Vie de Christophe Colomb. Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux
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Название: Vie de Christophe Colomb

Автор: Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/30922

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СКАЧАТЬ de la vérité que Colomb lui-même s'y méprit. «Terre! terre!» s'écrie Alonzo Pinzon, «je réclame la récompense promise à celui qui la verra le premier!»

      Le noble visage du grand-amiral rayonna du transport de joie le plus expressif; il monta sur sa dunette, se découvrit la tête, jeta vers le ciel un regard de reconnaissance infinie; et d'une voix émue, mais sonore, il entonna le Gloria in excelsis, que tous les équipages chantèrent aussi, avec autant de ferveur que d'enthousiasme.

      «Gloire à Dieu au plus haut des cieux!» s'écriaient ces rudes marins dont les cœurs étaient attendris par le souvenir de leurs dangers, de leurs espérances, ou par l'image de leurs succès. «Nous vous louons, répétaient-ils en chœur, nous vous bénissons, nous vous adorons, grand Dieu, nous vous glorifions, nous vous rendons grâce pour tous vos bienfaits, Seigneur, Dieu, Roi céleste, Dieu tout-puissant!»

      Dans ce chant majestueux qui se rapproche du langage des anges, autant que l'on peut croire que l'homme puisse imiter les choses divines, dans cet hymne sublime qui, pour la première fois retentissait au milieu des vastes et profondes solitudes de l'Océan, ces voix presque en délire s'harmoniaient avec le bruit des vagues qui, séparées par la proue des caravelles, se repliaient sur leurs flancs comme pour les caresser avec amour, et semblaient se complaire à répéter les louanges du Créateur.

      Le soleil avait disparu sous l'horizon, le jour s'était complètement assombri, mais les voix retentissaient encore, et les yeux n'avaient pas cessé de se tourner vers le point où se concentraient toutes les pensées. La nuit se passa dans la plus grande anxiété; on veilla avec attention, on fit route avec précaution, personne ne quitta le pont; Colomb l'aurait quitté moins encore que les autres tant il était ému! et, par le sillage que l'on faisait, on espérait être arrivé le lendemain matin à une petite distance de cette terre tant désirée.

      Le soleil se leva et répandit ses rayons sur le vaste panorama de la mer. À mesure que la lumière rendait les objets plus distincts, chacun enfonçait ses regards vers l'Occident. D'abord on n'eut que la crainte de ne pas revoir les montagnes de la veille; mais quand le soupçon fut changé en certitude, les cœurs furent glacés d'effroi: on comprit qu'on avait été le jouet d'une de ces dispositions particulières de l'atmosphère de ces climats, et le plus profond abattement succéda, parmi les équipages, à la joie que tout à l'heure encore ils venaient de faire éclater.

      Les murmures recommencèrent alors; mais le 29 septembre on vit un oiseau de l'espèce de ceux que nous appelons frégates, et que les marins pensaient devoir peu s'éloigner des terres. Son passage ranima un peu l'espoir qui s'éteignait; on trouvait aussi du charme à respirer l'air de la température agréable où l'on se trouvait et qui faisait dire à Colomb, dans son journal, qu'il se serait volontiers cru reporté dans les sites délicieux de l'Andalousie, s'il avait entendu le chant du rossignol.

      Pour donner un but positif aux idées des matelots, Colomb, tout en recommandant d'être très-attentif dorénavant à ne pas prendre l'image pour la réalité, promit d'ajouter, personnellement, une bonne récompense à celle qui avait été destinée par les souverains, en faveur de celui qui apercevrait la terre le premier.

      Quelques journées s'écoulèrent dans une alternative modérée où l'espérance remportait sur le mécontentement, tant les signes précurseurs de la terre devenait nombreux!

      Un phénomène nouveau vint, toutefois, effrayer les marins de l'expédition: ce fut l'aspect enflammé de la mer dans les sombres nuits de la zone torride. Cet effet, connu sous le nom de phosphorescence, est tellement vif qu'il éclaire sensiblement les voiles, les cordages et le corps entier du navire à l'extérieur, et que la moindre ondulation donne naissance à une sorte de flamme blanchâtre: on l'attribue, aujourd'hui, à la réunion en ces parages d'une infinité de mollusques qui ont la propriété de produire de la lumière en certains cas, et ordinairement de l'électricité. On dit aussi que cette lumière est due à des particules de corps organisés qui, quelquefois, ressemblent à une sorte de poussière couleur de paille brune. Il arrive, quand la mer est phosphorescente, qu'il s'y forme des bandes éclatantes séparées par des points obscurs qui simulent des brisants; d'ailleurs, elle est alors grasse au toucher, laisse une trace onctueuse à la peau, et répand souvent une odeur désagréable.

      Il faut convenir que des hommes aussi équivoquement disposés que les matelots de l'expédition durent être effrayés par ce spectacle inattendu, et que c'est bien alors qu'ils purent penser être transportés dans ces mers horribles qu'on leur avait dit, avant leur départ, qu'ils allaient affronter; ils se crurent voués à un incendie complet, et furent tellement saisis de terreur qu'à peine ils osèrent murmurer. Le grand-amiral fit puiser un seau d'eau, il y trempa son bras qu'il retira sain et sauf. L'équipage commença à se rassurer; Colomb continua paisiblement ensuite sa route au milieu de ces feux et de ces récifs apparents qui furent franchis sans inconvénient: et, quand le jour revint aussi pur, aussi radieux que la veille, on vit qu'on avait encore été le jouet d'une illusion, et l'on retrouva avec la clarté du soleil, avec la douceur de l'atmosphère, la confiance qu'on avait momentanément perdue.

      Les esprits des matelots étaient évidemment dans cette espèce d'état fébrile pendant lequel on se laisse aller aux changements les plus soudains, et Colomb avait encore de rudes crises à traverser. Heureusement la mer de ces parages était, comme on le voit le plus souvent, presque aussi unie que celle d'une rivière, le ciel était pur, l'air doux, et c'étaient des motifs qui empêchaient de s'abandonner au désespoir.

      Le 4 octobre, la flotille parcourut 190 milles marins: ce fut le plus long trajet depuis le départ. Le 5, la Santa-Maria atteignit le sillage de 9 milles marins par heure, qu'elle ne pouvait jamais dépasser, ce qui promettait une aussi bonne journée; mais la brise, fléchit et ce sillage ne se soutint pas.

      À la faveur de ces résultats, le grand-amiral calcula, le 7 octobre, qu'il devait être sur le point d'atteindre le lieu où il supposait, d'après la carte de Toscanelli, que se trouvait la grande île de Cipango, et il fut confirmé dans l'idée qu'il s'approchait de quelque terre considérable, en voyant plusieurs troupes d'oiseaux de peu de grosseur qui se dirigèrent, le soir, vers l'Ouest-Sud-Ouest, comme faisant un dernier effort pour voler au gîte que leur faisaient deviner la finesse de leurs organes, leurs habitudes et l'acuité de leurs instincts.

      Alonzo Pinzon et ses deux frères, Vincent et François, qui furent également frappés de la direction suivie par ces oiseaux, demandèrent au grand-amiral l'autorisation de se rendre à bord de la Santa-Maria pour en conférer avec lui; quand ils furent auprès de Colomb, ils le prièrent instamment, et pour eux, et pour le contentement de leurs équipages, de donner la route à l'Ouest-Sud-Ouest, au lieu de l'Ouest qui était toujours l'air-de-vent suivi par les caravelles.

      «Le désir de vous être agréable, leur dit Colomb, me fait accéder aujourd'hui à une demande de changement de route que j'ai déjà refusée dans une circonstance précédente: il est prudent et politique, ajouta-t-il, d'avoir de la condescendance lorsqu'il n'y a que peu d'inconvénients matériels à en montrer. Actuellement, nous devons être assez près de la terre pour qu'une déviation de quelques degrés ne nous la fasse pas manquer, tandis que la première fois que ce changement me fut proposé, cette déviation aurait pu nous conduire tout à fait à côté de notre but, je ne veux donc pas me montrer obstiné hors de propos; mais si dans deux jours la terre n'a pas été découverte, nous remettrons le cap à l'Ouest, car avec l'Ouest-Sud-Ouest prolongé nous allongerions trop notre route, puisque c'est l'Ouest qui doit probablement nous conduire le plus promptement possible au terme de nos travaux.»

      Il était impossible de mieux allier le devoir et la dignité à la condescendance; aussi les frères Pinzon se séparèrent-ils de Colomb avec satisfaction, et les équipages accueillirent-ils cette nouvelle avec un transport de reconnaissance.

      Quand ils furent partis, Colomb adressa la parole à Garcia Fernandez СКАЧАТЬ