Vie de Christophe Colomb. Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux
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Название: Vie de Christophe Colomb

Автор: Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/30922

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СКАЧАТЬ moi; tout me dit que j'accomplirai le dessein le plus difficile, le plus grand qu'il ait été donné à un homme de concevoir et d'exécuter. Depuis plus de vingt ans, je sollicite en vain un appui et des secours pour y parvenir; je trouve enfin ces secours, cet appui; et, pour de vains titres, pour de misérables questions d'argent, j'hésiterais!.. Si je ne réussis pas, rien au monde ne pourra me consoler ni me dédommager; mais si je mène mon entreprise à bonne fin, quel homme, quel savant, quel génie, quel potentat pourra se dire au-dessus de moi! et mon nom seul, le nom de Colomb ne brillera-t-il pas, dans tous les siècles, parmi tous ceux et plus peut-être que tous ceux dont s'honore l'univers!..»

      Quoi qu'il en soit, Colomb pensait que, pour la grandeur elle-même du présent qu'il allait faire au monde et aux souverains espagnols, que pour justifier sa foi en Dieu et l'opinion qu'il avait de la dignité de sa mission, il devait traiter, en quelque sorte, comme un roi, ou demander des avantages considérables, et il fut inébranlable; ainsi, il quitta Santa-Fé et il s'achemina vers Cordoue pour y faire ses adieux à Beatrix Enriquez, et pour se rendre ensuite à Paris.

      Mais ses amis les plus fervents ne purent supporter l'idée de ce départ. De ce nombre étaient Saint-Angel, receveur des revenus ecclésiastiques de l'Aragon, et Quintanilla. Ils s'empressèrent de se rendre auprès de la reine; ce fut Saint-Angel qui porta la parole, et il le fit avec une force, avec une éloquence qui ne laissèrent aucun point indécis. Le navigateur fut, par lui, loué, vanté, disculpé, justifié avec une noble chaleur qui partait du cœur le plus patriotique et le plus dévoué à la gloire de son pays.

      Isabelle fut plus que touchée, car la conviction, et une conviction profonde pénétra cette fois dans son âme; elle s'écria aussitôt: «Qu'il revienne, faites-le revenir!» Mais se rappelant soudainement que Ferdinand, dont le trésor épuisé par ses guerres si glorieuses contre les Maures, craignait de favoriser cette entreprise de peur de n'y pouvoir suffire, elle se leva remplie d'enthousiasme, et elle s'écria de nouveau: «Oui, qu'il revienne; je mets l'expédition au compte de la couronne de Castille, et j'engagerai mes joyaux, mes diamants et mes bijoux pour en couvrir les frais!» On l'a dit, et nous le répétons avec attendrissement: ce mouvement inspiré, cette noble générosité, cette abnégation personnelle marquèrent le plus beau des moments de la vie déjà si belle de la reine, et le titre de patronne de l'événement prodigieux de la découverte du Nouveau-Monde demeure acquis à son nom et à sa volonté.

      Saint-Angel ne prit que le temps d'assurer Isabelle qu'il ne serait pas nécessaire qu'elle engageât ses bijoux, et il se hâta d'aller expédier un courrier à Colomb pour l'inviter, de la part de la reine, à retourner sans délai à Santa-Fé.

      Pendant que Christophe Colomb s'acheminait vers Cordoue, modestement monté sur une mule et se livrant aux réflexions les plus amères, il se trouvait sur le pont de Pinos, qui n'est qu'à deux lieues de Grenade et qui est célèbre par plusieurs hauts faits de la lutte nationale contre les Maures, lorsque tout à coup il entend les pas d'un cheval lancé à tout élan. Il n'a que le temps de se retourner, et il voit ce cheval et son cavalier qui s'arrêtent auprès de lui: c'était le courrier expédié par Saint-Angel qui, payé comme s'il se fût agi de la destinée de la monarchie espagnole, avait fendu l'espace comme un trait et qui lui remit une lettre en lui disant de tourner bride et de revenir sur ses pas.

      Le premier mouvement de l'illustre voyageur, tant son cœur était ulcéré! le porta à répondre qu'il ne reviendrait pas; mais quand il eut lu la lettre, quand il eut appris que la reine le demandait elle-même et qu'elle prenait l'expédition sur le compte de la couronne de Castille, ses yeux se remplirent de larmes de reconnaissance, et, en reprenant subitement la route de Santa-Fé, il s'écria: «Dieu soit loué! c'est lui qui inspire la reine, et je suis sûr du succès!»

      Des ordres étaient donnés pour qu'il se présentât immédiatement devant la reine, et l'audience qu'il reçut est encore un de ces faits qui méritent d'être rapportés avec quelques développements.

      Colomb approchait alors de sa soixantième année; le temps de son séjour en Espagne lui semblait, tout à l'heure encore, une tache dans son existence, et la vie paraissait se dérober sous lui sans que le but de tous ses efforts fût accompli; cependant, si son cœur était abreuvé de chagrin, il était aussi exempt de faiblesse; si ses cheveux avaient entièrement blanchi, ses yeux avaient conservé tout leur feu; et sa contenance, son maintien n'avaient rien perdu de leur noblesse ou de leur dignité. Tel il était lorsque, introduit devant Isabelle, il s'avança d'un pas solennel, et que, selon l'étiquette de la cour, il se prosterna à ses pieds. La reine, qui ne l'avait jamais regardé ni avec autant d'attention ni avec autant de bienveillance, fut comme saisie de respect, et elle s'empressa de lui dire:

      «Segnor Colomb, vous êtes le bien venu, tous nos malentendus ont cessé; relevez-vous, et recevez ma parole qui est un gage certain. Surtout, ajouta-t-elle en se retournant vers les personnes de sa cour, point de discussion; le résultat est trop beau pour en permettre, et je n'en veux plus.»

      Un long cri de plaisir s'échappa de toutes les poitrines, et Colomb, avec cette gravité mâle qui donnait tant de prix à ses paroles, lui répondit:

      «Reine, mon cœur vous remercie d'une bienveillance qui m'est d'autant plus précieuse que ce matin même je n'osais pas l'espérer, et Dieu vous en récompensera. Mais ne puis-je me flatter que sa Majesté le Roi consentira à ne pas priver mon entreprise de ses lumières et de son appui?»

      «Vous êtes serviteur de la couronne de Castille, segnor Colomb; mais rien d'important ne se passe dans mon royaume sans l'approbation du roi d'Aragon, et son consentement est acquis à vos projets, bien que sa sagesse et son esprit supérieur ne l'aient pas laissé embrasser cette cause par les mêmes motifs que ceux qui ont décidé une femme, naturellement plus confiante et plus prompte à espérer.»

      «Qui pourrait, dit alors Colomb, de cet accent de sincérité qui lui était particulier, qui pourrait désirer un esprit plus élevé et une foi plus pure que celle de Votre Majesté? Mais si j'ai pris la liberté de parler du roi, c'est que sa prudence et sa protection détourneront de moi les sarcasmes ou les railleries des hommes légers, et me donneront, dans toutes les classes du royaume, un appui moral qui sera d'une très-haute valeur.»

      En ce même moment Ferdinand entra, et la reine lui adressa ces paroles, accompagnées d'un regard où brillait le plus vif enthousiasme:

      «Nous avons retrouvé notre fugitif; rien, désormais, ne s'oppose à son voyage, et s'il arrive aux Indes, ce sera pour l'Église un triomphe aussi grand que la conquête des pays possédés jadis par les Maures.»

      «Je suis très-satisfait, répondit le roi, de revoir le segnor Colomb; et lors même qu'il n'accomplirait que la moitié de nos espérances, la couronne et lui seraient tellement enrichis, qu'il serait embarrassé de son opulence.»

      «Un chrétien, répliqua le navigateur, saura toujours comment se servir de son or, aussi longtemps que le Saint-Sépulcre sera au pouvoir des infidèles.» «Comment, dit le roi d'une voix perçante, le segnor Colomb s'occupe à la fois de la découverte de nouvelles régions et d'une croisade contre les infidèles?»

      «Sire, tel a toujours été mon projet depuis le moment où j'ai vu deux frères gardiens du Saint-Sépulcre venir dans votre camp parler des menaces que Votre Majesté a eu le noble cœur de braver; et mes richesses, si jamais j'en acquiers, ne sauraient, je pense, trouver un plus digne emploi.»

      La reine intervint en cet instant, car elle crut que la conversation prenait un tour fâcheux, et la changeant avec autant d'adresse que de bonté, elle parla à Colomb de ses espérances, de ses projets, de ses voyages passés, des tempêtes qu'il avait essuyées, des combats auxquels il avait assisté et des périls qu'il avait courus. Colomb répondit à tout ce qui concernait ses projets et ses espérances avec une modeste assurance, avec une netteté qui ne laissèrent rien à désirer, СКАЧАТЬ