sur lequel il pût s'étayer; il est vrai que, d'un autre côté, j'ai été encouragé par des princes, des hommes d'État, des ecclésiastiques d'un profond jugement; mais quoi qu'il en soit de leurs opinions diverses, il est un fait constant: c'est que depuis le jour où j'ai été illuminé par l'idée de mon voyage, je vois les terres qui СКАЧАТЬ