" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle. Группа авторов
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СКАЧАТЬ d’établir avec plus de précision, d’autant que les pièces en occitan et en français ont parfois les mêmes dédicataires, à l’instar de la pièce de La Selve et de La Fausse magie descouverte, pièce anonyme du Théâtre de Béziers, dédiées, à un an d’intervalle, au duc d’Halluyn.

      Cet exemple fait apparaître un dernier point de contact possible : en dépit, en effet, de leurs différences esthétiques, ces deux pièces, et bien d’autres avec elles, manifestent une réappropriation des modèles parisiens, en l’occurrence les succès comiques et tragi-comiques des années 1630. Dans bien des cas, la relation locale entre production occitane et production française dut intégrer un troisième terme : les œuvres parisiennes, diffusées par l’impression mais aussi, quoique plus ponctuellement, par la représentation.

      Il y a là, assurément, une longue et minutieuse enquête à poursuivre, laquelle devrait permettre à terme la mise au jour d’une histoire « inclusive » du théâtre provincial et de sa production par nature plurilingue.

      Les fonctions du texte dramatique dans le livre de fête

      Benoît BOLDUC

      New York University

      Le développement de l’imprimé joue un rôle déterminant dans la formation et la légitimation de la culture théâtrale dans la France des XVIe et XVIIe siècles, comme dans le reste de l’Europe. Grâce aux travaux de nombreux chercheurs, nous savons que l’impression des textes dramatiques contribue, par exemple, à l’institution du théâtre, à la constitution de répertoires nationaux, à la transformation des publics, au contrôle des acteurs qu’on peut désormais contraindre à la juste interprétation d’un texte rendu plus stable, ainsi qu’à l’établissement de normes d’écriture qui propulsent le texte dramatique au sommet des genres littéraires. Nous comprenons mieux les enjeux liés à la publication des œuvres complètes d’un auteur dramatique, pratique qui tend à éloigner les pièces de la scène et à favoriser leur entrée au panthéon des belles-lettres. Nous savons, enfin, que le marché du texte dramatique imprimé, en proposant des pièces à lire et à jouer, met en jeu la propriété intellectuelle et les intérêts financiers des libraires, des auteurs dramatiques et des troupes de comédiens1. La présente communication n’apportera qu’une modeste contribution à ce vaste champ d’études en présentant quelques réflexions sur les fonctions du texte dramatique dans les premiers livres de fêtes publiés en France entre le milieu du XVIe siècle et le milieu du XVIIe siècle.

      Force est de constater que durant cette période en France, la publication d’un texte dramatique joué à l’occasion d’une fête ou d’une cérémonie politique est plutôt l’exception que la norme. Ces textes sont bien connus des spécialistes des arts du spectacle : les vers composés par Nicolas Filleul pour le Balet comique de la Royne donné par la reine Louise de Lorraine à l’occasion du mariage du duc de Joyeuse le 15 octobre 1581 ; l’Arimène de Nicolas de Montreux, grande pastorale à intermèdes jouée à la cour de Nantes pour le carnaval de 1596, imprimée avec une description détaillée de sa mise en scène ; Mirame, tragi-comédie de Jean Desmarets jouée à l’occasion de l’inauguration de la grande salle de spectacle du Palais Cardinal le 14 janvier 1641 ; et quatre des pièces en ou avec musique et machines commanditées par Anne d’Autriche et Mazarin : La Folle supposée (La Finta pazza) de Giulio Strozzi, jouée en décembre 1645, l’Andromède de Pierre Corneille, créée en janvier 1650, Les Noces de Pélée et de Thétis (LeNozze di Peleo e di Theti) de Francesco Buti jouée en avril et en mai 1654, et l’Hercule Amoureux (Ercole Amante), toujours de Buti, créée en février 1662.

      Il est vrai que la fête théâtrale n’est pas aussi appréciée chez nous qu’elle ne l’est par exemple à la même époque à Florence, à Rome ou à Ferrare, où les textes dramatiques sont non seulement publiés sous forme de livrets pour faciliter la compréhension du spectacle, mais souvent reproduits dans de magnifiques livres commémoratifs. Or, les quelques pièces représentées lors de spectacles ou de cérémonies, notamment à l’occasion d’entrées solennelles, ne sont pas non plus imprimées comme en témoigne, par exemple, le livre qui commémore l’entrée d’Henri II et de Catherine de Médicis à Lyon en 1548. À l’occasion de cette entrée fastueuse, l’archevêque de Lyon, ainsi que les artisans, marchands, et banquiers représentant la nation florentine, financèrent une représentation de La Calandria, comédie de Bernardo Dovizi da Bibbiena imitée des Ménechmes, farcie d’intermèdes allégoriques joués dans un décor fastueux. Ce spectacle n’est que sommairement décrit dans la relation officielle imprimée chez Guillaume Rouillé. C’est dans un opuscule de vingt-sept pages imprimé à la suite de la traduction italienne du livre de l’entrée lyonnaise que la nation florentine fait valoir sa contribution à la magnificence préparée en l’honneur des souverains. Cette Particulare descritione della Comedia che fece recitare la Natione Fiorentina à richiesta di sua Maesta Christianissima donne une description détaillée du décor de la salle de spectacle, le récit du déroulement de la représentation et les vers des intermèdes allégoriques ; mais la comédie, elle, n’est ni reproduite, ni décrite. Elle n’est annoncée que par les propos du personnage jouant le prologue, rapportés dans la relation, qui explique qu’elle est imitée de Plaute et qu’elle a été choisie :

      […] primieramente per cio che piacevolissima era et di sollazzevoli motti piena et da i piu intendenti stata sempre lodata e pregiata molto, e appresso per cio che era nata nella patria loro di Toscana e fattura di persona illustre et nelle buone lettere essercitata, e nutrita poi, e con sommo honore alzata dalla Chiarissima casa della Maestà Christianissima della Regina sua Consorte.2

      C’était tout ce qu’il y avait à dire d’un divertissement dont les vers, contrairement aux intermèdes, ne pouvaient contribuer à la louange des souverains. En effet, dans le contexte d’une fête ou d’une cérémonie officielle, un texte dramatique n’est imprimé que s’il participe de la magnificence de l’événement commémoré, qualité essentielle de la fête dont Roy Strong a bien montré la centralité, et que Jean-Yves Vialleton nous invite à considérer, à côté des notions d’honnêteté et de galanterie, comme une catégorie esthétique à part entière3. Un texte dramatique joué à l’occasion d’une fête ne paraîtra dans un livre commémoratif qu’à condition que son sujet, ses personnages et son style répondent aux critères de noblesse, de gravité et de sérieux convenables à la célébration de son hôte ou de son commanditaire.

      La publication de L’Arimène de Nicolas de Montreux illustre parfaitement cette volonté de traduire et de pérenniser la magnificence d’un spectacle4. L’épître dédicatoire du livre commémorant la représentation de cette pastorale à intermèdes et à machines donnée à grands frais à la cour de Nantes durant le carnaval 1596 accorde explicitement au texte dramatique imprimé une fonction encomiastique. Montreux attribue en effet à son maître, Philippe-Emmanuel, duc de Mercœur, la paternité d’une œuvre qui

      n’a peu naistre autrement de [lui], puis que la vertu qui [le] recommande, ne souffre point l’imparfaict. Les paroles ne sont point trop basses, les inventions qui ont formé les corps des intermedes, ont ravy les ames des spectateurs, en leur objects, et la naïfve prononciation des vers, esmeut à les entendre. Aussi ont ils esté honorez par le voeu des plus belles ames de ceste province, qui ont servy [sa] louäble intention en ce labeur : ils ont partagé justement la gloire qui l’a suivy, dont comme [lui, Montreux], ils [lui, Mercœur] recognoissent la cause.5

      Ce lieu commun des épîtres dédicatoires, qui prétend faire du commanditaire le véritable auteur du texte imprimé, s’exprime ici en des termes qui confondent les forces en jeu dans une relation de clientèle où le public est pris à partie. Les qualités morales du duc de Mercœur, commanditaire СКАЧАТЬ