Название: Rencontres décisives
Автор: Roberto Bandenas
Издательство: Bookwire
Жанр: Религия: прочее
isbn: 9788472088535
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Un homme au visage anguleux brûlé par le soleil s’approche en sifflotant. C’est le maître à suivre. L’émotion exalte les jeunes gens qui s’élancent à sa rencontre.
Comme le pèlerin ne se sait pas attendu, il continue sa route.
Bien que son pas soit ferme, il ne semble pas pressé et les jeunes gens n’ont aucune peine à le rejoindre. Intimidés à son approche, ils n’osent lui adresser la parole. Ils lui emboitent le pas. Dès que le voyageur les remarque, il s’arrête en souriant et leur demande d’une voix grave mais accueillante :
« Que cherchez-vous ? »4
Surpris, incapables de formuler ce qu’ils cherchent, les jeunes hommes restent cois. Ils se sentent désorientés, inquiets, insatisfaits. Ils désirent trouver une voie qui donne sens à leur vie, qui les rende heureux. Ah ! S’ils pouvaient mettre des mots sur l’objet de leur quête !
Le Baptiste a donné au maître itinérant le titre « d’Agneau de Dieu ».5 Curieux… Serait-ce une clé ou un code secret destinés à éclairer un mystère ? Ils ne disposent pour le moment que de trop peu de données permettant de résoudre l’énigme. Un agneau de Dieu, si loin du temple, en marge des autels, étranger au cercle des prêtres et de leurs sacrifices ?
L’étrange voyageur, qui ne sent ni l’encens ni la fumée mais qui exhale les senteurs sauvages du thym et du romarin, répète sa question. Oh ! Rien à voir avec les rites, le clergé ou la théologie ! Elle les concerne, eux, leur vie, leur ici et leur maintenant :
« Que cherchez-vous ? »
Leur quête ne diffère pas fondamentalement de ce que d’autres jeunes gens sérieux cherchent à un moment donné de leur vie. En dehors de toute urgence immédiate, ils voudraient trouver ce qui leur manque réellement pour orienter leur existence insatisfaite : un guide fiable, une amitié durable, quelqu’un avec qui partager la vie, une vocation gratifiante, une foi, un projet qui fasse rêver.
« Que cherchez-vous ? » insiste le voyageur.
Puisqu’ils n’arrivent pas à visualiser ce qu’ils cherchent, ils s’en sortent par une autre question :
« Maître, où demeures-tu ? »
Maintenant qu’ils l’ont trouvé, il ne faut pas le perdre ! Ils doivent pouvoir le rencontrer quand ils en ont besoin. Leur question équivaut indirectement, peut-être même inconsciemment, à la réponse : « C’est peut-être toi que nous cherchons. » Parce que nous cherchons souvent quelque chose sans le savoir alors qu’en réalité nous avons besoin de Quelqu’un.
Les deux amis voudraient savoir où ils peuvent écouter les enseignements du nouveau rabbi recommandé par le Baptiste. Pour l’instant ils n’attendent rien, ne demandent rien de spécial. Ils ne se sentent pas dignes de l’attention personnelle de quelqu’un comme lui. Ils désirent juste se joindre au groupe de ses éventuels disciples. Ils aspirent à ce qu’il leur donne accès au privilège dont profitent les disciples des rares maîtres qu’ils connaissent dans leur entourage : pouvoir après les occupations quotidiennes s’abreuver à la source de son savoir. Ils ont tant d’inquiétudes qu’une brève entrevue au bord du chemin ne suffirait à les combler. Ils désirent être seuls à seul avec lui, s’asseoir à ses pieds et recevoir ses enseignements.6
Leur timide et respectueuse requête dévoile qu’ils sont plus jeunes que celui qu’ils appellent déjà « Maître ».7
Jésus comprend bien leur demande. Lui aussi sait que « demeurer » représente plus que s’arrêter un moment. Demeurer c’est habiter, vivre, rester. Or il n’a pas l’intention de rester là à côté du désert. Voilà pourquoi il ne leur indique pas un lieu mais une présence :
« Venez et voyez. »
C’est-à-dire : « Suivez-moi ».
À la surprise des voyageurs, le nouveau maître ne se confine en aucun domicile fixe. Il habite dans le « venir » et le « voir » de ceux qui le suivent. On le rencontre en allant et venant : en sortant d’où nous sommes et en découvrant ce qui nous ne voyions pas. En nous approchant de lui et en l’observant attentivement.
Pour que ses compagnons de route trouvent ce qu’ils cherchent, il leur suffit de l’accompagner et d’ouvrir les yeux du cœur.8 Tout simplement. L’essence de leur recherche est tout entière contenue dans ces deux verbes d’action, qu’il conjugue comme deux invitations : « Approchez-vous de moi et gardez grands ouverts les yeux de votre âme ».
Car Celui qu’ils cherchent se rencontre partout. Dans les lieux sacralisés à cet effet – temples, chapelles, basiliques ou monastères - auxquels d’aucuns voudraient limiter les privilèges de la rencontre pour les garder jalousement sous leur propre tutelle, mais aussi dans les endroits les plus inattendus.
Jean et André découvrent par contre que pour trouver Dieu, il suffit de suivre Jésus.
Ce chaleureux accueil, cet intrigant message et ce charme attachant de la voix de Jésus déconcertent ceux qui sont habitués à être guidés à coups d’ordres et de prohibitions. Ils en sont d’autant plus décontenancés que Jean le Baptiste lui-même les a incités à la conversion en brandissant des menaces de haches et de feux.9 Jésus leur propose la même transformation radicale mais en empruntant une autre voie. Même s’il recourt parfois aussi à des images fortes. Le moment est venu d’inaugurer une nouvelle période dans l’expérience spirituelle de ces jeunes gens. Le discours du Baptiste a servi en son temps pour susciter en eux la crainte du jugement divin. Or le nouveau maître estime que ces jeunes n’ont désormais plus besoin de trembler de peur. Ils doivent frémir d’enthousiasme !10
Il connaît la nature de leur soif. Il sait ce qui peut transformer leur vie. Voilà pourquoi il les invite à le suivre sans ordres ni exigences, sans recourir ni de loin ni de près à la menace du châtiment. Sa pédagogie ? Une simple et cordiale bienvenue. Celle-ci suscite immédiatement en eux des désirs profonds et positifs : découvrir, progresser, avancer, croître.
Le jeune rabbi vient de rencontrer ses deux premiers disciples.11
Il a renoncé à la routine facile de sa profession d’artisan pour suivre la difficile vocation d’éducateur. Il a cessé de construire et de meubler des maisons pour se mettre à construire et à meubler des esprits. Quel défi ! Cet appel s’impose pourtant à lui avec toute la force du ciel.
Son entourage a insisté sur le fait qu’il commettait une grave erreur en fermant son atelier de charpenterie. Il était un excellent artisan au talent exceptionnel. Abandonner la modeste sécurité de sa clientèle équivalait à mettre en péril son futur. Quelle folie ! Il en va souvent ainsi. Si les pires résistances à faire quelque chose de grand viennent habituellement de nous-mêmes, l’opposition la plus farouche à assumer de nouveaux risques peut surgir de ceux qui nous aiment le plus.
Mais Jésus ne cherche pas une vie facile à l’abri de sa nombreuse parenté.12 Il veut une vie utile même si personne ne l’appuie. Son idéal ne relève pas de ce monde. C’est pourquoi il n’est pas comme tout le monde. Il a un rêve, un grand projet. Il veut construire un monde meilleur en changeant la vie des gens.13 Il n’a ni expérience ni diplômes ni moyens ni influence. Mais il a Dieu de son côté. Cela lui suffit pour se sentir optimiste, courageux et fort.
Et puis ses deux premiers disciples attendent déjà leur première leçon.
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