Les Nuits chaudes du Cap français. Rebell Hugues
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Название: Les Nuits chaudes du Cap français

Автор: Rebell Hugues

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066081393

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       Table des matières

       Table des matières

       Le Cap français, mai 1791.

      J'ai allumé tous les flambeaux, puis je me suis mise à écrire sur mon lit, après avoir fermé le moustiquaire. J'aurai moins peur à présent.

      La nuit m'a semblé si brusque! Oh! je me rappellerai toujours cette sortie de l'église, ce jour décoloré, cette allée d'acajous dont le feuillage m'apparut terne et flétri. Il soufflait un vent frais, et j'ai respiré, sous le porche, une odeur exquise, la même odeur que Mme Du Plantier, l'autre soir, m'a fait respirer sur son corsage. On eût dit que la traîne de sa robe s'était longuement attardée sur ce seuil. Eh bien! je me sentais oppressée comme par un air brûlant, corrompu. Et, lorsque le soleil est tombé dans la mer, que l'obscurité nous a envahis, j'ai cru que mon châtiment était venu et que j'allais, à ce moment même, cesser de vivre. Mon Dieu! avant de m'appeler, laissez-moi du moins m'expliquer avec vous, entendez ma confession. Epargnez-moi si je n'ai pas tout dit à votre ministre: je ne le pouvais pas!

      Je m'étais bien promis ce matin de ne rien cacher; puis Mme de Létang m'a invitée à dîner. J'ai accepté pour m'étourdir, vous le savez: j'étais si malheureuse. Est-ce cette liqueur, ce tafia au muguet qu'elle m'a servi à la fin du repas, qui m'a grisée? mais, lorsque plus tard, au confessionnal, l'abbé de la Pouyade m'a demandé d'une voix un peu surprise, inquiète même: «Est-ce tout?» j'ai répondu «oui» sans hésitation. Je crois bien que je n'ai pas menti. Si coupable que je sois, du moins ma confession n'a-t-elle pas été sacrilège! C'est seulement après avoir quitté M. de la Pouyade que j'ai retrouvé avec terreur mon péché, que je l'ai senti autour de moi qui m'étreignait, qui m'étouffait. Ah! pourquoi l'abbé n'a-t-il pas insisté, ne m'a t-il pas pressée de questions? Je n'aurais pas cette charge horrible sur la conscience!

      Il paraît que j'ai crié tout à l'heure, comme une suppliciée; je me voyais damnée; dans mon désespoir, j'avais jeté mes papiers, je me roulais sur mon lit et je mordais les draps. J'ai été bien surprise de voir tout à coup la bonne figure un peu pleine et réjouie de M. de Montouroy, cette forte moustache qui ombrage ses lèvres narquoises. Bien qu'il ne soit pas méchant, cet homme me gêne toujours un peu. Gras d'une graisse sans couleur, avec son teint noir, il ressemble à sa mère qui est de Séville: il a, comme elle, une trivialité de gestes, une façon bruyante de rire et de parler qui manquent tout à fait d'élégance. Il venait d'entr'ouvrir les rideaux et d'écarter le moustiquaire. Je me suis retournée et relevée un peu lourdement et puis, au milieu de ma peine, j'ai ri, parce que ma chemise, dans les mouvements que j'avais faits, s'était un peu trop troussée et que Montouroy, en entrant, avait dû découvrir une drôle de figure.

      —Vous me devez un cierge, Rose, m'a-t-il dit. (Il est familier avec moi à la façon des Espagnols, et puis nous sommes un peu parents.)

      —Pour m'avoir surprise au lit?

      —Pour vous avoir empêchée de brûler. Sans moi vous flambiez comme un champ de cannes. Le bas de vos rideaux était déjà en feu.

      Je vis en effet le bord du moustiquaire tout noirci et rongé. Je tremblai à l'idée du danger que je venais de courir, et puis je riais de ma frayeur, parce qu'à présent j'étais en sûreté.

      —Vous ne vous aperceviez de rien?

      —Non. Je sentais bien un peu le roussi; seulement dans mon rêve je me croyais en enfer: c'était de circonstance. Mais, comment étiez-vous encore ici?

      —Je suis resté pour elle, Rose. (Ici sa voix est devenue grave comme pour un reproche.) Ne vous souvenez-vous plus de votre promesse? Ne deviez-vous pas lui parler ce soir?

      Il venait aussitôt de me rappeler, sans qu'il s'en doutât, l'opprobre de mon existence, en me parlant de cette jeune fille qu'un crime a conduite chez moi et à laquelle j'ai pris tout son luxe, tout son bien-être, toute sa liberté!...

      Ah! qu'ai-je écrit? Moi, qui passe pour la plus pieuse, la plus charitable des femmes! Tant pis, j'avais besoin de me confesser. Et puis personne ne verra ce cahier, que moi—et Dieu.

      —Si, mon ami, ai-je répondu, si, je me souviens bien, mais pour parler de vous à Antoinette, il fallait trouver une occasion. Vous savez que les jeunes filles sont capricieuses. Il suffit que je vous présente pour qu'elle ne vous trouve pas de son goût. Venez souvent à la maison, faites-lui votre cour. Je vous y autorise. Et vous verrez ce qu'elle pense de vous. Je vous promets de faire tout pour la décider à une union que je souhaite de mon côté très vivement, je vous assure. Mais je ne me crois pas le droit de la lui imposer.

      —Merci, Rose. Seulement si elle songe à moi, sachez lui faire un bel éloge de votre serviteur.

      —Je n'y manquerai pas. A présent sauvez-vous, mon cher Jacques. Si quelque esclave vous apercevait, dès demain on dirait dans toute la ville... vous savez quoi!

      —Personne ne m'a vu ni ne me verra. Je sais marcher discrètement. A propos, vous avez toujours cette Zinga?

      —Mais oui!

      —Cette horrible négresse?

      —Pourquoi horrible? elle est plutôt jolie, cette enfant.

      —Je n'aime pas ses yeux. J'y lis la haine, la cruauté, le goût du mal, et puis...

      —Et puis quoi? Dites, Jacques, dites vite. Je veux savoir!

      Je lui avais saisi les bras, m'avançant toute vers lui, haletant contre sa poitrine, mais il se dégagea légèrement, et me saluant avec un sourire:

      —Une autre fois! Vous savez bien qu'il est trop tard ce soir pour que je vous parle longtemps. On dirait dans toute la ville...

      —Méchant! lui criai-je comme il sortait de la chambre.

      Que lui a-t-on raconté sur la négresse? Est-ce qu'il saurait quelque chose de nos conventions atroces? Non, car il ne viendrait plus ici. Je lui ferais peur. Sa visite doit plutôt me rassurer. Et puisque je l'ai à ma disposition, ce jeune homme, je dois me servir de lui. C'est même étrange que je n'y aie pas songé plus tôt. Qu'il épouse Antoinette, oui! qu'il l'emmène et me délivre pour toujours de cette enfant dont la vue même m'est un remords. Absente, je ne penserai plus à elle, je n'aurai plus souvenir des événements qui l'ont conduite dans ma maison; je ne redouterai plus que les indiscrétions, les colères de Zinga lui révèlent le passé et me dénoncent à toute la ville. Je finirai par croire, comme tout le monde, à ma charité. Je serai, à mes yeux mêmes, «la bonne Madame Gourgueil».

      Mais aux yeux de Dieu?...

      Et si Dieu n'existait pas?... Mme du Plantier est athée; le docteur Chiron aussi. Ce sont des êtres intelligents pourtant, aussi intelligents que moi, et beaucoup plus instruits. Peut-être ma croyance vient-elle de mon éducation, et de cette bête de tante qui me faisait tout le jour, quand j'étais fillette, ânonner le catéchisme... A Paris il y a, paraît-il, de grands esprits qui ne croient pas.

      Dans cette nuit chaude, c'est en vain que j'essaie de m'assoupir. A chaque СКАЧАТЬ