Название: Jane Austen: Oeuvres Majeures
Автор: Джейн ОÑтин
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 9788027302383
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Elinor ne répondait pas ; elle était en idée sous ces beaux ombrages qui n’existaient plus. Pauvre Maria, pensait-elle, tu perds à-la-fois tout ce que ton cœur aimait ! Il trouvera encore des soupirs, ce pauvre cœur, pour les vieux arbres de Norland.
— Vous avez aussi agi très-prudemment, continua John Dashwood, en vous liant avec cette madame Jennings. Sa maison est très-bien meublée ; son équipage, annonce qu’elle est très-bien dans ses affaires ; et c’est une connaissance qui peut vous être très-utile pour le présent et pour l’avenir. Son invitation prouve combien elle vous aime : car enfin deux personnes de plus dans un ménage sont quelque chose. Mais, à la manière dont elle parle de vous, je parie qu’elle ne s’en tiendra pas là, et qu’à sa mort vous ne serez pas oubliées. Elle laissera, sûrement quelque bonne somme ; et j’en suis charmé pour vous.
— Je crois, dit Elinor, qu’elle ne laissera que ce qui doit revenir à ses enfans.
— Bon ! bon ! moi je suis sûr qu’elle fait des épargnes et qu’elles seront pour vous. Ne m’a-t-elle pas dit : vos sœurs remplacent mes filles ; n’était-ce pas clair ? Qu’avez-vous à dire à cela ?
— Nous les remplaçons dans leurs chambres, et rien de plus. Elle aime beaucoup ses filles et ses petits-enfans, et ne leur préférera pas des étrangères ; cela ne serait ni juste ni naturel.
— Ses filles sont très bien mariées ; et je ne vois pas la nécessité de leur donner plus qu’il ne leur revient de droit. Ses bontés inouïes pour vous vous donnent lieu de prétendre à un bon legs après elle ; ce serait vous tromper que d’en agir autrement.
— Nous ne demandons que son amitié, dit Elinor ; et pardonnez, mon frère, si je vous avoue que votre intérêt pour notre prospérité va beaucoup trop loin.
— Non, non, pas du tout. J’ai promis à notre bon père de m’intéresser à vous dans toutes les occasions, et rien n’est plus juste. Mais, ma chère Elinor, parlons d’autre chose. Qu’est-ce qu’il y a avec Maria ? Elle n’est plus la même ; elle a perdu ses belles couleurs ; elle a maigri ; ses yeux sont battus ; elle n’a plus de gaîté, de vivacité ; est-elle malade ?
— Elle n’est pas bien ; elle a depuis quelques semaines des maux de nerfs et de tête.
— J’en suis fâché, très fâché ! Dans la jeunesse il suffit d’une maladie pour détruire la fleur de la beauté ; et voyez en combien peu de temps ! En septembre passé quand elle quitta Norland, c’était la plus belle fille qu’on pût voir. Elle avait précisément ce genre de beauté qui plaît aux hommes et les attire. Je pensais aussi qu’elle trouverait bientôt un bon parti. Je me rappelle que Fanny disait souvent que quoiqu’elle fût votre cadette, elle se marierait plus tôt et mieux que vous. Elle s’est trompée cependant : c’est tout au plus à présent, si Maria trouve un parti de cinq ou six cents pièces de rente ; et vous, Elinor, vous allez en avoir un de deux mille… en Dorsetshire… dites-vous… Je connais peu le Dorsetshire, mais je me réjouis beaucoup de voir votre belle terre. Dès que vous y serez établie, vous pouvez compter sur la visite de nous deux Fanny et moi. Nous serons charmés de passer là quelque temps avec vous et le bon colonel.
Elinor s’efforça très-sérieusement de lui ôter l’idée que le colonel songeât à l’épouser ; mais ce fut en vain. Ce projet lui plaisait trop pour qu’il y renonçât. Il persista à dire qu’il ferait tout ce qui dépendait de lui pour décider la chose qui était déjà bien commencée, et que dès le lendemain il irait voir le colonel, et lui ferait un bel éloge d’Elinor. Ce pauvre John Dashwood ! il avait justement assez de conscience pour sentir qu’il n’avait point rempli ses promesses à son père relativement à ses sœurs, et pour désirer que le colonel Brandon et madame Jennings voulussent bien les dédommager de sa négligence.
Ils eurent le bonheur de trouver lady Middleton chez elle ; et sir Georges rentra bientôt après. Elinor présenta son frère ; et des deux côtés l’on se fit beaucoup de civilités. Sir Georges était toujours prêt à aimer tout le monde ; et quoique M. Dashwood ne s’entendît ni en chevaux ni en chiens, il promettait d’être un assez bon convive. Lady Middleton trouva sa tournure élégante et son ton parfait, parce qu’il avait admiré son salon ; et M. Dashwood fut enchanté de tous les deux.
— Quel charmant récit j’aurai à faire à Fanny de ma matinée, dit-il à sa sœur en la ramenant chez madame Jennings ; et comme elle en sera contente ! Il n’y a que la santé de la pauvre Maria ; mais elle se remettra. Lady Middleton est une femme charmante, tout-à-fait dans le genre de Fanny. Elles se conviendront à merveille, j’en suis sûr ! et sir Georges est très-aimable. Il donne souvent à manger, n’est-ce pas, et des assemblées et des fêtes ? Il m’a invité à tout ce qu’il y aurait chez lui. C’est une bonne connaissance à faire ; et je vous en remercie, Elinor. Votre madame Jennings aussi est une excellente femme, quoique moins élégante que sa fille ; mais aussi n’est-elle pas lady. J’espère bien cependant que votre belle-sœur n’aura plus aucun scrupule de la voir : car je vous confesse à présent que c’est pour cela qu’elle n’est pas venue avec moi ce matin. Nous savions qu’elle est veuve d’un homme qui s’était enrichi dans le commerce ; et ni madame Dashwood ni madame Ferrars ne se souciaient de voir cette famille. Mais cela changera quand je leur dirai comme elle a l’air opulente. Le salon de lady Middleton est plus orné que le nôtre ; et je crains seulement un peu que Fanny ne veuille l’imiter. Mais enfin ils sont riches, très-aimables ; et j’espère que nous nous verrons souvent. Ils étaient devant la maison de madame Jennings, et ils se séparèrent.
CHAPITRE XXXV.
Madame Fanny Dashwood avait une telle confiance dans le jugement de son mari, que dès le jour suivant elle vint en personne faire visite à madame Jennings et à lady Middleton ; et cette confiance ne fut pas trompée. La vieille amie de ses belles-sœurs, quoiqu’un peu commune, lui plut assez par ses prévenances ; et lady Middleton l’enchanta complètement par son bon ton et son élégance. Cet enchantement fut réciproque. Il y avait entre ces deux femmes une sympathie de froideur de cœur et de petitesse d’esprit, qui devait nécessairement les attirer l’une vers l’autre. Elles avaient la même insipidité dans la conversation, la même nullité d’idées. Seulement Fanny avait un fond d’avarice et d’envie qui se manifestait en toute occasion, et lady Middleton une indifférence parfaite pour tout le monde, excepté pour ses enfans. Madame Dashwood lui plut mieux qu’une autre femme sans qu’elle eût pu dire pourquoi. Mais ce n’était pas de l’amitié, elle en était incapable. Fanny ne réussit pas aussi bien auprès de madame Jennings qui lui trouva l’air fier, impertinent, et qui vit qu’elle ne faisait aucun frais pour plaire, qu’elle n’avait rien d’aimable ni d’affectueux même avec ses charmantes belles-sœurs à qui elle parlait à peine, et qu’elle ne s’informait point de la santé de Maria qu’elle devait trouver changée. En effet elle ne disait rien à Elinor, ne témoignait aucun intérêt pour leurs plaisirs, leur demandait à peine des nouvelles de leur mère d’un air glacé, et sans écouter СКАЧАТЬ