Название: Le dernier vivant
Автор: Paul Feval
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066085827
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Note de Geoffroy.—C'était signé Olympe. Cette belle marquise avait une écriture anglaise un peu trop renversée, mais charmante.
Je ne sais pas pourquoi, après avoir lu son billet qui gardait encore, depuis le temps, un parfum pâle et doux, je feuilletai le dossier pour retrouver les lettres anonymes portant les nos 1.3 et suivants jusqu'à 8.
Je m'arrêtai aux deux premières.
Ces lettres n'étaient pas de la même main, cela sautait aux yeux.
Du moins, cela semblait sauter aux yeux.
L'une était tracée lourdement, sur fort papier, avec une grosse plume maladroite.
L'autre, sur papier Bath, très faible, pouvait passer pour une série d'écorchures lisibles. Mais, je l'ai mentionné déjà, les écritures de ces lettres étaient toutes les deux déguisées.
Et il y avait entre les deux corps d'écriture, en apparence si différents, un mystérieux lien de famille.
Étais-je déjà prévenu? Le même rapport me parut exister, rapport excessivement vague assurément et encore plus sujet à contestation, entre ces écritures si contrastantes et les déliés gracieux de Mme la marquise.
Remarquez que je ne me donne pas pour un expert juré,—mais je ne veux pas cacher non plus que je ne suis pas tout à fait un profane au point de vue de la calligraphie.
J'ai pratiqué un peu cette science—ou cette fantaisie—qui consiste à juger le caractère des gens d'après leur plume.
De ce travail d'examen—et de comparaison—qui interrompit un instant ma lecture, il me resta deux impressions:
L'une ayant trait à la ressemblance: très fugitive celle-là et que je n'oserais pas même appeler un soupçon.
L'autre se rapportant à l'examen technique de l'écriture de Mme de Chambray: cette impression beaucoup plus accentuée que la première.
Il y avait là, selon ma manière d'interroger la plume, une vigueur sous la grâce, une puissance sous l'abandon, une volonté intense et une hardiesse peu commune derrière la mignardise toute féminine d'une écriture à la mode.
Cette marquise me piquait, voilà le vrai. Elle m'effrayait aussi. Je la voyais dominer de toute la tête le niveau de ce drame, taillis confus où j'en étais encore à chercher ma route parmi les broussailles.
Au moment où je remettais en place les lettres anonymes, ma pendule sonna. Il était onze heures de nuit. Je lisais depuis trois heures. Mon estomac criait littéralement famine.
Cependant, au lieu de prendre mon chapeau pour descendre au boulevard où tant de restaurants m'offraient leurs tables hospitalières, mon œil d'affamé fit le tour de la chambre.
Il rencontra, sur un guéridon, quelques rogatons du pain à thé qui avait servi à mon déjeuner du matin.
Je poussai le cri des naufragés de la Méduse apercevant une voile à l'horizon. D'une main, je m'emparai des bribes desséchées, tandis que l'autre tournait déjà un nouveau feuillet, et je plongeai tête première dans mon investigation, dévorant avec une activité pareille mes croûtes et mes paperasses.
Pièce numéro 13
(Lettre écrite et signée par Albert de Rochecotte).
Paris, lundi soir (sans autre date).
Brave Lucien, où en est l'affaire Jeanne? L'affaire Fanchette périclite déplorablement. Mon oncle du Havre est mort. J'ai fait un héritage.
Est-ce que nous ramons toujours sur le fleuve de Tendre avec ma petite cousine Péry? J'en ai peur pour toi. Mon autre cousine, l'incomparable Olympe, m'a dit que ta maman avait tout plein de peine à te marier.
Tu as tort, il n'y a que le mariage, mon bon. J'ai toujours été de cet avis-là. Nous sommes ici-bas pour nous marier et pour mourir.
Au reçu de la présente, tu es sommé de te rendre à Lillebonne, au domicile politique et civil de mon notaire, maître Béat-et-son-collègue (Solange-Alceste), dépositaire de mes papiers de famille.
Ne rions jamais: je vais avoir un notaire à moi, un notaire pour de bon. Je serai un client. Le petit clerc m'honorera par-devant et me fera des cornes par-derrière. Oh! la vie!
Chez ce maître Béat, tu retireras mon acte de naissance, mon diplôme de vaccination et généralement toutes les pièces indispensables pour épouser quelqu'un, autre que ma Fanchonnette.
Ah! le cher cœur, le délicieux amour! Comme je l'épouserais plutôt cent fois qu'une si c'était seulement une chose possible! Mais c'est de la voltige, du cancan, de la marche au plafond. La postérité refuserait d'y croire. Que diable! on n'épouse pas Fanchette! (Ne le dis pas, elle a rempli jadis les fonctions de marchande de plaisirs.)
J'ai vainement cherché un exemple dans l'histoire, un précédent, une excuse. Il n'y a que les membres du haut parlement anglais, les rois de Bavière et mon bottier pour épouser Fanchette. Fanchette elle-même se moquerait de moi et ce ne serait pas la première fois. (Tu comprends: marchande de plaisirs, en tout bien tout honneur, diable!)
Si tu savais quels purs diamants il y a dans son sourire! Le monde est bête à tuer. Au fait, pourquoi n'épouse-t-on pas Fanchette?
Voilà. C'est qu'on en épouse une autre. Je suppose que cette raison-là te paraîtra péremptoire.
Comme je l'aimais! comme je l'adore! tu vas me demander: qui donc épouses-tu comme cela? Curieux!
Te divertirait-il de savoir que j'ai demandé Olympe? Tu t'y attendais. C'est ce qui tombe d'abord sous le sens. On épouse Olympe aussi fatalement qu'on n'épouse pas Fanchette. Mon pauvre bon oncle était encore chaud que j'avais déjà la main à la plume. Pas de réponse. J'ai pris la poste pour Dieppe. Olympe m'a ri au nez. Très bien. Je suis revenu à Paris.
Je crois qu'Olympe a un amour au cœur, comme dit ta sœur Julie que j'ai vue là-bas et qui vaut à elle seule tout un cabinet de lecture. Bonne fille, du reste. Célestine aussi. Mais des râpes dans la bouche.
Alors, Olympe m'ayant remis à ma place, je cherche comme un malheureux. Personne ne m'a dit: «Marie-toi», mais je sens qu'il faut me marier. Il le faut. C'est la loi.
Songe donc! non seulement je suis riche, comme peut l'être un bon bourgeois, par mon oncle; mais, par mon oncle encore, il me tombe un droit éventuel à la succession du fournisseur,—le dernier vivant de la tontine.
Tu dois bien connaître un peu cette chanson-là. Le bonhomme Jean Rochecotte était de chez vous, et tous ses héritiers demeurent autour d'Yvetot. Je prime tout le monde à ce qu'il paraît. Je suis sérieusement menacé de périr à la fleur de l'âge, étouffé sous une avalanche de millions.
Et sais-tu que, si je mourais, ton affaire, Jeanne, cesserait d'être une mauvaise plaisanterie?
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