Le dernier vivant. Paul Feval
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Название: Le dernier vivant

Автор: Paul Feval

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066085827

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СКАЧАТЬ de Lucien Thibaut, très altéré, avec la mention: Pour Geoffroy. Sans date.)

      Je viens d'être bien malade et pendant longtemps. Les médecins disent que c'est une fièvre nerveuse.

      Cela fait souffrir beaucoup, mais les médecins se trompent. Ce ne sont pas les nerfs qui souffrent dans cette fièvre-là.

      Jeanne! ma pauvre petite Jeanne! Voilà mon mal. Il est au cœur. Je souffre de ne plus la voir, de me sentir séparé d'elle à jamais.

      Pas une lettre! pas un mot d'elle ni de sa mère! Je ne sais pas même où elles sont.

      Sa mère disait: «Vous oublierez....» Si Jeanne allait m'oublier! Elle est si jeune! et il y en aura tant pour lui parler d'amour.

      C'est pour le coup que je....

      Note de Geoffroy.—Il y avait ici plusieurs lignes effacées, après lesquelles le même numéro continuait:

      Se peut-il que ce bas monde contienne un homme si heureux que toi, Geoffroy? me voilà tout ragaillardi. Je viens de recevoir une lettre de toi. C'est de l'essence de gaieté. J'essaierai de la respirer quand je serai trop triste.

      Autour de toi ce ne sont que sourires, joyeuses audaces, aimables aventures. Du haut de tes succès il faut vraiment que tu aies de l'affection pour moi puisque tu continues à m'écrire, à moi, obscur robin que tu dois croire engourdi dans l'assouplissement provincial.

      Car tu ne sais même pas que je me sauve de l'engourdissement par le martyre.

      Comme tu ris bien! de bon cœur et de tout!

      Moi, je ne ris plus jamais, Geoffroy, et pourtant, dans ta lettre, il y a une chose qui m'a fait sourire, c'est le paragraphe où tu me reproches mon silence.

      Mon silence! Je ne t'écris jamais, dis-tu? Malheureux! si tu recevais tout d'un coup toutes les mains de papier que j'ai barbouillées à ton intention! ce serait à submerger ta gaieté sous mes ennuis!

      Te souviens-tu? j'étais fort pour tirer au mur à notre salle d'armes du collège. Je me confesse au mur en me confessant à toi, qui ne m'entends pas. Cela t'évite un chagrin, et pour moi, c'est peut-être plus commode....

      Je suis chez ma mère à la campagne, sur la route d'Yvetot à Lillebonne. Mes deux sœurs se relaient auprès de mon chevet.

      Tout le monde ici est très bon pour moi, mais le genre de bonté qu'on me témoigne implique un sentiment de protection. Dans ma famille, chacun me protège, mes sœurs aussi bien que ma mère, et les domestiques s'en mêlent à l'unanimité.

      Notre vieille cuisinière met du sucre dans mes plats comme si j'étais un petit enfant.

      J'ai dû très certainement, à la suite du coup de massue qui me terrassa à la ferme du Bois-Biot, donner quelques signes du mal mental auquel il a été fait allusion. Pendant plusieurs jours, je suis resté sans connaissance.

      On me cache ces défaillances de mon cerveau, on me dit que j'ai eu le délire, mais j'ai conscience de m'être assis plusieurs fois moi-même à mon propre chevet, analysant avec une curiosité froide les symptômes de mon mal moral, me consolant, m'arraisonnant et me grondant.... Quittons ce sujet qui me donne le vertige.

      On ne me cache pas tout, cependant. Ainsi, on me dit qu'en rentrant chez moi, après cette journée qui me broya le cœur, je trouvai ma mère qui m'attendait, et que je la maltraitai. Je n'en ai aucun souvenir, mais je m'en repens sur parole. On m'a pardonné.

      On me dit aussi que j'envoyai des injures, avec un cartel en règle, à ce bon M. Ferrand, le président du tribunal, qui me l'a pardonné également.

      Je lui sais gré de sa miséricorde, mais je ne me souviens ni du cartel ni des injures.

      On me dit enfin que vers ce même temps, Olympe quitta Dieppe et le cercle brillant dont elle est la lumière pour me servir de garde-malade.

      Le fait est que j'ai vaguement mémoire de l'avoir vue, plus belle que jamais, assise au pied de mon lit.

      Il parait qu'elle a été bonne, empressée, ravissante de zèle charitable, et même....

      Je peux bien être franc, puisque ma lettre ira où les autres sont allées: au mur.

      Il parait même qu'Olympe a été mieux encore que cela.

      Ma mère m'a avoué en grandissime confidence que Mme la marquise daignait se souvenir de nos enfantines amours.

      Vois-tu cela?

      De leur côté, mes sœurs échangent des regards attendris quand on parle d'Olympe. Célestine fait des allusions à la voiture de Mme la marquise qui est un huit-ressorts, s'il vous plaît. Julie lève les yeux au ciel et murmure des machines sentimentales. On ne me souffle plus jamais mot ni de la longue Sidonie, ni de Maria plus rose que les roses, ni d'Agathe, un peu déjetée, mais héritière. Si j'étais fat, je croirais qu'il dépend de moi, dès à présent, de remplacer M. le marquis de Chambray.

      Jeanne, ma jolie petite Jeanne! mon cœur chéri! Olympe est bien belle et j'ai vu le temps où je ne plaçais rien au-dessus de la noblesse de son âme. Mais maintenant, je t'aime, Jeanne, et je n'aimerai jamais que toi!

      Pièce numéro 21

      (Note écrite au crayon par Lucien. Sans date.)

      Olympe est revenue à Yvetot. Je ne pense pas qu'il y ait ici-bas une femme plus délicieusement belle.

      Beauté de marquise ou plutôt beauté de reine. Mes sœurs ont l'air d'être ses sujettes.

      Serait-il vrai qu'elle pût m'aimer? Que m'importe?

      Maman me l'a dit positivement ce matin. Je n'y crois pas. Qu'y a-t-il de commun entre ce rayon et mon ombre?

      Elle me parle peu. Je la trouve pâlie.

      Mme Péry est sa parente. Si elle pouvait me procurer des nouvelles de Jeanne.

      Je l'interrogerai le plus adroitement que je pourrai....

      Pièce numéro 22

      (Billet écrit et signé par M. le Dr Schontz. Tête de lettre imprimée portant le nom du docteur et cette mention: Spécialité pour les affections pulmonaires.)

      Paris, le 24 juin 1865.

       À M. L. Thibaut, juge, etc.

      Monsieur,

      J'ai confessé une pauvre mourante qui va laisser après elle sur la terre un ange abandonné. Je vous ai rencontré une fois à Paris, au temps où vous et moi nous étions des étudiants, chez M. le baron de Marannes. Il s'agit de sa veuve et de sa fille. On ne vous reproche rien, mais on souffre et on se meurt. Votre présence ne sauverait pas la malade, Monsieur, ma conscience, me force à l'avouer, mais la dernière heure serait adoucie. Faites selon les conseils de votre honneur et de votre cœur.

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