Les Tourelles: Histoire des châteaux de France, volume II. Gozlan Léon
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СКАЧАТЬ me fassent une nécessité de vendre ma charge. Plus je mettrai de délai à m’en défaire, plus je montrerai à mon maître que je ne vaux que par lui.

      – Vous vous jugez trop sévèrement, monsieur de Belle-Isle; et puisque le roi vous laisse espérer cette faveur, c’est qu’il vous en croit digne.

      – Je vous remercie de cette manière de voir, monsieur de Colbert; je n’en oublierai pas le témoignage.

      Colbert salua et gagna le château.

      – S’il n’est fatal, le rapprochement est du moins singulier. Avez-vous remarqué, Gourville, Pélisson? M. de Séguier me demande si j’ai vendu ma charge de procureur-général, M. de Colbert est étonné de m’en trouver encore revêtu. Est-ce du hasard? Le procureur-général les importune donc bien? Mais vous en étiez, Gourville, au moment du feu et de l’enlèvement. Et après que nous serons partis, que se passera-t-il ici?

      – L’histoire nous l’apprendra.

      – Mais enfin, lorsque le feu sera consumé, qu’on cherchera le… qu’on le cherchera pour partir…

      – Alors jaillira le bouquet, détonation terrible qui renversera dans les fossés toutes les voitures de la cour placées au bord. Torelli l’artificier en est sûr. C’est un événement nouveau à travers mille événemens: c’est une heure pour eux, trois lieues pour nous. Au jour ils seront encore ici.

      – Mais après?

      – Ah! monseigneur, en conspiration, après n’existe pas; on est ou l’on n’est plus!

      – Vous avez dit le mot, Gourville, c’est une conspiration, et contre qui? Je frémirais à cette seule pensée, si ma conscience ne me criait que c’est là le seul moyen de convaincre le roi, qui, une fois dans nos mains et dans ma place de Belle-Isle, signera, au nom de l’intérêt de la France plus encore que par la violence de sa captivité, car elle lui sera douce, le renvoi de M. de Colbert, cette affreuse couleuvre, et celui de M. Le Tellier. Avec eux tomberont leurs créatures. Écrasez l’araignée, la toile s’envole au vent. M. de Colbert est mon araignée qui tend sa toile partout où je suis. Depuis Mazarin, il m’enveloppe, m'étouffe; il me tuera si je ne l'écrase. Puissant comme toutes les résistances; hardi, parce qu’il n’a rien à perdre; influent auprès du prince, qui finira par être persuadé que ma chute sera un heureux prétexte pour ne payer aucune dette, car je serai la cause de toutes, si je tombe; chef de parti, ayant su rallier toutes les haines contre ce qu’on appelle ma prodigalité; appuyé des femmes, de celles dont je n’ai pas courtisé la vieillesse ou la laideur; Colbert, laid, triste, avare, obscur, sordide, triompherait de moi! Lui renversé, je n’ai plus que des amis.

      En tenant le roi captif, je ne fais, après tout, avec des intentions plus pures que ce qu’exécutèrent, sous la minorité, le cardinal de Retz, Turenne, un prince du sang, le parlement, la France entière, contre Mazarin, la reine et le roi lui-même. Et je n’appelle pas l'étranger! – Voilà de quoi m’absoudre.

      Les trois amis se tenaient par la main, et confondaient dans un serment muet le vœu d'être fidèles à leur conjuration.

      S'échappant tout-à-coup d’entre Gourville et Pélisson, émus jusqu’aux larmes d’une scène où s'était décidée leur vie, ainsi que l'événement ne le prouva que trop, Fouquet alla galamment offrir son bras à une dame qui accourait vers lui, et se perdit avec elle, en riant aux éclats, dans une contre-allée.

      Les deux secrétaires du surintendant, quoique habitués à sa légèreté, se regardèrent stupéfaits. Pélisson ne put s’empêcher de murmurer: C’est trop à la fois, Brutus et Bellegarde!

      Ils savaient quelle était cette dame admise dans la plus équivoque familiarité du surintendant.

      Fouquet était un sultan. Il était entouré de messagères d’amour, aux mains prodigues de sa fortune, à la bouche éloquente pour lui, qui lui épargnaient la timidité de l’aveu et le dépit du refus.

      On publiait, à la gloire de madame de Bellière, dans le monde de la cour, que, sous les enseignes du surintendant, elle n’avait eu que des triomphes et pas une défaite. C'était un bonheur sans exemple. Était-il arrivé à son terme? voilà ce qu’on se demandait depuis que Fouquet avait chargé madame Duplessis-Bellière d’une expédition amoureuse de la plus rare difficulté; c'était la Toison-d’Or à obtenir! Les humbles assistaient à cette audacieuse entreprise comme des bourgeois à une course de chevaux. Que ceci est beau! disaient-ils, et tout bas: Oui, c’est beau! mais quelqu’un se cassera le cou.

      C'était pour savoir s’il avait conquis quelques avantages sur le cœur vierge d’une demoiselle d’honneur de Madame que le surintendant s'était caché avec madame de Bellière sous les charmilles, oubliant, comme s’ils n’eussent jamais existé, Pélisson et Gourville. Ce n’est pas qu’il y eût à craindre qu’il dévoilât la conspiration: il n’y pensait plus.

      Quand l’heureux Fouquet et sa confidente descendirent vers le château, la joie de leurs visages eût fait pâlir de jalousie celui de Saint-Aignan, ce maître passé dans la carrière officieuse qu’il suivait concurremment avec madame de Bellière.

      – Elle viendra donc, disait Fouquet, elle vous l’a promis; mais vous ferez mon bonheur, madame!

      – N’oubliez pas, vicomte, que j’ai déjà fait votre bonheur trois cent dix-huit fois.

      – Vous tenez donc compte?

      – Pourquoi pas? Ce sont mes états de service. M. de Saint-Aignan vient d'être nommé gouverneur.

V

      Avant l’heure du dîner, Fouquet proposa une promenade aux parterres.

      On sortit par la façade opposée à la cour d’honneur.

      Les trois grilles de la rotonde s’ouvrirent pour laisser écouler par le pont-levis la cour et la foule de dames et de seigneurs qui la suivait.

      A la porte du milieu parurent le roi et madame Henriette d’Angleterre, à qui l'étiquette indiquait cette place en l’absence de la jeune reine, restée à Fontainebleau à cause de sa grossesse; à la porte de droite se présenta Anne d’Autriche, accompagnée de son fils, Monsieur; à la porte de gauche, le prince de Condé et mademoiselle d’Orléans ouvrirent la marche des princes et des pairs.

      «On découvre de ce perron, écrivait il y a plus de cent cinquante ans mademoiselle de Scudéry dans sa Clélie, une si grande étendue de différens parterres, tant de fontaines jaillissantes, et tant de beaux objets qui se confondent par leur éloignement, qu’on ne sait presque ce que l’on voit. On a devant soi de grands parterres avec des fontaines, et un rond d’eau au milieu; et à la droite et à la gauche, dans les carrés les plus proches, trois fontaines de chaque côté, qui, par des artifices d’eau divertissent agréablement les yeux.»

      Parmi les parterres, celui qu’on nommait le Parterre des fleurs était une œuvre de jardinier et de peintre, de Le Nôtre et de Lebrun. Celui-ci avait tracé le dessin, celui-là l’avait réalisé avec des fleurs. Ils avaient opéré comme les brodeurs orientaux sur les habits de satin: ils avaient brodé la terre. Au lieu de soie rouge, bleue et jaune, ils avaient nuancé des tulipes, des roses et des boutons d’or en guise de soie; et avec mille roses plantées l’une à côté de l’autre, et dont chacune n’avait dans l’ensemble que la valeur d’une feuille, ils en produisaient une mille fois plus grande qu’une rose ordinaire. Cette rose ou toute autre fleur entrait dans l’arabesque d’un carré du parterre СКАЧАТЬ