Название: Rencontres décisives
Автор: Roberto Bandenas
Издательство: Bookwire
Жанр: Религия: прочее
isbn: 9788472088535
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Aucun endroit du chemin qui relie la mer Morte à Jéricho n’est habité. Pourtant le maître conduit sans hésiter ses nouveaux amis au lieu où il dit résider en ce moment. Probablement là où il a logé durant sa visite au Baptiste, environ quarante jours auparavant. L’une des grottes si nombreuses dans la zone ? Un appentis de joncs au bord de la route où s’abritent l’un après l’autre les gens de passage ? Ou encore l’endroit qu’il a choisi pour planter la tente de voyage amarrée à son sac à dos qu’emportent tant de marcheurs ?15 Les vieux textes restent muets à ce sujet. Par contre ils précisent que les jeunes gens accompagnèrent le rabbi itinérant, virent où il habitait et qu’il partagea avec eux son logement de fortune jusqu’au jour suivant.
Bientôt ils décideraient de rester avec lui pour toujours.16
Ils n’oublieront jamais l’heure exacte de ce moment décisif : la dixième heure de la journée, la dernière heure de l’après-midi.17
Le jour décline. Tandis que les trois jeunes marcheurs baignent dans les derniers rayons dorés du couchant, un sentiment tout nouveau pointe dans leur cœur.
Rencontre magique, cruciale. Pour les disciples novices. Pour le nouveau maître.
De quoi parlent-ils durant cette inoubliable veillée sous les étoiles ? Les écrits des protagonistes ne le rapportent pas.18 Sauf un détail : le moment où ces jeunes gens rencontrent Jésus et décident de rester avec lui devient un marqueur dans leur histoire. Parce qu’ils ont trouvé en lui ce qu’ils cherchaient, beaucoup de choses qu’ils ne cherchaient pas, d’autres qu’ils cherchaient sans le savoir et quelque chose de meilleur que ce qu’ils étaient en train de chercher.
La leçon que le nouveau maître commence à leur enseigner concerne un verbe conjugable à toutes les personnes, à tous les temps et à tous les modes : aimer.19
Verbe irrégulier et imprévisible. Parce qu’il n’aime pas les impératifs, qu’il lui manque les temps parfaits, que son présent est généralement imparfait et son futur conditionnel. Un verbe qui exige d’être expérimenté sous toutes ses formes et accompagné de tous ses synonymes : désirer, apprécier, accueillir, soutenir, valoriser, respecter, partager. Mais comme la conjugaison de ce verbe étouffe dans les livres, ces premiers disciples doivent l’apprendre dans l’action.
Quel étonnement lorsqu’ils constatent que le verbe aimer personnifié est venu à leur rencontre ! Qu’il les a trouvés là dans ce trou perdu, dans ce bivouac imprévu.20 Si aimer vraiment est chercher le bien de l’autre, est vouloir son bonheur, alors oui, ces deux disciples découvrent en Jésus l’amour incarné, solidaire, inconditionnel. Non un sentiment éphémère mais un moteur en action, le principe vital qui leur fait reconnaître en leur maître quelqu’un qui vient de Dieu.21
Jean, probablement le disciple le plus jeune, fait plus tard allusion à ce sentiment aussi indéfinissable que nouveau qu’il commença à éprouver ce jour-là face à l’étonnante capacité d’empathie du Maître : le sentiment de se sentir accepté et compris sans avoir à exprimer de la gratitude pour tant d’affection. Et à partir de ce moment-là, il s’arroge avec audace le titre honorifique que personne n’aurait jamais osé afficher : « le disciple que Jésus aimait ».22
Apprendre à conjuguer le verbe aimer…. Première leçon si simple mais ô combien difficile et vaste du nouveau maître à ses premiers disciples et à tous ceux qui les suivront ! Leçon à entamer sur-le-champ, à poursuivre chez eux, dans leur quartier, dans leur village, dans l’atelier où ils travaillent, là où ils se détendent et, bien sûr, dans le sanctuaire où ils adorent. Si le verbe divin s’est approché d’eux par amour, mettre en pratique le verbe aimer dès maintenant sera aussi le moyen de s’approcher de l’autre et de s’élever vers le ciel.
L’amitié de Jésus fait découvrir aux jeunes gens tout ce qu’il leur faut pour donner un sens à leur vie. Que se recueillir dans la solennité d’un temple n’est pas nécessaire pour sentir la présence de Dieu mais que celle-ci se trouve aussi dans la fraîche embrassade de l’eau lors d’une baignade nocturne. Que pour entrer en communion avec le sustentateur de toutes choses, il ne faut pas nécessairement participer au rituel d’un sacrifice ; l’on peut communier avec lui en partageant avec gratitude quelques grenades et une poignée figues ou de dattes. Qu’il n’est pas besoin d’initiation mystique pour s’approcher du Créateur de l’univers ; il suffit de se laisser porter par l’émotion en contemplant les étoiles.
Les voyageurs ont rencontré le maître qu’ils cherchaient. Mais celui-ci les déconcerte. Il rompt tous leurs schémas. Ils ne savent comment le définir : conseiller admirable, maître, ami, chemin à prendre, guide de leur route…
Lorsqu’il leur parle de buts à atteindre, d’amour incarné, de joie sereine, de vérité, de vie et de bien d’autres sujets fondamentaux, ses paroles sont à la fois si simples et si profondes que chacune de ses réflexions semble inépuisable. De sorte qu’ils n’arrivent jamais au fond de ses pensées.
Il les déroute. Car le maître caresse avec un saisissant réalisme le rêve impossible des prophètes et des réformateurs les plus ambitieux : changer le monde !
Et eux veulent faire partie de ce rêve.
Mais seront-ils capables de suivre le maître dans cet impensable projet ?
1 . La plaine fertile de Sodome et Gomorrhe se situe dans la dépression de la mer Morte. Selon la tradition, ces villes furent consumées par le feu tombé du ciel (Genèse 19.1-28).
2 . Sur la communauté essénienne de Qumram, voir Flavius Josèphe, Guerre des Juifs contre les Romains, livre II, 12, trad. A. D’Andilly, Paris : LIDIS, 1968-1973, p. 707-713.
3 . Jean 1.19-28.
4 . Ce sont les premières paroles de Jésus enregistrées dans les évangiles (Jean 1.35-39).
5 . Jean 1.35-37.
6 . E. G. White, Jésus-Christ, p. 120-121.
7 . Mes études des Évangiles m’ont conduit à la conclusion que ces premiers disciples de Jésus avaient moins de trente ans. La première et principale raison est qu’ils l’appellent “rabbi” (maître). Quant à Jésus, il avait alors environ trente ans (Luc 3.23) et n’avait encore jamais enseigné, parce qu’il était charpentier. Dans cette société patriarcale traditionnellement gérontocratique, il était inconcevable qu’un maître soit plus jeune que ses disciples. Encore moins qu’il se risque à exercer avant les quarante ou cinquante ans. Si ces jeunes gens s’adressent à Jésus en l’appelant “rabbi”, c’est parce qu’ils étaient nettement plus jeunes que lui. Jusqu’à la fin de son ministère, Jésus continue à les appeler paidia (Jean 21.5), terme grec qui signifie “enfants” ou “petits enfants”. Les désigner ainsi serait impensable dans cette culture s’ils avaient été plus âgés que lui. Le plus probable est qu’ils devaient avoir alors une vingtaine d’années. Leur jeunesse expliquerait leur énorme disponibilité qui leur permit de suivre Jésus à plein temps pendant plus de trois ans, ce qui aurait été très difficile s’ils avaient eu des СКАЧАТЬ