Les soirées de l'orchestre. Hector Berlioz
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Название: Les soirées de l'orchestre

Автор: Hector Berlioz

Издательство: Public Domain

Жанр: Историческая литература

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32056

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СКАЧАТЬ que j'aurai acquis la certitude que mes soupçons étaient fondés: alors, je te prie, qu'il n'en soit plus question. Parlons d'autres choses. Comment trouves-tu mon nouvel atelier?

      – Incomparablement préférable à l'ancien; mais la vue en est moins belle. A ta place, j'aurais gardé la mansarde, ne fût-ce que pour pouvoir distinguer Saint-Pierre et le tombeau d'Adrien.

      – Oh! te voilà bien avec tes idées nuageuses! A propos de nuages, laisse-moi allumer mon cigare… Bon!.. A présent, adieu, je vais à l'enquête; dis à ta protégée ma dernière résolution. Je suis curieux de voir lequel de nous deux est joué.

      Le lendemain, Vincenza entra chez moi de fort bonne heure; je dormais encore. Elle n'osa pas d'abord interrompre mon sommeil; mais son anxiété l'emportant enfin, elle saisit ma guitare et me jeta trois accords qui me réveillèrent. En me retournant dans mon lit, je l'aperçus à mon chevet, mourante d'émotion. Dieu! qu'elle était jolie!!! L'espoir éclatait sur sa ravissante figure. Malgré la teinte cuivrée de sa peau, je la voyais rougir de passion; tous ses membres frémissaient.

      – Eh bien! Vincenza, je crois qu'il vous recevra. Si la clef est à sa porte, c'est qu'il vous pardonne, et…

      La pauvre fille m'interrompt par un cri de joie, se jette sur ma main, la baise avec transport en la couvrant de larmes, gémit, sanglote, et se précipite hors de ma chambre, en m'adressant pour remercîment un divin sourire qui m'illumina comme un rayon des cieux. Quelques heures après, je venais de m'habiller, G*** entre, et me dit d'un air grave:

      – Tu avais raison, j'ai tout découvert; mais pourquoi n'est-elle pas venue? je l'attendais.

      – Comment, pas venue? Elle est sortie d'ici ce matin à demi folle de l'espoir que je lui donnais; elle a dû être chez toi en deux minutes.

      – Je ne l'ai pas vue; et pourtant la clef était bien à ma porte.

      – Malheur! malheur!! j'ai oublié de lui dire que tu avais changé d'atelier. Elle sera montée au quatrième étage, ignorant que tu étais au premier.

      – Courons.

      Nous nous précipitons à l'étage supérieur, la porte de l'atelier était fermée; dans le bois était fichée avec force la spada d'argent que Vincenza portait dans ses cheveux, et que G*** reconnut avec effroi: elle venait de lui. Nous courons au Transtevera, chez elle, au Tibre, à la promenade du Poussin; nous demandons à tous les passants: personne ne l'avait vue. Enfin nous entendons des voix et des interpellations violentes… Nous arrivons au lieu de la scène… Deux bouviers se battaient pour le fazzoletto blanc de Vincenza, que la malheureuse Albanaise avait arraché de sa tête et jeté sur le rivage avant de se précipiter…

      Le premier violon sifflant doucement entre ses dents: Sst! sst! ssss! Elle est courte et mauvaise, ton anecdote; et fort peu touchante d'ailleurs. Allons, flûte française et sensible, retourne à tes pipeaux. J'aime mieux la sensibilité originale de notre timbalier, ce sauvage Kleiner, dont l'unique ambition est d'être le premier de la ville pour le trémolo serré et pour le culottage des pipes. Un jour… – Mais la pièce est finie, garde ton histoire pour demain. – Non, c'est bref, vous l'avalerez tout de suite. Un jour donc je rencontre Kleiner, accoudé sur la table d'un café et seul, selon sa coutume. Il avait l'air plus sombre qu'à l'ordinaire. Je m'approche: Tu parais bien triste, Kleiner, lui dis-je, qu'as-tu? – Oh! je suis… je suis vexé! – As-tu encore perdu onze parties de billard comme la semaine dernière? as-tu cassé une paire de baguettes ou une pipe culottée? – Non, j'ai perdu… ma mère. – Pauvre camarade! j'ai regret de t'avoir questionné et d'apprendre une aussi fâcheuse nouvelle. – (Kleiner, s'adressant au garçon du café): Garçon! une bavaroise au lait. – Tout de suite, monsieur. – (Puis continuant): Oui mon vieux, je suis bien vexé, va! ma mère est morte hier soir, après une agonie affreuse qui a duré quatorze heures. – (Le garçon revient): Monsieur, il n'y a plus de bavaroises. – (Kleiner frappant sur la table un violent coup de poing, qui en fait tomber avec fracas deux cuillers et une tasse): Allons!!! autre vexation!!! – Voilà de la sensibilité naturelle et bien exprimée!

      Les musiciens partent d'un éclat de rire tel, que le chef d'orchestre, qui les écoutait, est forcé de s'en apercevoir et de les regarder d'un œil courroucé. Son autre œil sourit.

      DEUXIÈME SOIRÉE

      LE HARPISTE AMBULANT, nouvelle du présent. – EXÉCUTION D'UN ORATORIO. – LE SOMMEIL DES JUSTES.

      Il y a concert au théâtre.

      Le programme se compose exclusivement d'un immense oratorio, que le public vient entendre par devoir religieux, qu'il écoute avec un silence religieux, que les artistes subissent avec un courage religieux, et qui produit sur tous un ennui froid, noir et pesant comme les murailles d'une église protestante.

      Le malheureux joueur de grosse caisse, qui n'a rien à faire là-dedans, s'agite avec inquiétude dans son coin. Il est le seul aussi qui ose parler avec irrévérence de cette musique, écrite, selon lui, par un pauvre compositeur, assez étranger aux lois de l'orchestration pour ne pas employer le roi des instruments, la grosse caisse.

      Je me trouve à côté d'un alto; celui-ci fait assez bonne contenance pendant la première heure. Après quelques minutes de la seconde, toutefois, son archet n'attaque plus que mollement les cordes, puis l'archet tombe… et je sens un poids inaccoutumé sur mon épaule gauche. C'est celui de la tête du martyr qui s'y repose sans s'en douter. Je m'approche, pour lui fournir un point d'appui plus solide et plus commode. Il s'endort profondément. Les pieux auditeurs, voisins de l'orchestre, jettent sur nous des regards indignés. Grand scandale!.. Je persiste à le prolonger en servant d'oreiller au dormeur. Les musiciens rient. «Nous allons sommeiller aussi, me dit Moran, si vous ne nous tenez éveillés de quelque façon. Voyons, un épisode de votre dernier voyage en Allemagne! C'est un pays que nous aimons, bien que ce terrible oratorio vienne de là. Il doit vous y être arrivé plus d'une aventure originale. Parlez, parlez vite, les bras de Morphée s'ouvrent déjà pour nous recevoir. – Je suis chargé ce soir, à ce qu'il paraît, de tenir les uns endormis et les autres éveillés? Je me dévouerai donc, s'il le faut, mais quand vous répéterez l'histoire que je m'en vais vous dire, histoire peut-être un peu décolletée par-ci par-là, ne dites pas de qui vous l'avez apprise; cela achèverait de me perdre dans l'esprit des saintes personnes dont les yeux de hibou me fusillent en ce moment. – Soyez tranquille, répond Corsino, qui est sorti de prison, je dirai qu'elle est de moi.»

      LE HARPISTE AMBULANT

      NOUVELLE DU PRÉSENT

      Pendant une de mes excursions en Autriche, au tiers de la distance à peu près qui sépare Vienne de Prague, le convoi dans lequel je me trouvais fut arrêté sans pouvoir aller plus avant. Une inondation avait emporté un viaduc: une immense étendue de la voie étant couverte d'eau, de terre et de gravois, les voyageurs durent se résigner à faire un long détour en voiture pour aller rejoindre l'autre tronçon du chemin de fer rompu. Le nombre des véhicules confortables n'était pas grand et je dus même m'estimer heureux de trouver un chariot de paysan garni de deux bottes de paille, sur lequel j'arrivai au point de ralliement du convoi, moulu et gelé. Pendant que je tâchais de me dégeler dans un salon de la station, je vis entrer un de ces harpistes ambulants, si nombreux dans le sud de l'Allemagne, qui possèdent quelquefois un talent supérieur à leur modeste condition. Celui-ci s'étant placé à l'un des angles du salon en face de moi, me considéra attentivement pendant quelques minutes, et, prenant sa harpe comme pour l'accorder, répéta tout doucement plusieurs fois, en forme de prélude, les quatre premières mesures du thème de mon scherzo de la Fée Mab; il m'examinait en dessous, en murmurant ce petit dessin mélodique. Je crus d'abord à un hasard qui СКАЧАТЬ