Название: Jane Austen: Oeuvres Majeures
Автор: Джейн ОÑтин
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 9788027302383
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Elinor le remercia avec l’expression de la plus tendre reconnaissance, et lui dit qu’elle pensait comme lui que cette communication serait avantageuse à sa sœur. J’ai été plus peinée, dit-elle, de la voir essayer de le justifier que de tout le reste. Elle ne peut supporter qu’on l’accuse ni qu’on le soupçonne ; mais ici il y a plus que des soupçons, c’est une certitude de son indignité qui doit faire effet sur un caractère tel que celui de Maria. Quoique d’abord elle en souffrira beaucoup, je suis presque sûre de l’efficacité de ce remède… Après un court silence elle ajouta : Avez-vous revu M. Willoughby depuis que vous l’avez quitté à Barton ?
— Oui, répondit gravement le colonel, je l’ai vu une fois… notre rencontre était inévitable.
— Elinor frappée de son accent le regarda avec étonnement, en lui disant, expliquez-vous ! comment ? où l’avez-vous rencontré ?
— Il n’y avait qu’une seule manière… Caroline m’avoua enfin, quoiqu’avec beaucoup de peine le nom de son séducteur ; je ne pouvais pas laisser passer son indigne action sans lui dire mon opinion sur sa conduite avec la jeune fille confiée à mes soins. Je lui écrivis à Altenham dans des termes qui l’obligèrent à se rendre directement à Londres, où je lui donnais rendez-vous. Il y fut exact, car l’homme qui manque aux lois de l’honneur avec un sexe faible et sans défense, n’a garde d’y manquer avec son propre sexe. Nous nous rencontrâmes donc, lui pour défendre et moi pour punir sa conduite. Il fut blessé au bras ; je n’en voulais pas à sa vie, et lors même que le désir de la conserver l’aurait engagé à m’offrir de réparer ses torts en épousant Caroline, je n’y aurais pas consenti. L’exemple de sa mère m’a trop fait sentir les dangers d’une union qui n’est pas fondée sur un attachement et une estime réciproques. J’aime mieux consoler mon enfant d’une faiblesse excusable, peut-être, dans un âge aussi tendre, que de l’exposer à devenir bien plus coupable, en l’unissant à un homme dont les principes sont aussi relâchés. Désolé de n’avoir pas su prévenir le malheur de la fille de mon Elisa, d’avoir si mal répondu à sa confiance, je consacre le reste de ma vie à adoucir ses peines, à la réconcilier avec elle-même, à la consoler d’une faute qu’elle peut encore réparer à force de vertus, et en remplissant tous les devoirs qui lui sont imposés.
— Est-elle à Londres ?
— Non, sa santé avait besoin d’un air plus pur. Je la trouvai près de devenir mère. Son fils qui sera le mien, l’occupe uniquement. Je l’ai placée à la campagne chez des gens dont je suis sûr, comme une jeune veuve ; et si l’on peut croire à l’efficacité d’un profond et sincère repentir, le ciel lui a pardonné une faute aussi chèrement payée.
Se rappelant tout-à-coup que Maria avait peut-être besoin de sa sœur, que madame Jennings allait rentrer, il termina sa visite, recevant encore tous les remercîmens d’Elinor, et la laissant pleine d’estime pour lui, de compassion pour sa fille adoptive et d’indignation contre Willoughby.
CHAPITRE XXXIII.
Elinor trouva bientôt l’occasion de répéter cette conversation à sa sœur ; mais l’effet fut très-différent de ce qu’elle avait imaginé. Maria n’eut pas l’air d’avoir un seul doute ; elle écouta le récit avec la plus ferme et la plus soumise attention, sans faire aucune remarque, aucune objection, sans interrompre cette narration par la moindre exclamation douloureuse. Elle n’essaya point de justifier Willoughby ; elle versait des larmes, et semblait convenir par son silence qu’elle sentait que c’était impossible. Toute sa conduite prouva à Elinor que la conviction de cette perfidie avait frappé son esprit, mais sans guérir son cœur. Elle vit aussi avec satisfaction, mais avec une grande surprise, qu’elle ne cherchait plus à éviter le colonel Brandon. Quand il entrait dans le salon elle ne sortait plus ; elle ne lui parlait pas la première, mais elle lui répondait avec beaucoup de politesse et même avec une sorte de respect, et ne se permettait plus un seul mot contre lui. Ce pauvre colonel, disait-elle à Elinor, comme je l’ai mal jugé ! Il a aimé passionnément, et il a été trahi ; ah ! combien je le plains. En tout elle était plus calme, plus résignée en apparence ; mais elle n’en paraissait pas moins malheureuse. Son esprit avait pris une assiette plus tranquille, mais aussi plus mélancolique ; et toujours elle était plongée dans un profond abattement. Elle sentit plus pesamment la perte des vertus et du caractère qu’elle avait supposés à Willoughby, qu’elle n’avait senti celle de son cœur. La séduction de mademoiselle Williams ; l’abandon qui en avait été la suite ; la misère de cette pauvre jeune fille, qui contrastait si fort avec la gaîté brillante de son séducteur ; un doute sur les desseins qu’il pouvait avoir eus sur elle-même, lorsqu’il feignait si bien un amour qu’il n’avait peut-être pas : tout cela réuni l’oppressait au point de ne pouvoir plus même en parler avec Elinor ; et nourrissant en silence le chagrin qui la dévorait, elle causait plus de peine à sa sœur que si elle le lui avait confié du matin au soir.
Elles recevaient de leur mère de fréquentes lettres qui n’étaient qu’une répétition de tout ce que Maria avait dit et senti. Sa douleur égalait presque celle de cette dernière, et son indignation surpassait celle d’Elinor. Des pages entières arrivaient tous les jours, pour dire et redire toutes ses pensées, tous ses sentimens, pour exprimer sa sollicitude sur sa chère Maria, pour la supplier d’avoir un courage dont elle ne lui donnait pas l’exemple, et pour la recommander à Elinor. Malgré son désir de les revoir toutes les deux, elle insistait positivement pour qu’elles ne revinssent pas encore СКАЧАТЬ