Название: Voyages loin de ma chambre t.1
Автор: Dondel Du Faouëdic Noémie
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
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Il paraît qu’il y a en Suisse pas mal de chemins taillés dans le chaos et surplombant des ravins sans fond, qu’on appelle «le mauvais pas.» Quelle plaisanterie! ce mauvais pas ne vous donne qu’une image bien imparfaite de la réalité. On pense qu’il s’agit seulement de franchir un passage dangereux de quelques mètres. Ah bien oui! il y a de ces mauvais pas là qui durent trois et quatre kilomètres, et il faut continuer de marcher en avant, on n’aurait même pas la place de se retourner.
Vraiment, c’est défier la Providence que de jouer ainsi avec le danger, de se lancer dans des lieux inaccessibles, uniquement par curiosité, pour se donner le plaisir de se promener, ou la gloriole de raconter ses hauts faits, et l’on prend un air modeste, pour terminer par cette petite phrase suggestive: «J’ai eu la témérité d’arpenter ces mers de glace, de traverser des gouffres vertigineux, de côtoyer ces chutes assourdissantes,» à quoi les amis ébahis répondent: «Vous êtes bien heureux d’avoir vu de si belles choses, tout le monde ne peut pas en dire autant,» et l’on vous complimente sur votre courage, votre sang-froid et votre énergie.
La route d’Interlaken à Grinderwald, village de l’Oberland, ne m’a guère paru agréable non plus, malgré son cadre grandiose. Impossible d’admirer les beautés de la nature quand on a peur.
Jusqu’ici je ne connaissais que les craintes émotionnantes sans doute, que peuvent vous causer chemin de fer et bateaux à vapeur, mais cette fois le trajet a été pour moi un véritable cauchemar.
Notre conducteur, sans souci de mon épouvante, nous a conduites au grand trot, par un chemin bordé de précipices, enserré de tous côtés par de hautes montagnes, qui ne laissaient apercevoir qu’une petite échancrure du ciel au-dessus de nos têtes. Je ne sais comment nous avons pu arriver à Grindelwald sans accident. Nous y avons trouvé un excellent hôtel, je ne m’attendais guère à rencontrer le bien-être et la civilisation dans cet endroit perdu et presque inaccessible. Mais quel coin de la Suisse ne visite-t-on pas? et les hôtels de ce pays ne laissent rien à désirer. Cela se comprend facilement, puisque la Suisse comme l’Italie, vit en partie des étrangers. Elle les reçoit bien et le leur fait payer cher. Dame! c’est une science fort appréciable de savoir plumer les poules, pardon, je veux dire les étrangers, sans les faire crier. Comment se regimber sur le prix, quand on est si bien traité? cela arrive cependant quelquefois3.
La race des hôteliers écorcheurs n’est pas nouvelle.
Voici à ce sujet, une petite histoire qui ne date pas d’hier cependant. Le condamné a, dit-on, vingt-quatre heures pour maudire son juge, le voyageur dont il va être question prit plus de temps pour maudire son hôtelier.
Un Anglais, voyageant en Suisse, demanda dans un hôtel un bol de bouillon qu’on lui fit payer dix francs. Quelques jours après, d’un pays éloigné, il écrivit à l’hôtelier sans affranchir sa lettre, et la poste était chère à cette époque:
«Monsieur, votre bouillon était bon, mais un peu cher.»
A des mois d’intervalle, il renouvela sa vengeance par les moyens les plus imprévus et les plus divers. Une bourriche arrivait, d’où l’on voyait sortir des pattes de gibier, mais il n’y avait que de la paille et une lettre, toujours la même:
«Monsieur, votre bouillon était bon, mais un peu cher.»
Un jour, l’hôtelier reçoit des colonies une caisse avec cette étiquette: Café superfin. Il paie le port, ouvre, trouve des graviers et la sempiternelle lettre:
«Monsieur, votre bouillon, etc.»
On écrivait au susdit hôtelier pour retenir des appartements, il ne pouvait, sans risquer de perdre sa maison, refuser les lettres et il était continuellement attrapé.
Comme on le voit, les fils d’Albion ont la rancune tenace. La chose avait été racontée dans quelques journaux anglais, beaucoup de voyageurs, les Anglais surtout, évitaient cet hôtel. Bref, le malheureux hôtelier courait à sa ruine; il fut forcé de vendre, et l’acquéreur, pour ramener la fortune, s’empressa de changer d’enseigne.
En fait de note à payer, une de mes amies, qui voyageait aussi en Suisse, eut un jour une agréable surprise. Elle venait de parcourir la carte de l’hôtel et de commander deux portions de prix fort raisonnables pour son déjeuner, cependant le dernier plat inscrit sur cette liste l’intriguait beaucoup:
Etait-ce une vulgaire chou croûte allemande, était-ce un mets national, en tout cas, ce devrait-être un gâteau, l’ordre de son inscription indiquait un dessert. Mon amie, un tantinet curieuse de son naturel, ne put résister à la tentation, elle demanda une caléïche à la choute.
Il y avait une demi-heure qu’elle attendait, sa patience était à bout. A chaque demande: Est-ce prêt! on lui répondait: Tout de chuite! Tout de chuite!
Ah! se disait-elle, je me suis joliment fait attraper, c’est un plat sans doute fort long à confectionner, qu’on ne demande que rarement, vu son prix; on va me servir quelque chose de détestable. Elle en était là de ses lamentations, quand un joyeux carillon de grelots lui fit lever la tête. Une voiture venait d’entrer dans la cour, les chevaux piaffaient, le conducteur claquait du fouet, un domestique parut: «Madame peut venir!» et mon amie seulement alors comprit la chose. C’était l’itinéraire, après déjeûner, de se promener en voiture, et la caléïche à la choute, c’était une calèche pour aller visiter la chute et les cascades, le plus joli site des environs.
Ah! cette même amie était bien amusante quand elle racontait ses impressions de voyage et principalement ses violentes émotions et ses démêlés avec la foudre, à l’hôtel du Righi. Elle y était arrivée un soir de grande chaleur. Vers le matin, l’orage éclate; un orage dans la montagne, c’est tout ce qu’il y a de plus formidable au monde, les éclairs vous aveuglent et le tonnerre, aux rugissements sinistres, est partout sous vos pieds, sur votre tête…
Mon amie épouvantée, se lève et sort de sa chambre. Dans le vestibule, elle aperçoit, d’un côté un domestique, de l’autre une boule de feu qui, en passant effleure sa robe, une robe de soie, Dieu merci.
Qu’est-ce? s’écria-t-elle affolée.
– Faites pas attention, Madame, répond le domestique imperturbable, c’est le tonnerre qui se promène et pour la rassurer il ajoute: Ça lui arrive souvent.
Mon amie ne déjeûna pas tranquille, et partit aussitôt. Au retour, elle eût des démêlés avec son cocher, mais ce n’était rien en comparaison de ceux du matin.
Il est certain que les cochers ici doivent faire de bonnes affaires, ils n’ont point à craindre une trop grande concurrence de la part des chemins de fer, qui ne peuvent gravir le flanc des montagnes ni courir sur leur front. Ils ne seront jamais réduits au rôle passif du Collignon mélancolique à propos duquel Scarron écrivait:
Assis à l’ombre d’un rocher,
J’aperçus l’ombre d’un cocher,
Qui frottait l’ombre d’un carrosse,
Avecque l’ombre d’une brosse.
Dans le beau livre de Victor Hugo, intitulé: En voyage, le grand poète raconte une amusante anecdote de son voyage aux Pyrénées. Voulant aller de Bayonne à Biarritz, il fut entouré par la cohue des cochers, qui lui proposèrent de lui faire faire cette excursion pour un prix des plus modiques. «Quinze sous!» СКАЧАТЬ
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Autrefois on disait: «Pas d’argent pas de
De plus, on compte que les mêmes touristes ont dépensé environ quarante millions pour leurs voyages en chemin de fer, bateau à vapeur, voie funiculaire et à crémaillère, tramways, etc. C’est un beau denier pour un si petit pays.