Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4). Dorothée Dino
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4) - Dorothée Dino страница 2

Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ a été un événement pour vingt-quatre heures. M. Molé a eu un grand succès; moi qui n'ai fait que lire son discours, j'ose le trouver un peu apprêté. Il fait cet effet sur beaucoup de monde; on ajoute même qu'il est assez insignifiant. Je n'ai rien à dire de celui de M. Dupin: comme convenance, il est jugé; mais il m'a divertie. – C'est que j'ai le goût très mauvais!

      «Vous ne vous serez pas trompée, j'espère, sur le dénouement d'Égypte. Méhémet-Ali, quoi qu'il arrive, conserve le Pachalik héréditaire: mais quelle confusion entre ces marins, cet Ambassadeur et ce Ministre des Affaires étrangères!

      «On dit, ma chère Duchesse, que le Roi de Prusse est un peu vague dans sa conduite, que cela se remarque dans son pays, que sa popularité est fort en déclin, et que tous les jours on regrette davantage le vieux Roi.»

      Rochecotte, 12 janvier 1841.– Voici ce que m'écrit M. de Salvandy. «Il me paraît que les Puissances cherchent sérieusement l'occasion et le moyen de nous faire rentrer dans le concert européen. Les déclarations de M. de Metternich, la dépêche russe, si nouvelle dans ses expressions sur la sagesse du Roi, les services qu'il rend à l'Europe, et le désir de s'entendre avec son gouvernement; les sentiments enfin de la Prusse, plus français et moins russes que jamais, donnent à réfléchir à l'Angleterre. Lord Palmerston se voit plus d'embarras qu'il ne pensait. Le duc de Wellington et sir Robert Peel proposeront des amendements; on dit qu'ils seront français et qu'ils passeront; les Tories s'en prétendent assurés. Je ne puis le croire. Je ne saurais imaginer que les succès réels de Palmerston sur tout le continent asiatique, depuis Saint-Jean d'Acre jusqu'à la Chine, fussent la date et l'occasion de sa chute. Quoiqu'il en soit, il est certain que l'Angleterre, gouvernement et nation, se préoccupe de notre isolement et de notre liberté d'action.

      «Ici, la question des fortifications tient tout en suspens. Elle s'est simplifiée par le parti qu'a pris M. Thiers de ne rien proposer qui ne soit consenti par le Gouvernement. Il renonce à ses amendements, ou les modifie selon les vœux du Cabinet; ainsi là ne sera pas la lutte. La victoire ou l'échec seront communs à MM. Thiers et Guizot; cependant, par une étrange disposition des esprits, M. Guizot est, il semble, menacé dans ce début. MM. de Lamartine, Passy et Dufaure, quarante voix de la gauche, Tracy et Garnier-Pagès réunis, en tout cinquante voix au moins, repoussent le projet. On se demande si le maréchal Soult n'est pas aussi de l'opposition à cet égard. Il y a des nuages autour de lui; on se demande si les réserves qu'il a faites pour les forts détachés en 1833, contre le système mixte et l'enceinte continue en 1840, ne dominent pas sa pensée plus que tout autre intérêt; s'il n'espère pas les faire prévaloir par le rejet d'une moitié de la loi, ce qui pourrait bien la renverser tout entière, et renverserait aussi la partie oratoire du Cabinet, liée à la défense du projet entier; on se demande encore si ce dernier résultat n'est pas le but de la stratégie parlementaire du Maréchal. Le Prince Royal, que j'ai vu hier, me paraît inquiet de ce soupçon. Quelle serait alors l'arrière-pensée? Une combinaison Passy-Dufaure, Passy aux Affaires étrangères? Ce serait la Restauration du ministère du 2 Mai, qui n'était pas viable la première fois, qui ne le serait pas davantage maintenant qu'il est mort. Une combinaison Soult-Molé, c'est peu vraisemblable. Enfin, M. Molé sortirait-il de ses ruines? Tout cela est fort obscur. M. Molé est bien difficile. Il y a encore trop de gens pour qui l'adhésion serait une amende honorable. Quoi qu'il arrive, il est certain que M. Guizot est entamé, et qu'aux Tuileries même on accepte mieux qu'on ne l'eût fait autrefois les chances de sa mortalité. On remarque qu'il ne nomme pas Londres. Les choses en seraient-elles au point que lui, qui n'a jamais douté de sa fortune, en doutât cette fois et qu'il se réservât une retraite?

      «Rambuteau a, hier, pendu la crémaillère dans ses nouveaux appartements de l'Hôtel de Ville. Ils sont magnifiques. Il y a grandeur, luxe, bon goût; les peintures, les ornements, les meubles sont admirables. On a plaisir à voir un monument qu'on peut louer, et puisque nous sommes sous le régime de l'élection, je suis bien aise de voir qu'il en peut sortir des choses marquées au coin du bon goût et d'une certaine grandeur. Mais il est curieux de voir la Ville de Paris traiter ainsi son Préfet. Espérons que cela fera planche pour les Rois.

      «M. Pasquier a eu un grand chagrin, celui de ne pas remplacer à l'Académie M. Pastoret. Il y a beaucoup pensé, mais la candidature de M. de Sainte-Aulaire était trop bien établie. Il se réserve pour la succession de l'évêque d'Hermopolis1. N'admirez-vous pas, Madame, qu'à son âge on capte des héritages, et que dans son rang on ait encore des ambitions?»

      Rochecotte, 18 janvier 1841.– Voici ce que Mme de Lieven m'écrit de Paris, sous la date d'avant-hier: «Mme de Nesselrode est très préoccupée des grands hommes de France; décidément, c'est eux qu'elle est venue voir à Paris. M. Eynard, de Genève, en tient boutique ici. Il fait dîner Mme de Nesselrode alternativement avec eux; je ne crois pas qu'il lui en manque maintenant un seul, si ce n'est Garnier-Pagès.

      «On attend le discours de la Reine d'Angleterre avec quelque curiosité. Dira-t-elle un mot convenable pour ici? Ici, on ne se détourne pas d'une ligne de ce qu'on a résolu. Paix armée, attente tranquille, isolement, ne menaçant personne; ni inquiet, ni inquiétant. Les voisins, cependant, sont agités; ils voudraient voir finir cet état de suspens; l'obstination de lord Palmerston les désespère, car il n'est que trop vrai que c'est le véritable Cupidon qui gouverne l'Europe. Il faut trouver un moyen de raccrocher la France à quelque chose, et le Cupidon n'a pas encore été trouvé. Quant à l'hérédité pour le Pacha, elle est certaine.

      «La France a fait la paix avec Buenos-Ayres, et Rosas, le tyran de cette République, s'annonce ici comme ambassadeur; il viendra au printemps. L'Angleterre arrangera le différend entre l'Espagne et le Portugal.

      «On ne parle que fortifications. On ne sait pas trop si la Chambre en voudra. Le Roi d'un côté, M. Thiers de l'autre y prennent des peines infinies. Le Ministère soutiendra, parlera, mais ne mourra pas de chagrin si elles ne passent pas.

      «M. de Barante a ordre de rester à Pétersbourg. Il y a là des coquetteries très innocentes; il faudra du temps pour qu'elles deviennent quelque chose. M. de Lamartine a eu une audience de deux heures et demie du Roi, dont il s'est dit très frappé; il en parle beaucoup. Ce n'est qu'après la note sur les fortifications qu'on s'occupera des mutations diplomatiques.»

      Voici maintenant les nouvelles que me donne Mme Mollien: «On désire bien fort la loi des fortifications aux Tuileries, et très peu à la Chambre. On sait gré, au Château, à M. Thiers, de s'être, dans son rapport, renfermé dans la généralité. Il veut rassurer la Chambre sur son compte. On dit qu'il commence à être très fatigué de ses partisans de la gauche, et qu'il a eu une scène vive jusqu'à l'injure avec Odilon Barrot dans laquelle il a appliqué l'épithète de canaille aux journalistes du parti. Le fait est que si cette loi ne passait pas, les trente millions déjà dépensés, les travaux commencés, les propriétés particulières achetées, détruites, bouleversées, le bois de Boulogne dévasté, tout cela le mettrait dans une situation terrible; aussi se fait-il doux comme un mouton; il envoie sa femme aux Tuileries. Le Ministère se consolerait de ce qui ferait son embarras. Le Château, au contraire, fait en ceci cause commune avec lui. C'est une position fort complexe. M. le Duc d'Orléans est très mécontent; le rappel du maréchal Valée, prononcé en deux heures, sans l'avoir averti, l'a fort blessé; il craint son retour, parce que c'est un de ses ennemis personnels, et il craint pour l'Afrique entre les mains de Bugeaud. Du reste, il s'efface de plus en plus, pour déférer à la pensée du Roi, qui s'effarouche de son successeur comme Louis XIV le faisait du Grand Dauphin. Tous nos Princes vivent comme des Infants d'Espagne, dans la solitude et l'obscurité. Le Pavillon Marsan est un cloître où on s'ennuie. Au rez-de-chaussée, pas trop d'esprit; au premier, pas le contraire. Le Roi a toujours la même confiance impériale dans son étoile. Il tient moins à M. Guizot qu'il y a quelque temps, ne s'effrayant plus autant d'un changement ministériel.»

       Rochecotte, 27 janvier 1841.– Le СКАЧАТЬ



<p>1</p>

Le duc Pasquier devait être, en effet, élu membre de l'Académie française le 17 février 1842, en remplacement de Mgr Frayssinous, évêque d'Hermopolis (1765-1841) et grand-maître de l'Université, qui, en janvier 1841, était déjà fort malade.