Voyages loin de ma chambre t.1. Dondel Du Faouëdic Noémie
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СКАЧАТЬ j’en avais bien envie.

      Je suis toujours au premier chapitre de mes étonnements et de mon admiration, je ne me fatigue pas du spectacle grandiose des montagnes. Comment décrire ces masses abruptes, farouches, toutes noires avec leur capuchon de neige, les pics, colosses fantastique, les gouffres, abîmes sans fond, les clameurs sinistres des torrents, la plainte affolée du vent, comment décrire tout cela entendu et vu quand la nuit bat son plein, que le silence enveloppe la terre sous les ruissellements d’un ciel plein d’étoiles? Quelle fascination! cette contemplation muette, c’est une prière, et vous vous sentez troublé jusqu’au plus intime de votre être. Le touriste avide d’émotions suggestives, de sensations neuves, fera bien aussi d’aller voir un lever de soleil dans les montagnes. C’est quelque chose de féerique que ni la parole ni la plume ni même le pinceau ne peuvent rendre.

      «Frangé d’or, l’horizon s’embrasait; et, le soleil, lentement comme s’il eût hésité à prendre son essor dans l’immensité radieuse dont il colorait les nuées des milles couleurs du prisme, cernant de rouge et de vert de bleu et de jaune, de violet et de rose les contours de ces îles aériennes, archipel merveilleux jeté en l’azur du firmament infini, le soleil incandescent et infixable dans son éblouissante ascension, montait majestueux au milieu des astres soudainement évanouis… Sur les monts la lune s’éteignait…»

      Quand le temps le permet, je pérégrine volontiers avec M. Fiwaz, il me donne toutes les explications voulues, à l’aide de ses connaissances historiques et géographiques, je m’instruis, et nos promenades me semblent très attrayantes. J’ai consenti à faire à dos de mulet l’ascension du Moléson, à deux mille mètres d’altitude. C’est ma première ascension… je crois bien que ce sera aussi ma dernière. Vue splendide, fatigue intense… je ne sais lequel l’emporte sur l’autre. Du sommet du Moléson, on découvre les lacs Léman, Neuchâtel, Morat et Bienne, les villes d’Evian, Thonon, une partie de Genève, Morges, Romont, Neuchâtel, Morat, Fribourg, une partie de la Savoie et du Jura français et suisse.

      Je suis aussi allée à Gruyères, une petite ville à sept lieues de Fribourg, bâtie sur un monticule. Elle s’enorgueillit de son antique château, résidence des comtes de Gruyères du neuvième au seizième siècle. Elle a deux industries: le tressage de la paille et principalement la fabrication du fromage, qui s’étend dans toutes les campagnes.

      Je soupçonne M. Fiwaz d’embellir un peu ses récits. Il m’a raconté que dans le petit village de Zermatt, station des Alpes valaisanes, il y a une aristocratie constituée d’après un principe très particulier: les quartiers de noblesse sont des quartiers… de fromage.

      Les familles de Zermatt sont d’autant plus nobles qu’elles possèdent plus de fromages et de plus anciens; certains datent d’avant la Révolution française; leurs propriétaires forment la haute aristocratie du pays.

      Les fromages jouent un rôle très spécial dans la vie sociale de Zermatt. Quand un enfant naît, on fabrique un fromage qui porte son nom; ce fromage est mangé en partie le jour du mariage de cet enfant, on l’achève le jour de ses obsèques. Quand un jeune homme désire épouser une jeune fille, il s’invite à dîner un dimanche dans la famille de sa prétendue: si le père de cette dernière exhibe au dessert le fromage qui porte son nom et lui en donne un morceau, c’est qu’il l’agrée pour gendre.

      Allons! voilà une nouvelle noblesse qui ne se trouve dans aucun armorial.

      Une noblesse plus héroïque et plus touchante, c’est celle de Guillaume Tell. M. Fiwaz met une chaleur communocative à raconter son histoire. En l’écoutant, je croyais entendre son cœur patriotique et chevaleresque battre du sublime amour de la Patrie. C’est avec orgueil qu’il cite les auteurs qui ont chanté son héros. Il a le roman de Florian, la tragédie de Lemierre, le drame de Schiller, et enfin l’opéra chef-d'œuvre de Rossini.

      Guillaume Tell n’a jamais existé, disent certains auteurs: «c’est une légende suédoise transportée en Suisse, c’est un mythe!»

      Sceptiques aveugles! la preuve qu’il a existé, c’est l’enthousiasme que son nom éveille. Guillaume Tell a existé comme Jeanne d’Arc, comme tous les libérateurs des peuples; il vit, il vivra toujours, il palpite, il est immortel dans le cœur reconnaissant de l’Helvétie.

      CHAPITRE IV

      Débâcle de notre armée de l’est, dévouement des Suisses. Berne, Thoune, Interlaken, Grindelwald, retour à Berne, anecdotes de voyage, hôtels et hôteliers

Janvier 1871.

      Nous commençons l’année en exil, et bien tristement, les nouvelles de la patrie sont de plus en plus mauvaises… Quel effondrement! quel douleur! l’ennemi victorieux nous écrase de toutes parts, et les atrocités prussiennes ne se comptent plus. Oh! non, la barbarie n’est pas morte encore. La civilisation ne l’a pas tuée. En ce moment, nous la voyons se réveiller, chez un peuple qui se dit policé, avec tout l’emportement d’une nation sauvage.

      Les premiers jours de février, l’armée de Bourbaki est refoulée sur la frontière Suisse, quarante mille hommes passent à Fribourg et trois mille y sont internés. Pendant huit jours, nos pauvres soldats arrivent à toute heure du jour et de la nuit, on ne sait où les loger, les vivres manquent. Le crieur public parcourt les rues de la ville en faisant appel à la charité des habitants. Les Fribourgeois se montrent d’une bonté parfaite, on voit des traits de charité touchants parmi les plus pauvres. M. de Fiwaz fait de larges distributions de vivres, il emmène Georgette avec lui matin et soir, et elle est bien fière de servir la soupe à nos malheureux soldats. Nous allons aussi visiter les ambulances où les dames de la ville soignent elles-mêmes nos malades et blessés, ils sont en bien grand nombre. Jamais je n’oublierai ce triste spectacle et jamais je n’aurai d’enthousiasme pour aucune guerre désormais.2

      Ici c’est un zèle, une rivalité de charité, dont on ne peut se faire idée qu’en l’ayant vue. Il n’y a plus de classes. Les hommes les plus riches font les corvées; ils portent des bottes de paille, des marmites de soupe, des femmes élégantes lavent les pieds meurtris et sanglants. Il n’y a plus de castes, il n’y a plus que des frères, d’un côté ceux qui souffrent, de l’autre ceux qui secourent.

      Dès la première heure, le jour de l’entrée de nos pauvres troupes, pendant le défilé lamentable, la foule bordait les rues, les mains remplies de vivres, de liqueurs, de cigares.

      On écrirait un volume, des traits héroïques accomplis par cette excellente population.

      Une vieille blanchisseuse donne son unique chambre à six hommes, et passe la nuit dans sa cuisine à laver et sécher leur linge pour le lendemain.

      Une autre femme rencontre sur la route un blessé, dont les pieds gelés sont nus. Elle lui met ses bas et ses souliers, et c’est elle qui, les pieds nus, reprend dans la neige la route de sa cabane, à plus d’une heure de marche. Partout les soins matériels sont accompagnés de bonnes paroles d’encouragement, de doux mots d’espérance. La femme trouvera toujours dans son cœur plus de tendres paroles pour le vaincu, qui s’est battu bravement, que de louanges pour le vainqueur, qui se montre enivré de sa victoire.

      Pendant une froide nuit, un fermier loge volontairement tous les malheureux qui se présentent; il donne son pain, son foin, son avoine, son bois, sa boisson. Le lendemain il n’a plus rien, mais il a secouru cinquante chevaux et sept cents hommes, dont plusieurs certainement doivent la vie à son dévouement.

      Depuis l’entrée de nos troupes, plusieurs épidémies se sont déclarées. La fièvre typhoïde et la petite vérole surtout font de grands ravages à Fribourg. Cela me fait une peine СКАЧАТЬ



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Les années ont passé, mais les sentiments que j’éprouvais alors n’ont pas changé. La guerre est une œuvre impie, le plus terrible des fléaux, le plus épouvantable des malheurs, c’est le châtiment de Dieu! D’après des documents réunis depuis, il résulte que la guerre de 1870 a coûté à la France et à l’Allemage: deux cents mille morts, cinq cents mille blessés et quinze milliards de francs!