Название: Jane Austen: Oeuvres Majeures
Автор: Джейн ОÑтин
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 9788027302383
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Madame Ferrars rougit de colère ; ses petits yeux s’enflammèrent ; ses sourcils s’élevèrent d’un demi pouce et se touchèrent. – Je croyais, dit-elle, que tout le monde ici savait que miss Morton est la fille de feu lord Morton ; j’oubliais que mesdemoiselles Dashwood ne sont jamais venues à Londres et ne peuvent connaître le beau monde.
Fanny avait aussi l’air très-courroucée ; et son mari était tout effrayé de l’audace de Maria. Il s’approcha d’elle, la mena dans l’embrasure de la fenêtre, et lui dit à voix basse : Est-ce qu’Elinor ne vous a pas dit qu’Edward doit épouser miss Morton ? Vous auriez mieux fait de vous taire. – Edward ! épouser miss Morton ! sécria Maria ; jamais, jamais, c’est impossible ! et poussée par son sentiment pour sa sœur chérie, ainsi méprisée et rejetée par toute une famille qui devait l’adorer, elle vint s’asseoir à côté d’elle, passant un bras autour de son cou, et posant sa joue contre la sienne, elle lui dit à l’oreille : Chère, chère Elinor, ne souffrez pas que de telles gens aient le pouvoir de vous rendre malheureuse ; ne craignez rien ; Edward ne pense pas ainsi. Je le connais, j’ose vous répondre de sa fidélité ; en dépit d’eux et de leurs projets, il n’aime, il n’épousera que vous.
Elinor touchée de l’affection de sa sœur, mais désolée des preuves qu’elle lui en donnait dans ce moment, la conjura de se calmer, de se taire, tandis qu’elle-même ne pouvait à peine retenir les larmes qui remplirent ses yeux au propos de Maria. Celle-ci les sentit sur sa joue : tu pleures, lui dit-elle. Les méchans font pleurer mon Elinor ; et alors elle fondit en larmes. L’attention de chacun fut excitée ; et tout le monde eut l’air consterné. Le colonel Brandon qui depuis le commencement de cette scène avait eu les yeux attachés sur Maria, l’admirait bien plus qu’il ne la blâmait. Ce cœur si brûlant, cette sensibilité si active pour ceux qu’elle aimait autant que pour elle même, l’attachaient toujours davantage à cette jeune personne. Lors qu’elle éclata en pleurs et en sanglots, il se leva, vint près d’elle presque involontairement, et prit sa main qu’il serra entre les siennes. Elinor soutenait sur son sein la tête de sa sœur, et ne pensait plus à Edward. Madame Jennings disait ! pauvre enfant ! pauvre petite ! la moindre chose attaque ses nerfs ! et elle lui faisait respirer son flacon de sels. Madame Ferrars levait les épaules en parlant à sa fille ; Lady Middleton regardait avec son air glacé ; M. Palmer bâillait près du feu en tenant les malheureux écrans, cause première de ce trouble ; les deux Stéeles riaient et chuchotaient dans un coin ; sir Georges était enragé contre le traître Willoughby, seul auteur, disait-il, de cette faiblesse de nerfs, et s’établissant entre les deux petites cousines Sléeles, qui étaient encore ses favorites, il leur conta toute l’affaire, qu’elles savaient aussi bien que lui, en s’emportant contre l’homme abominable qui mettait une fille charmante dans cet état.
Au bout de quelques minutes, Maria fut un peu remise. Elinor voulait la faire passer dans une autre chambre ; mais madame Dashwood dit qu’il n’y en avait point de libre, que l’attaque de nerfs une fois passée, Maria serait aussi bien au salon : elle resta donc à côté d’Elinor, et sans dire un mot de la soirée.
— Pauvre Maria ! disait son frère à voix basse au colonel Brandon ; elle n’a pas une aussi forte santé que sa sœur, elle est très-nerveuse, au lieu qu’Elinor n’est jamais malade. Je suis sûr qu’elle n’a pas coûté une guinée en médecin depuis qu’elle est au monde ; mais la pauvre Maria ! sa santé est détruite aussi bien que sa beauté, et c’est sans doute ce dernier point qui l’afflige : c’est bien naturel en vérité ; si jeune encore ! Pourriez-vous croire qu’il y a peu de mois qu’elle était belle à frapper, presque aussi belle qu’Elinor ? À présent, quelle différence ! Elinor est charmante et ne changera jamais ; c’est un genre de beauté qui sera toujours le même, je puis en répondre.
— Je l’espère, dit le colonel, et que mademoiselle Maria retrouvera bientôt ses charmes… Hélas ! elle n’en avait encore que trop pour lui, et jamais elle ne lui avait paru aussi intéressante, aussi digne de toute son adoration.
Après le thé on fit des parties de jeu. Mesdames Ferrars et Jennings s’établirent à un grave whist avec sir Georges et M. Palmer. Elinor fut surprise de cet arrangement ; le colonel Brandon, à qui son frère et sa belle-sœur avaient fait tant d’honneurs, avait dans son idée plus de droit à cette partie, et par son âge et par son habileté au whist, que M. Palmer, qui malgré son apathie ne parut pas trop content d’être le partener des deux grands-mères. Mais M. Dashwood n’avait garde de séparer sa sœur Elinor de son futur époux le colonel Brandon. Lady Middleton n’aimait que le cassino ; et le colonel ne le savait presque pas, mais n’importe ; il fallut bon gré malgré qu’il se mît à cette partie, ainsi qu’Elinor qui aurait bien préféré ne pas jouer et rester avec sa sœur ; mais elle eut beau conjurer ou son frère ou Fanny de prendre sa place, elle ne put l’obtenir. M. Dashwood se mit à côté du colonel pour lui apprendre le cassino. Anna Stéeles fit le quatrième. Fanny se mit en cinquième dans la partie des mères. Lucy tantôt à côté d’elle lui parlait de tout ce qui pouvait lui plaire tantôt à côté de madame Ferrars s’intéressait à son jeu, vantait son habileté au whist, à laquelle la bonne dame avait de grandes prétentions, enfin faisait sa cour de son mieux. Maria était laissée seule à ses tristes pensées, et ne s’en plaignait pas. Absorbée dans ses réflexions, dans ses souvenirs, et bien loin du salon de madame John Dashwood, elle n’entendit pas même ouvrir la porte et Fanny s’écrier : Ah ! voilà mon frère. Mais Elinor ne l’entendit que trop ; son sang reflua vers son cœur qui battit avec violence ; et ses yeux baissés sur ses cartes, sans en distinguer une, elle s’efforça de reprendre son courage accoutumé. Enfin quand elle crut y avoir réussi, elle tourna ses regards d’abord sur Lucy, qui était restée à sa place, dont la physionomie n’exprimait rien, mais dont les yeux perçans suivaient celui qui venait d’entrer. Elinor était placée de manière à ne pas le voir, et n’en était pas fâchée, lorsque son frère s’écrie : Ah ! vous voilà enfin, Robert, d’où diable venez-vous ? Nous avons dîné depuis deux heures. Elinor respire ; ce n’est pas Edward. Robert s’avance auprès de son beau-frère ; elle reconnaît d’abord le merveilleux à la boîte à cure-dents qui l’avait si fort impatientée chez le bijoutier. Sans doute il la reconnut aussi ; il la salua d’une inclination de tête d’un air affecté. Son costume avait toute l’extravagance de la mode française, encore exagérée, et présentait vraiment quelque chose de très-ridicule : une crête ébouriffée, un col de chemise remontant jusqu’aux coins des yeux, un fraque étroit, un gilet de deux doigts, un pantalon qui lui montait jusque-sous les bras, un fracas de cachets et de bagues, un bouquet à la boutonnière, enfin tout ce qui constituait alors l’élégance des jeunes gens qu’on appelait des incroyables. L’émotion d’Elinor avait fait place à l’étonnement ; elle ne pouvait comprendre que ce fût là le frère du simple, du timide Edward. Il dit légèrement à son beau-frère, que, sur sa parole, il avait tout-à-fait oublié son dîner ; que, dans la foule de ses engagemens, ces oublis lui arrivaient souvent ; et promenant sa lorgnette sur les jeunes dames, il daigna ajouter : Sans doute j’ai beaucoup perdu… Cette langoureuse beauté auprès de la cheminée, est-ce une de vos sœurs, John ? en désignant Maria.
— Oui, la cadette, très-jolie autrefois sur mon honneur ; mais la pauvre enfant est malade. Robert ne l’écoutait pas ; sa lorgnette était dirigée sur la jolie toque à plumes de Lucy. Cette petite personne est délicieusement coiffée, reprit-il, mais je dis délicieusement ! Cela vient de Paris ; je crois l’avoir remarqué au magasin d’Hustley ; très-jolie sur ma parole ; du dernier goût !
— Et la jeune personne aussi ; c’est miss Lucy Stéeles, parente de lady Middleton. Et Edward où diable se tient-il ?
— Où je ne suis pas sans doute. Nous n’allons point ensemble ; il y a huit jours que je ne l’ai vu. Il s’approcha de sa mère dont il était le favori, et qui lui dit : Bon jour, Robert, avec un air СКАЧАТЬ