" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle. Группа авторов
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СКАЧАТЬ du Petit Bourbon. Imprimées en regard du texte original italien sur les pages de gauche, ces traductions restées anonymes prêtent aux personnages des pensées et un langage plus honnêtes et bienséants22.

      En dépit de leur prologue encomiastique, les textes dramatiques de l’abbé Buti résistent à la lecture allégorique, et les clés que l’on a essayé de leur appliquer ne produisent que de bien insatisfaisantes interprétations. Comme l’expliquent Thétis, Pélée et Prométhée à la toute fin des Nozze di Peleo e di Theti, la leçon morale qu’on pourrait tirer de l’intrigue se résume au principe suivant lequel les épreuves imposées par la vertu conduisent à la félicité.

      La fonction épithalamique d’Ercole amante est évoquée une première fois dans le prologue par le personnage de Diane (Cynthie) :

E veda ogn’un che desiar non sa Car le prix le plus noble et le plus magnifique
Un eroico valore, Dont se puisse payer la valeur heroïque,
Qui giù premio maggiore C’est de pouvoir enfin avec tranquillité
Che di goder in pace alta beltà. Posséder plainement une rare Beauté.23

      Il est ensuite repris par le chœur dans l’apothéose qui clôt la représentation :

Così un giorno avverà con più diletto Ainsi sur son pompeux et triomphant rivage,
Che della senna in sù la riva altera La Seine quelque jour doit voir le mariage,
Altro Gallico Alcide arso d’affetto Dont saintement estreint, un Hercule François
Giunga in pace à goder bellezza Ibera. De l’Ibere Beauté suivra les douces loix :
Mà noi dal Ciel traem viver giocondo Mais au lieu qu’en l’Hymen où le Ciel nous engage
E per tal coppia sia beato il mondo. Nous seuls favorisez, trouvons nostre advantage
Ce couple glorieux dans les justes plaisirs
Verra du monde entier accomplir les désirs.24

      Comme l’a montré Kristiaan Aercke, cette allégorie ne fonctionne que si l’on fait abstraction des cinq actes de la « tragédie » de Buti, où le comportement d’Hercule est loin d’être exemplaire25. Or, un relevé des changements apportés au texte original italien dans la traduction anonyme (soulignés ci-dessus), fait voir aisément que le traducteur, pour remplir les douze syllabes de l’alexandrin, fait appel à des adjectifs et des adverbes mélioratifs qui tirent l’original vers le haut et le rendent plus convenable aux circonstances de sa représentation. Tout se passe comme si, dans le livre des Nozze di Peleo et dans celui d’Ercole Amante, la traduction tâchait de corriger non pas le sens, mais le registre du texte dramatique. La publication de ce dernier aurait alors pour fonction de procurer à ces spectacles, dans la durée du souvenir fixé par le livre commémoratif, quelque chose de la noblesse de la tragédie chantée, telle qu’on était capable alors de la rêver après Andromède. Et comme, à la différence de la fête théâtrale de 1650, le message politique des fêtes de 1654 et 1662 était entièrement porté par les entrées de ballets et les vers que Benserade avait composés à leur effet, le texte dramatique pouvait se contenter de suggérer superficiellement le décorum d’une fête royale26.

      Les concessions faites au goût de l’enfant-roi (ballet d’animaux de la Finta pazza) et aux habitudes de la cour (multiplication des apothéoses et des entrées de ballet dans les Nozze di Peleo et Ercole amante), le faste des décors, des costumes et des effectifs musicaux, communiquèrent plus efficacement la magnificence de la cour de France sous la régence et le début du règne de Louis XIV, que les vers imprimés de l’abbé Buti ; mais une voie était désormais ouverte, où s’engageraient Molière et Quinault, dont les poèmes dramatiques seront parfois, mais pas toujours, imprimés dans les relations officielles des fêtes de cour de Louis XIV.

      Imprimer des prologues théâtraux au début du XVIIᵉ siècle. Le cas des recueils du farceur Bruscambille

      Flavie KERAUTRET

      Université Paris Nanterre

      Dans le premier tiers du XVIIᵉ siècle, alors que l’essor de la publication imprimée du théâtre en est encore à ses prémices, que le statut des écrivains n’est pas stable ni reconnu – et qui plus est celui des dramaturges, contraints de céder temporairement l’exclusivité de leurs pièces à la troupe qui les interprétait –, sont édités massivement les prologues du comédien Jean Gracieux. Ces discours sont rapidement regroupés sous le pseudonyme de Bruscambille, un nom de scène qui va peu à peu envahir les pages de titre de ses ouvrages. Nous connaissons peu de choses de ce farceur qui apparaît par intermittence comme membre des « comédiens ordinaires du roi » dans certaines minutes notariales1. Ses recueils de monologues, qui restent les traces les plus importantes de son activité, le présentent comme un « comédien » adoptant le surnom de « Des Lauriers » pour les rôles sérieux2. Ces prologues se présentent comme des discours destinés aux planches du théâtre, comme des tirades visant à être prononcées pour capter l’intérêt des spectateurs, notamment ceux de l’Hôtel de Bourgogne, avant la représentation de pièces plus longues. Mis en série, sans les pièces qu’ils introduisaient à l’origine, ces monologues sont édités avec succès puisque l’on compte 43 éditions entre 1609 et 1635, date à partir de laquelle les réimpressions se tarissent. Ces harangues aux sujets et tonalités variés abordent volontiers des thématiques telles que le cocuage, l’avarice, la folie…, auxquelles elles réservent un traitement souvent comique, et se nourrissent entre autres des codes de l’éloge paradoxal, du galimatias ou du plaidoyer satirique.

      Ce succès de librairie prétend trouver ses racines sur scène en portant encore la marque de ce cadre de production au sein des titres mais aussi des textes eux-mêmes avec les annonces de l’entrée en scène des acteurs de la pièce suivante et surtout à travers l’allure orale et spectaculaire de ces prises de parole couchées sur le papier3. Pouvons-nous, dès lors, considérer ces prologues comme des productions théâtrales, compte tenu de leur formidable réussite dans le domaine de l’imprimé ? Ces écrits cherchent-ils à programmer une consommation et une réception similaire à celle du théâtre imprimé à l’époque ? Si nous considérons, avec Roger Chartier4, que les choix de formats et de mise en page tendent à caractériser les écrits et à programmer leur lecture, la piste de la matérialité est susceptible de nous éclairer sur ce point. Nous pouvons tenter de rapprocher les ouvrages du farceur de ceux que l’on classe communément parmi le théâtre imprimé pour voir s’ils correspondent à ces modèles. Il s’agit ici de reconsidérer les productions de Bruscambille et de se pencher sur le phénomène éditorial qu’ils ont constitué en le replaçant dans une histoire culturelle et dans une histoire du théâtre imprimé5. Pour ce faire, nous comparerons le théâtre et les recueils de prologues de Bruscambille en tant que « phénomènes incarnés6 » et nous tâcherons de voir si ces ouvrages disposent des mêmes réseaux de diffusion. Les observations СКАЧАТЬ