Les Nuits chaudes du Cap français. Rebell Hugues
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Название: Les Nuits chaudes du Cap français

Автор: Rebell Hugues

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066081393

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СКАЧАТЬ soulagement sans doute serait de parler à Antoinette. Si, enfin, je savais ce qu'elle pense de Montouroy? si j'avais la certitude qu'elle est prête à l'épouser. Elle partirait avec lui pour Saint-Domingue; peut-être même le couple quitterait-il l'île; je ne la verrais plus.

      Un désir de causer avec elle dès à présent m'a saisie. Il m'a semblé que le calme et la fraîcheur de la nuit seraient plus propices à notre entretien que le jour. Puis les esclaves dorment. Zinga elle-même s'est assoupie. Je l'entends ronfler à côté. Je ne verrai pas devant nous son sourire railleur; elle ne soupçonnera rien; elle ne s'avisera donc pas de m'adresser des reproches pour faire acte d'autorité.

      Je me suis levée; et, sans prendre la peine de me vêtir, j'ai traversé le corridor, je suis allée avec un flambeau jusqu'à la chambre d'Antoinette, j'ai écarté la portière: Antoinette dort aussi elle, doucement. C'est à peine si je perçois son souffle. J'ai été surprise. D'ordinaire elle se couche moins tôt. Je crains de l'éveiller. Elle est si tranquille! Pourquoi troubler cette âme d'un amour auquel elle ne songe pas encore? Son enfance lui est légère; elle s'y attarde, dirait-on, avec délices. C'est vrai. Cependant l'image d'un jeune amant pourrait bien la ravir aussi. Et puis qu'importe qu'elle aime ou qu'elle reste innocente! J'ai besoin, moi, qu'elle se marie; il faut que je sache son opinion sur Montouroy. Elle l'aime peut-être. Et si elle ne l'aime pas, elle l'épousera tout de même. Pourtant je ne voudrais pas avoir trop l'air de la contraindre.

      Je suis entrée dans la chambre; je me suis approchée du lit. Comme sa bouche large, charnue, entr'ouverte, comme ses paupières aux longs cils, bien arrondies et baissées, lui donnent de grâce! Le jour, quand elle laisse voir son regard, elle trahit moins sa pensée que dans ce sommeil ingénu et souriant. Un peu de feu anime son teint; ses cheveux châtains, aux touffes opulentes, sont répandus ici et là sur l'oreiller; de ses pieds unis, elle foule les draps rejetés au bas du lit, et, comme pour corriger ce désordre, son bras, d'un geste pudique, ramène la chemise sur son sein.

      Jamais je n'aurais soupçonné qu'elle pût être aussi jolie. J'ai eu soudain pitié d'elle. Quelle destinée atroce m'a livré cette malheureuse enfant!

      Mais, dominant une émotion si nuisible à mes intérêts, j'ai hâté le réveil d'Antoinette, en levant l'abat-jour du flambeau. A la clarté subite qui tombait sur son visage, elle a ouvert les yeux, et, tout de suite, elle a fait une moue gentille, une moue d'enfant volontaire qui se révolte contre une pénitence.

      —Je ne veux pas qu'on m'agace comme ça! s'est-elle écriée, puis en me reconnaissant: Ah! c'est vous, madame!...

      Elle avait cru que c'était une esclave qui était entrée.

      —Je venais voir si vous dormiez, ma chère enfant.

      —Oh! oui... et bien! il faisait si plaisant là-bas!

      —Dans vos songes? A quoi rêviez-vous donc?

      —Je ne sais pas... Mais je me sentais bien heureuse.

      Et elle s'étirait, se retournait voluptueusement comme pour saisir, effleurer encore ce bon sommeil qui s'enfuyait, tendant vers moi toute la cambrure déjà robuste de ses reins, insouciante, dans l'effarement du réveil, de ce qu'elle pouvait me montrer de ses grâces secrètes.

      —Ma chérie, lui dis-je, j'aurais désiré vous parler de choses sérieuses. Je pensais que ce soir, comme d'habitude, vous profiteriez de la fraîcheur pour travailler à vos dentelles. Le moment me paraissait convenable pour causer avec vous. Nous n'aurions pas eu à craindre les visites ni les nègres. Mais puisque vous êtes couchée, je me retire.

      Elle parut troublée de mes paroles: une rougeur soudaine vint colorer son front, et ce fut d'une voix un peu tremblante qu'elle dit:

      —Restez, madame, je n'ai plus envie de dormir.

      Je savais bien qu'elle insisterait. Je m'assis au bord de son lit, tout près d'elle.

      —Vous avez vu aujourd'hui M. de Montouroy?...

      A ces paroles, Antoinette fut encore plus émue; elle mit presque de la colère à me répondre:

      —Oui, il a été ridicule comme toujours.

      —Ridicule! m'écriai-je, est-ce donc ridicule de vous trouver aimable, de se plaire auprès de vous?

      —Ah! il me trouve aimable! fit-elle en riant d'un rire forcé. Et moi je le trouve simplement insupportable.

      —Ne vous conduisez pas en fillette, continuai-je d'un ton sévère; je vous rappelle que M. de Montouroy est mon parent, que je le reçois chez moi: vous lui devez des égards. J'avouerai que j'avais des vues sur lui: M. de Montouroy n'est pas un vieillard; c'est un brillant gentilhomme.

      —Un fat! dit Antoinette à demi-voix, et en haussant les épaules.

      J'étais irritée; je répliquai vivement:

      —Vous répétez un mot d'Agathe; maintenant vous jugez tout le monde d'après les impressions de votre amie.

      Agathe de Létang est une de ces enfants dont l'aveugle tendresse d'une mère fait des révoltées, des envieuses ou des despotes. Habituées au plaisir comme à leur esclave, elles voudraient que tout pliât sous leurs caprices, jusqu'à la nature, jusqu'à l'existence. Agathe ne s'explique pas que Montouroy ait pu, au dernier bal de Mme Du Plantier, la faire danser toute une nuit sans aussitôt s'éprendre d'amour pour elle. A présent, auprès de toutes ses amies, elle essaie de le rendre odieux. Je pensais bien qu'aux yeux d'Antoinette, cette aversion d'une camarade était le principal désavantage de Montouroy.

      Cependant Antoinette me répondit:

      —Personne ne m'a jamais parlé de M. de Montouroy, madame.

      —Alors qu'avez-vous contre lui?

      —Il me déplaît.

      —Antoinette, lui dis-je, je veux vous parler ce soir comme l'aurait fait votre pauvre mère. Il ne s'agit pas d'une fantaisie enfantine, mais de votre avenir. Vous devez déjà y songer. Que deviendrez-vous sans fortune? Vous savez que mon affection pour vous, qui est très grande, ne correspond malheureusement pas à mes ressources d'argent, d'une médiocrité telle, que c'est à peine si j'ai pu vous venir en aide jusqu'ici, et que j'ignore même si plus tard j'en aurai les moyens.

      Je lui mentais avec tranquillité. Mon Dieu, pardonnez-moi! Si je fus criminelle autrefois je suis aujourd'hui décidée au bien. Peut-être de tout le mal que j'ai fait, naîtra-t-il une bonne action. Je ne puis oublier mes intérêts, je le confesse, du moins ai-je le désir d'être utile à cette enfant.

      Antoinette ne perdait aucune de mes paroles comme si chaque mot, tombé de mes lèvres, devait la perdre ou la sauver; les battements précipités de son cœur soulevaient son sein dont l'éclat et la plénitude se révélaient à moi pour la première fois. Touchée d'une soumission si attentive, je continuai de la sorte:

      —Mon enfant, je vous prie, ne vous fiez pas à une impression qui ne peut durer. Dès que vous connaîtrez M. de Montouroy, soyez-en sûre, vous l'estimerez. Il possède ces sérieuses qualités d'esprit sans lesquelles il n'est point d'homme; il a la jeunesse, la race, la fortune, que demander de plus? J'ai donc pensé, et justement je crois, que personne, mieux que lui, ne saurait vous rendre heureuse.

      Je n'achevais pas, СКАЧАТЬ