Les Nuits chaudes du Cap français. Rebell Hugues
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Название: Les Nuits chaudes du Cap français

Автор: Rebell Hugues

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066081393

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      Cependant, avec une persistance, une régularité inexplicable, les épîtres amoureuses de Dubousquens arrivaient chaque matin à Thérésia. Elle ne les montrait point à Tallien, et les mettait dans un petit bonheur du jour où elle conservait tout ce qui lui rappelait ses caprices ou flattait son âme vaniteuse. Bien qu'assez lasse d'une poursuite si opiniâtre, elle avait jugé convenable de ne point repousser brutalement une passion dont elle pouvait plus tard avoir besoin et tirer profit; sans rien faire pour l'encourager, elle voulait attendre.

      Mais ce qu'elle supportait d'abord sans trop d'ennui, lui devint bientôt odieux. Les lettres, peu à peu, avaient changé de style. Ce n'étaient plus d'humbles supplications, d'idolâtres prières, mais des ordres et des menaces, puis des insultes.

      Enfin la mesure fut dépassée. Un matin la servante Frénelle vit sa maîtresse blême, tremblante d'émotion, les yeux en larmes, sauter à bas de son lit, se précipiter vers Tallien, lui tendre un papier bouchonné, déchiré comme si on avait voulu le détruire et qu'on se fût, après coup, décidé à le conserver.

      —Lis, lis! disait-elle. C'est inouï!

      Tallien commença à haute voix, mais il s'arrêta à la première ligne:

      «Immonde prostituée, toi qui t'es vendue à tout Bordeaux, toi que le dernier des portefaix a pu trousser sur le pont...»

      Le reste était encore plus insultant.

      Comme s'il n'y avait point dans le vocabulaire commun d'assez basse injure, on était allé chercher les mots les plus boueux que se lancent les mariniers ivres, ceux qui n'évoquent les charmes de la femme que pour les mépriser et les salir.

      Le représentant devint pâle; la lettre tremblait entre ses doigts.

      —Tallien, dit Thérésia, vas-tu laisser ta femme être la risée d'une ville et la proie d'un misérable? Vais-je tous les jours être traitée de la sorte!

      —Comment, tous les jours?

      —Oui, reprit Thérésia, ce n'est pas la première lettre de ce genre que je reçois. J'en ai reçu vingt, trente peut-être! Je ne te les montrais pas, pour ne pas t'attrister. Cette fois vraiment c'est trop d'outrages! Je ne peux plus me taire, souffrir sans crier. Défends-moi, frappe le lâche.

      —Quel est le misérable, s'écriait le représentant, quel est le misérable qui a pu écrire ces abominations!

      —Tu ne vois pas! La lettre est signée!

      —Comment! il a osé!... Du-bous-quens! Dubousquens! répétait Tallien, mais je connais ce nom-là.

      Il courut chercher des rapports de police, éventra des montagnes de paperasses, et après avoir bouleversé de lourds dossiers, feuilleté et refeuilleté de gros livres, il finit par découvrir sur une page de calepin, une petite note ainsi conçue:

      «Dubousquens, négociant. Fortune évaluée à trente millions. Suspect par ses relations avec Gensonné, avec des royalistes avérés comme Martignac. Rôle douteux pendant l'insurrection contre-révolutionnaire. Depuis, a affecté des sentiments constitutionnels.

      «A des amis puissants dans tous les partis. Très lié avec Robespierre jeune. Très populaire dans la ville. A ménager.»

      —Très populaire, répétait Tallien en secouant la tête, très populaire et à ménager!

      —Et qu'importe qu'il soit populaire! s'écria Thérésia.

      Puis changeant de ton et se pendant au cou de son amant, l'étreignant avec force:

      —Voyons, m'aimes-tu, Tallien? Vas-tu souffrir qu'on insulte ta Thérésia? Vas-tu hésiter à châtier un monstre! De quoi as-tu peur? N'es-tu pas le maître ici? D'ailleurs, il est suspect, ce bandit. Ah! si tu ne prends pas mieux ma défense, tu verras ce qui arrivera. Ils me traiteront comme Théroigne, ils me battront, ils me fouleront aux pieds, ils m'égorgeront peut-être, les infâmes!

      —Sois donc tranquille! sois donc tranquille!

      —Non! je ne serai pas tranquille tant que tu ne m'auras pas vengée!

      Le lendemain de cette scène, Jumilhac, le premier commis de Dubousquens, fut averti du danger que courait son patron par une chanteuse du théâtre, amie de Thérésia. Dubousquens était alors à son hôtel de la Porte du Palais, dont l'accès était interdit à tout le monde. Mais Jumilhac, sous le coup d'une si pressante menace, ne crut point devoir respecter la défense, et, sans retard, il s'en fut le trouver.

      A l'heure qu'il arriva, la rue était déserte. Sous le ciel clair, l'hôtel et les jardins formaient une nuit impénétrable. Mais comme il levait le marteau pour frapper, il surprit un mince filet de lumière aux fenêtres du premier étage et, au même instant, un cri atroce, un rugissement prolongé qui remplit la rue. Malgré l'émotion qu'il éprouvait, Jumilhac heurta violemment à la porte. La curiosité, et aussi le désir d'être utile à Dubousquens, dominaient son inquiétude. On ne parut pas l'avoir entendu. Des cris étouffés, puis perçants, retentirent encore; enfin, comme il s'obstinait à frapper, une fenêtre s'ouvrit, un homme parut, demanda:

      —Qui est là?

      —C'est moi, Jumilhac, il faut absolument que je vous parle!

      Un instant après un verrou glissait, la porte s'entrebâilla, et Jumilhac pénétrait enfin dans la mystérieuse demeure, suivant Dubousquens à travers des corridors obscurs, jusqu'à un vaste salon entouré de glaces et meublé de sofas, qu'éclairait d'une lumière pâle un lustre à demi allumé. A son entrée, il entendit soupirer, sangloter longuement dans la pièce voisine.

      —Que venez-vous faire? demanda Dubousquens, et qui vous a permis?

      Sans habit, dans une fine et précieuse chemise de dentelles, mais à demi déchirée, laissant voir son cou sillonné d'éraflures rouges et comme de griffes profondes, Dubousquens l'effraya, avec ses yeux hagards, ses mains sanglantes, le halètement de colère ou de passion qui soulevait sa poitrine. Il tenait à la main une canne longue et flexible.

      Jumilhac lui dit d'une voix sourde:

      —Je viens vous sauver. Votre existence est en grand péril.

      —Comment cela? fit Dubousquens sans se troubler.

      Absorbé comme il l'était, il prêtait à peine attention aux paroles les plus alarmantes.

      —Vous avez été bien imprudent! répliqua le commis. Courtiser la maîtresse d'un homme aussi puissant, c'était déjà dangereux; mais lui écrire des injures!... Quel démon vous poussait à jouer aussi légèrement votre tête?

      —Que me contez-vous là? s'écria Dubousquens qui avait écouté son commis avec la plus grande surprise.

      —Mais la vérité simplement!

      —Moi, j'ai courtisé une femme? Je lui ai écrit des injures? Voyons, vous êtes fou!

      —Je ne suis pas fou. On a bien reconnu votre écriture.

      —Et comment s'appelait cette amoureuse que j'ignore?

      Avec СКАЧАТЬ