Voyages loin de ma chambre t.1. Dondel Du Faouëdic Noémie
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СКАЧАТЬ tirai quinze sous de ma bourse et je les donnai au cocher. J’allais m’éloigner, il me retint par le bras:

      – Monsieur, me dit-il, ce n’est que trois sous.

      – Bah! repris-je, vous m’avez dit quinze sous d’abord, ce sera quinze sous.

      – Non pas, monsieur, j’ai dit que je vous mènerais pour trois sous. C’est trois sous!

      Il me rendit le surplus et me força presque de le recevoir.

      – Et je me disais, en m’en allant, voilà un honnête homme!

      Le poète se promena tout le jour sur la plage. Le soir venu, il songea à regagner Bayonne. Il était las et ne pensait pas sans quelque plaisir à l’excellente voiture du matin et au vertueux cocher qui l’avait amené. Il le rencontra.

      – Je vous reconnais, lui dit-il, vous êtes un brave cocher, et je suis aise de vous revoir.

      – Montez vite, Monsieur, lui répond l’homme.

      Victor Hugo s’installe en hâte dans la calèche. Quand il est assis, le cocher, la main sur la clef de la portière, lui dit:

      – Monsieur sait que l’heure est passée?..

      – Quelle heure?

      – Huit heures.

      – C’est vrai, j’ai entendu sonner quelque chose comme cela.

      – C’est que passé huit heures, le prix change.

      – A merveille, combien est-ce?

      L’homme répond avec douceur:

      – C’est douze francs.

      Victor Hugo comprit sur le champ l’opération. Le matin, on annonce qu’on mènera les curieux à Biarritz pour trois sous par personne. Il y a foule. Le soir, on ramène cette foule à Bayonne pour douze francs par tête.

      Le poète paya sans mot dire, tout en songeant que l’on eût pu écrire sur la calèche: VOITURE POUR BIARRITZ. – Prix: par personne, pour aller: trois sous; pour revenir: douze francs, mais alors le nombre des voyageurs eût été moins grand et le bénéfice des cochers aussi.

      Très cher également les edelveiss que de jolies petites filles bien costumées vous offrent, c’est une manière de parler, car elle se paie un bon prix la flore des hautes altitudes.

      A Grindelwald, nuit sans sommeil.

      Je n’ai pu dormir dans mon joli appartement, car il y avait cette nuit là bal dans la maison, pour les soldats Grindelwaldais revenus de la frontière, le bruit de la musique et les trépignements de la danse arrivaient jusqu’à moi, mais mon insomnie n’avait rien de désagréable. Je me trouvais en plein conte de fée, transportée dans un palais enchanté, au milieu de merveilleuses montagnes. L’orchestre villageois, quoique monotone, avait un charme tout particulier.

      Après cette nuit fantastique, nous nous sommes fait transporter dans les glaciers où nous avons visité la grande grotte; les effets de lumière à travers ces épais blocs de glace sont quelque chose d’idéal; nous y avons été assaillies par une avalanche… d’officiers français utilisant leurs loisirs en excursions. En qualité de compatriotes, la connaissance a été vite faite. Quoique le champagne soit le vin des toasts gais et des cœurs joyeux, ce qui n’était pas le cas pour nous, il a fallu boire un verre de champagne; nulle part on ne le frappe mieux à la glace qu’ici, c’est du reste de Grindelwald que s’exporte la plus grande quantité de glace, de qualité absolument supérieure, elle sort pure, transparente des glaciers immaculés.

      Nous sommes revenus ensemble à Interlaken, où nous eussions dîné gaîment en tout autre temps, mais la pensée de nos défaites et de la Patrie en deuil jetait une ombre douloureuse sur les cœurs et les esprits. Georgette surtout a trouvé cette rencontre charmante, elle a été comblée de gâteries.

      Je n’ai pas voulu quitter Bœdeli, le nom primitif d’Interlaken, et qui veut dire: «lieu délectable,» sans en emporter un souvenir. J’ai visité les bazars et acheté une nature morte, artistement fouillée, et venant directement du village de Brienz, le chef-lieu des bois sculptés.

      Adieu! Interlaken, Adieu! superbe et poétique nature, en vous saluant une dernière fois les vers d’Alex Guiraud me reviennent à la mémoire:

      «Avec leurs grands sommets, leurs glaces éternelles,

      Par le soleil couchant que les Alpes sont belles!

      Tout dans leurs frais vallons sert à nous enchanter,

      La verdure, les bois, les eaux, les fleurs nouvelles;

      Heureux qui, sur ces bords peut longtemps s’arrêter,

      Heureux qui les revoit, s’il a dû les quitter!»

      Nous avons traversé de nouveau le lac de Thoune. Sur le bateau se trouvaient des francs-tireurs bretons, l’aide-de-camp du commandant Domalain et son lieutenant, patriote un peu trop enthousiaste, qui s’est pris de querelle avec un docteur allemand, à l’air bien inoffensif; il a fallu les séparer pour empêcher le Breton de jeter le Prussien à l’eau. Nous sommes montés dans le même wagon pour revenir à Berne, et tout en admirant la crête de la Jung-Frau, dorée par les rayons du soleil couchant, nous avons causé avec bonheur de la Bretagne, où ces messieurs vont rejoindre le corps de Charette.

      Georgette, désirant vivement revoir ses bons amis les ours, nous nous sommes arrêtées un jour franc à Berne. J’ai eu la chance d’assister à deux spectacles très différents, mais très intéressants, et que nous n’avions pas eu l’occasion de voir avec M. Fiwaz; le défilé d’un cortège et un coucher de soleil. Quand le jeu des rayons lumineux et des ombres dessine la croix fédérale contre la cime de la Jung-Frau, et que les sommets neigeux resplendissent des feux empourprés de ce phénomène connu sous le nom de Alpenglühen, on peut dire qu’on a assisté à un spectacle unique au monde.

      Georgette et moi aussi, je l’avoue, nous avons regardé les yeux grands ouverts et jusqu’au dernier personnage, le défilé du cortège, tout imprégné de couleur locale. En tête marchait un ours (un homme revêtu d’une peau d’ours), il paraît qu’il en est ainsi en maintes circonstances, et comme Berne est le centre de la vie politique, que c’est là qu’habitent les représentants des autres puissances, il y a souvent des cérémonies et l’on y voit toujours figurer l’ours traditionnel. Du reste, sans parler des ours vivant dans leur fosse, on retrouve leur image partout; en bronze aux pieds des statues, en pierre au bas des monuments, et enfin en bois, en métal, en plâtre, en chocolat, en sucre, dans tous les magasins de la ville.

      Les prétentions de Georgette ne se sont pas élevées jusqu’à l’airain, elle s’est contentée d’un ours en chocolat, dont la durée a été… fort éphémère.

      L’après-midi nous avons visité la Grande Cave et le Musée historique, que nous n’avions pas eu le temps de voir à notre premier séjour.

      La Grande Cave renferme les célèbres fûts qui pourraient contenir ensemble neuf mille hectolitres, d’où l’ancien dicton: «Si Venise règne sur les eaux, Berne règne sur le vin.» Tel était la prévoyance du gouvernement à cette époque, qu’il ne voulait pas que le peuple manquât non-seulement de pain mais encore de vin.

      Le Musée Historique est très remarquable par la beauté, la richesse СКАЧАТЬ