Название: Le dernier vivant
Автор: Paul Feval
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066085827
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Fifi, ne va pas nous chanter à présent que tu veux rester garçon, c'est bête, ni que tu as tes idées à toi comme les Moreau essayent d'en faire courir le bruit: une petite pécore sans position et dont la mère ne voit personne à Yvetot. Est-ce que je sais moi! j'ai grondé Julie et Célestine qui se faisaient du chagrin avec tous ces cancans. Je te connais, puisque je t'ai fait, pas vrai?
Tu es incapable de mal tourner.
Allons donc! mon Lucien! épouser une aventurière sans le sou!
Les Moreau ont fait des pertes dans le Crédit mobilier. Ça les aigrit. Ils voudraient voir des désagréments à tout le monde.
Je commence. Il y a donc d'abord Mlle Sidonie de la Saudraye, bien venu 3.700 francs de rentes, en chiffre rond. Espérances à peu près autant. Les parents ne sont plus très jeunes et la maman tousse.
Pas jolie de figure, mais taille superbe—elle est aussi grande que toi;—un peu maigrette et longuette, mais, avec du coton, ni vu ni connu; les cheveux un petit peu roux, mais les blondes sont à la mode, un petit peu jaune de teint, mais on aime les pâles à présent, et elle a une gentille pointe rouge au bout du nez qui la relève: bonne orthographe, gentille écriture, joli caractère, une voix agréable comme un flageolet, et bien pensante.
Tu sais? tu lui plairas du premier coup. Tout le monde lui plaît. Il faut penser à ta timidité. Sidonie est si bonne, si bonne, si bonne qu'on y entre comme dans du beurre, mais une conduite! Tu vois, je l'ai mise la première. C'est presque ma candidate.
Passons au n°2, qui est Mlle Maria Mignet, la fille du receveur: une simple pension de mille écus pour dot et l'héritage de son oncle en perspective. Ne fais pas la petite bouche, coco: il y a, dans le ventre du receveur, les moulins du Theil, les trois fermes de la Rivière et une part dans la forêt de Blené. Je ne lâcherais pas le tout pour deux cent mille francs, au bas mot. Hé?
Tu peux même mettre deux cent cinquante. Le receveur est veuf. Il a soixante-cinq ans et cinq mois. Sa goutte a déjà remonté l'année dernière.
Quant à Maria elle-même, vingt ans juste, toute rose, toute ronde, des dents de lait, des cheveux de soie, élevée au sacré-cœur de Rouen, jouant du piano mieux qu'une serinette, apprenant le catéchisme aux petits enfants du quartier, enfin un joli parti tout à fait.
Je ne parle même pas de la conduite.
C'est la protégée de Julie....
(Ici Mme Thibaut était arrivée au bout de ses quatre grandes feuilles de papier, mais, en femme de ressources, elle avait continué d'écrire en croisant les nouvelles lignes par-dessus les anciennes, ce qui est adroit, mais rend les lettres de ces dames aussi difficiles à déchiffrer qu'un manuscrit du quatorzième siècle.)
J'arrive à celle que porte ta sœur Célestine, le n°3 et dernier: Mlle Agathe Desrosiers, dix-huit ans, cent mille écus placés en 4½ pour cent et deux maisons à trois étages, en ville. Est-ce beau? Il y a un revers. Tu as connu son père qui était—hélas!—huissier, mais il est mort.
Radicalement orpheline. Tout ce bien là venu. Peu d'orthographe, des manières plus que simples, mais bonne enfant, de la conduite, et mignonnette, malgré un léger défaut dans la taille.
Mon coco, on ne peut pas tout avoir. Avec l'orthographe et sans la déviation, ce parti-là ne serait pas pour ton nez. Je l'évalue à 20.000 livres de rentes. Hein, garçon? Tu roulerais coupé, si tu voulais, et tu aurais ta campagne.
Voyons, mon Lucien, ne faisons pas l'enfant. Tu as l'âge de te placer comme il faut, crois-moi, ne te laisse pas rancir. Ces romans de jeunesse peuvent gâter une position pour toujours. C'est le coup de pouce sur la poire. Dans deux ans d'ici il faudra peut-être redégringoler jusqu'à Ida Moreau.
Réfléchis. On ne te met pas le pistolet sous la gorge. Nous te donnons huit jours pour peser et contrepeser les avantages des unions proposées.
Dès que tu m'auras répondu, je ferai la demande, et puis tu viendras voir la minette pour ne pas épouser chat en poche.
Et puis encore, six semaines ou deux mois.... Ah! quel agréable moment! Lucien, c'est le plus beau jour de la vie.
Je t'embrasse comme je t'aime; sois sage et décide-toi.
Ta mère, etc.
Pièce numéro 11 bis
(Petit mot de Mlle Célestine, écrit en travers et signé.)
Mon chéri de Lucien, c'était notre Olympe qui aurait été l'idéal. Quel cœur! Quand ses grands chevaux piaffent dans la cour, je deviens folle. Ne va pas croire que je sois si enchantée de cette petite Agathe. C'est une pensionnaire, et élevée dans une pension-peuple, encore! Je sais aussi bien que maman qu'elle a un corset mécanique, mais on en ferait ce qu'on voudrait. Elle nous regarde comme ses supérieures. Tu nous prêterais ta voiture pour les visites.
La grande Sidonie est insupportable. Maman ne t'a pas dit son âge: je sais qu'elle passe vingt-neuf ans; elle a moisi. Elle joue à l'ange, mais méfiance! Toutes ces longues filles fanées mettent la queue en trompette dès qu'un poil de barbe paraît à l'horizon!
Maria Mignet, encore passe: au moins elle n'est que ridicule.
Prends mon Agathe, va, c'est absolument ce qu'il nous faut, et tu me remercieras plus tard.
Pièce numéro 11 ter
(Petit mot de Mlle Julie, écrit comme le précédent et signé.)
Mais, du tout, Maria n'est pas ridicule, mon Lucien, seulement Célestine ne voit jamais que l'argent, les visites, les voitures. Il faut autre chose pour alimenter l'âme. Je connais Maria et je te connais. Vous vivrez tous deux par le cœur.
En tous cas, tu es libre; épouse cette bossue dorée d'Agathe, si tu veux; mais ne nous empoisonne pas de Sainte-Sidonie. Tu ne sauras jamais comme je pense à ton bonheur. S'il ne fallait que donner ma vie pour que tu eusses une Olympe... mais ce sont de vains rêves. Prends Maria.
Pièce numéro 12
(Billet écrit et signé par Mme la marquise de Chambray-)
Yvetot, ce mercredi (sans autre date).
Mon cher Lucien, vous vous faites de plus en plus rare. Votre chère mère et vos sœurs m'avaient chargée d'avoir de vos nouvelles. Comment puis-je leur en donnerai je ne vous vois pas?
Mme Thibaut est toujours chez moi, là-bas. J'espère aller l'y retrouver bientôt. Elle paraît préoccupée à votre endroit d'un désir et d'une crainte. Je ne puis ni la rassurer ni l'aider puisque vous vous éloignez de moi sans cesse davantage.
Je ne sais si j'ai pu faire quelque chose qui vous ait déplu. Je cherche en vain, je ne trouve pas. Du vivant de mon mari, j'avais mes devoirs, mais, depuis que je l'ai perdu, j'avoue que je sais gré à ceux de mes anciens amis qui n'abandonnent pas la pauvre veuve.
Avez-vous donc СКАЧАТЬ