Les soirées de l'orchestre. Hector Berlioz
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Название: Les soirées de l'orchestre

Автор: Hector Berlioz

Издательство: Public Domain

Жанр: Историческая литература

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32056

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СКАЧАТЬ de l'économie.

      Ceci me rappelle une vieille anecdote, qui sera peut-être nouvelle pour vous, dans laquelle Liszt et Rubini figurèrent, il y a sept ou huit ans, d'une façon assez originale. Ils venaient de s'associer pour une expédition musicale contre les villes du Nord. Certes, si jamais deux entraîneurs entraînants se sont donné la main pour dompter le public, ce sont ces deux incomparables virtuoses. Eh bien donc! Rubini et Liszt (comprenez bien, Liszt et Rubini) arrivent dans une de ces Athènes modernes et y annoncent leur premier concert. Rien n'est négligé, ni les réclames mirobolantes, ni les affiches colossales, ni le programme piquant et varié, rien; et rien n'y fait. L'heure du concert venue, nos deux lions entrent dans la salle… Il n'y avait pas cinquante personnes! Rubini, indigné, refusait de chanter, la colère lui serrait la gorge. «Au contraire, lui dit Liszt, tu dois chanter de ton mieux; ce public atome est évidemment l'élite des amateurs de ce pays-ci, et il faut le traiter en conséquence. Faisons-nous honneur!» Il lui donne l'exemple, et joue magnifiquement le premier morceau. Rubini chante alors le second de sa voix mixte la plus dédaigneuse. Liszt revient, exécute le troisième, et aussitôt après, s'avançant sur le bord du théâtre et saluant gracieusement l'assemblée: «Messieurs, dit-il, et Madame (il n'y en avait qu'une), je pense que vous avez assez de musique; oserai-je maintenant vous prier, de vouloir bien venir souper avec nous?» Il y eut un moment d'indécision parmi les cinquante conviés, mais comme, à tout prendre, cette proposition ainsi faite était engageante, ils n'eurent garde de la refuser. Le souper coûta à Liszt 1,200 fr.. Les deux virtuoses ne renouvelèrent pas l'expérience. Ils eurent tort. Nul doute qu'au second concert la foule n'eût accouru… dans l'espoir du souper.

      Entraînage magistral, et à la portée du moindre millionnaire!

      Un jour je rencontre un de nos premiers pianistes-compositeurs qui revenait, désappointé, d'un port de mer où il avait compté se faire entendre. «Je n'ai pu entrevoir la possibilité d'y donner un concert, me dit-il très-sérieusement, les harengs venaient d'arriver, et la ville entière ne songeait qu'à ce précieux comestible!» Le moyen de lutter contre un banc de harengs!

      Vous voyez, mon cher, que l'entraînage n'est pas chose facile dans les villes du second ordre surtout. Mais cette large part faite à la critique du sens musical du gros public, je dois maintenant vous faire connaître combien il y a de malotrus qui l'importunent, ce pauvre public, qui le harcèlent, qui l'obsèdent sans vergogne, depuis le soprano jusqu'à la basse profonde, depuis le flageolet jusqu'au bombardon. Il n'est si mince râcleur de guitare, si lourd marteleur d'ivoire, si grotesque roucouleur de fadeurs qui ne prétende arriver à l'aisance et à la renommée en donnant concert sur la guimbarde… De là des tourments vraiment dignes de pitié pour les maîtres et les maîtresses de maison. Les patrons de ces virtuoses, les placeurs de billets, sont des frelons dont la piqûre est cuisante et dont on ne sait comment se garantir. Il n'y a pas de subterfuges, pas de roueries diplomatiques qu'ils n'emploient pour glisser aux pauvres gens riches quelque douzaine de ces affreux carrés de papier nommés billets de concert. Et quand une jolie femme surtout a été affligée de la cruelle tâche d'un placement de seconde main, il faut voir avec quel despotisme barbare elle frappe de son impôt les hommes jeunes ou vieux qui ont le bonheur de la rencontrer. «Monsieur A***, voici trois billets que madame*** m'a chargée de vous faire accepter; donnez-moi 30 fr. Monsieur B***, vous êtes un grand musicien, on le sait; vous avez connu le précepteur du neveu de Grétry, vous avez habité un mois à Montmorency une maison voisine de celle de ce grand homme; voici deux billets pour un concert charmant auquel vous ne pouvez vous dispenser d'assister: donnez-moi 20 fr. Ma chère amie, j'ai pris, l'hiver dernier, pour plus de 1,000 francs de billets des protégés de ton mari, il ne te refusera pas, si tu les lui présentes, le prix de ces cinq stalles: donne-moi 50 fr. Allons, monsieur C***, vous qui êtes si véritablement artiste, il faut encourager le talent; je suis sûre que vous vous empresserez de venir entendre ce délicieux enfant (ou cette intéressante jeune personne, ou cette bonne mère de famille, ou ce pauvre garçon qu'il faut arracher à la conscription, etc.); voilà deux places, c'est un louis que vous me devez; je vous fais crédit jusqu'à ce soir.»

      Ainsi de suite. Je connais des gens qui, pendant les mois de février et de mars, ceux de l'année où ce fléau sévit le plus cruellement à Paris, s'abstiennent de mettre les pieds dans les salons pour n'être pas dévalisés tout à fait. Je ne parle pas des suites les plus connues de ces redoutables concerts; ce sont les malheureux critiques qui les supportent, et il serait trop long de vous faire le tableau de leurs tribulations. Mais, depuis peu, les critiques ne sont plus seuls à en pâtir. Comme maintenant tout virtuose, guimbardier ou autre, qui a fait Paris, c'est-à-dire qui y a donné un concert tel quel (cela s'appelle ainsi en France dans l'argot du métier), croit devoir voyager, il incommode beaucoup d'honnêtes gens qui n'ont pas eu la prudence de cacher leurs relations extérieures. Il s'agit d'obtenir d'eux des lettres de recommandation; il s'agit de les amener à écrire à quelque innocent banquier, à quelque aimable ambassadeur, à quelque généreux ami des arts, que mademoiselle C*** va donner des concerts à Copenhague ou à Amsterdam, qu'elle a un rare talent, et qu'on veuille bien l'encourager (en achetant une grande quantité de ses billets). Ces tentatives ont, en général, les plus tristes résultats pour tout le monde, surtout pour les virtuoses recommandés. On me racontait en Russie, l'hiver dernier, l'histoire d'une chanteuse de romances et de son mari, qui, après avoir fait sans succès Pétersbourg et Moscou, se crurent néanmoins assez recommandables pour prier un puissant protecteur de les introduire à la cour du sultan. Il fallait faire Constantinople. Rien que cela. Liszt lui-même n'avait pas encore songé à entreprendre un tel voyage. La Russie étant demeurée de glace pour eux, c'était une raison de plus pour tenter la fortune sous des cieux dont la clémence est proverbiale, et aller voir si, par le plus grand des hasards, les amis de la musique ne seraient pas des Turcs. En conséquence, voilà nos époux bien recommandés, suivant, comme les rois mages, l'étoile perfide qui les guidait vers l'Orient. Ils arrivent à Péra; leurs lettres de recommandation produisent tout leur effet; le sérail leur est ouvert. Madame sera admise à chanter ses romances devant le chef de la Sublime Porte, devant le commandeur des croyants. C'est bien la peine d'être sultan pour se voir exposé à des accidents semblables! On permet un concert à la cour; quatre esclaves noirs apportent un piano; l'esclave blanc, le mari, apporte le châle et la musique de la cantatrice. Le candide sultan, qui ne s'attend à rien de pareil à ce qu'il va entendre, se place sur une pile de coussins, entouré de ses principaux officiers, et ayant son premier drogman auprès de lui. On allume son narghilé, il lance un filet d'odorante vapeur, la cantatrice est à son poste; elle commence cette romance de M. Panseron:

      «Je le sais, vous m'avez trahie,

      Une autre a mieux su vous charmer.

      Pourtant, quand votre cœur m'oublie,

      Moi, je veux toujours vous aimer

      Oui, je conserverai sans cesse

      L'amour que je vous ai voué;

      Et si jamais on vous délaisse,

      Appelez-moi, je reviendrai.»

      Ici le sultan fait un signe au drogman, et lui dit avec ce laconisme de la langue turque dont Molière nous a donné de si beaux exemples dans le Bourgeois gentilhomme: Naoum!» Et l'interprète. «Monsieur, Sa Hautesse m'ordonne de vous dire que madame lui ferait plaisir de se taire tout de suite. – Mais… elle commence à peine… ce serait une mortification.»

      Pendant ce dialogue, la malencontreuse cantatrice continue, en roulant les yeux, à glapir la romance de M. Panseron:

      «Si jamais son amour vous quitte,

      Faible, si vous la regrettez,

      Dites un mot, un seul, et vite

      Vous me verrez à vos côtés.»

      Nouveau signe du sultan, qui, en caressant sa barbe, jette par-dessus son épaule ce mot au drogman: «Zieck!» Le drogman au mari (la femme chante toujours la romance de M. Panseron): «Monsieur, le sultan m'ordonne СКАЧАТЬ