Les Tourelles: Histoire des châteaux de France, volume II. Gozlan Léon
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      Il était découvert.

      Fouquet s’avança pour le débarrasser de son chapeau.

      – Laissez, monsieur, je vous prie; – c’est par respect. – Vous appelez ce peintre?..

      – Lebrun, sire.

      – Singulière ignorance, celle où je vis, dit à voix basse le roi à sa mère en l’entraînant d’un autre côté. Cet homme emploie à ses bâtimens les premiers artistes de la France, et je ne sais pas même leurs noms.

      On ne m’a pas trompé, vous le voyez, madame, il ne songe qu'à lui. Calculez l’or qu’il a dépensé à cette salle seulement. M. Colbert a raison: M. Fouquet dilapide, M. Fouquet épuise le trésor, M. Fouquet est la ruine de l'état, et M. Colbert…

      – Monsieur mon fils, M. Colbert veut être ministre.

      Louis se tut.

      Il sourit finement en remarquant à tous les panneaux de volets et de portes, au fond des plaques du foyer, sur les marbres des cheminées, où rien depuis n’a été effacé, reproduit avec une affectation de parvenu, ce que n'était pas du reste le surintendant, son triple chiffre N. F. S. «Nicolas Fouquet, surintendant,» entrelacé et percé d’une flèche.

      – Ne trouvez-vous pas, dit-il encore à sa mère, que dans ce chiffre il y a du luxe comme en tout ce qui appartient à M. Fouquet? Trois lettres figurent d’ailleurs très-mal entrelacées. Sans dommage, la dernière pourrait être supprimée.

      – Vous vous contenez mal, monsieur mon fils, et j’ai peine à vous voir ainsi dépité contre des puérilités dont vous souffririez moins, si, comme moi, vous eussiez été obligé d’admirer le Palais-Cardinal, plus beau que notre Louvre et riche de ses dépouilles. Je ne fis alors aucune remarque, je ne fis effacer aucun chiffre. Pourtant le Palais-Cardinal est à nous.

      – Je tâcherai, ma mère, d’imiter votre sang-froid, sans en espérer le même prix.

      Fouquet s'était retiré avec la foule des courtisans, et avait laissé au roi la liberté de parcourir, suivi seulement de sa mère et de sa belle-sœur, madame Henriette, les autres pièces, toutes ouvrant l’une dans l’autre.

      Le roi, poussé par la curiosité, pénétra dans la seconde: elle s’appelle le Salon. Au lieu d’y rencontrer quelque objet qui choquât son goût afin d’apaiser sa jalousie, il arrêta ses regards sur des tapisseries d’Aubusson du plus rare travail pour l'époque: peintures à l’aiguille dont le dessin est de Lebrun. Il voulut détourner la vue de ces chefs-d'œuvre disproportionnés, même pour la fortune d’un souverain; mais elle glissa sur des meubles de laque, fantastiques frivolités vendues littéralement au poids de l’or. Le sofa où il s’agitait surpassait tout ce que Fontainebleau avait à comparer en ce genre d’ameublement. Il est tel quel aujourd’hui: de satin blanc brodé en bosse de chenille verte. C’est, pour le temps, la miniature et le burin appliqués à la broderie.

      Le roi leva des yeux pleins d’ironie au plafond. – Qu’est-ce donc, demanda-t-il, que cet écureuil que je vois partout à la poursuite d’une couleuvre? Cet emblème me fatigue: en sauriez-vous le sens?

      – L'écureuil…

      – Je le sais, ma mère; c’est l’arme parlante de M. Fouquet; mais la couleuvre?

      – La couleuvre, monsieur mon fils, on prétend que c’est l’arme parlante de M. Colbert.

      – Ah! vraiment. L'écureuil et la couleuvre, M. Fouquet et M. Colbert. Gentil écureuil à tête folle: c’est ingénieux, mais c’est peu naturel. Au fond, les allégories sont comme les songes: souvent le contre-pied les explique. Avez-vous les yeux bons, ma sœur Henriette?

      – Pour vous servir, sire.

      – Lisez-moi donc ces lettres noires et brisées dans cette bande que je crois une devise, autour d’Apollon chassant les monstres de la terre.

      – C’est du latin, sire.

      – Eh bien! voyons si vous savez le traduire, ainsi qu’on l’assure.

      – Quò non ascendam? où ne monterai-je pas?

      – Parfaitement, docte Henriette. L'écureuil dit cela à la couleuvre, mais c’est une fable. Et ici, à cet autre angle, que lit-on?

      – Une modification légère de la même devise: Quò non ascendet? où ne montera-t-il pas? Le futur est à la troisième personne au lieu d'être à la première.

      – Et si nous cherchions bien encore, ma sœur, ne croyez-vous pas que nous trouverions une seconde personne qui dirait: Tu ne monteras pas!

      Le duc de Saint-Aignan entra sur ces propos, et fut vivement poussé par le roi dans une petite pièce à côté. La reine-mère et madame Henriette restèrent seules et ne se parlèrent pas.

      Ces deux princesses s’observaient depuis quelques mois. Anne d’Autriche avait remarqué, ce qui du reste n'était échappé à aucune pénétration de courtisan, que Madame et le roi se partageaient une affection où Monsieur avait beaucoup à souffrir pour sa dignité de mari. Quoique vive, sa tendresse maternelle n’allait pas jusqu'à sacrifier un frère à l’autre, et à tolérer un scandale dont la cour d’Espagne, si bien servie en rapports, eût demandé réparation. Malheureusement ses appréhensions semblaient fondées. A tous les carrousels, le roi était le cavalier d’honneur de Madame; à toutes les comédies à ballet ils dansaient un pas ensemble; dans tous les couplets de Benserade, allusions transparentes où nul ne se méprenait, le roi était le lis, elle la rose. Quand le roi s'égarait à la chasse, on avait toutes les peines du monde à retrouver Madame. Anne d’Autriche avait jugé qu’il était temps de mettre un terme à une inconvenance ou d’arrêter une faute. Sachant que les rois ne guérissent d’une passion que par une autre, elle avait cherché et trouvé parmi les demoiselles d’honneur de Madame même une jeune personne peu remarquée, mais propre à frapper par une beauté modeste, qualité jusqu’ici rarement offerte à l’inconstance de son fils.

      Ceci était parfaitement vu, bien combiné, le roi tomberait au piége. Seulement Anne d’Autriche n’avait pas prévu qu’elle réussirait, non parce que son fils cesserait d’aimer Madame pour aimer une de ses demoiselles d’honneur, mais simplement parce que Louis XIV n’avait montré de l’amour pour sa belle-sœur qu’afin de cacher une passion vive et réelle pour la rivale dont sa mère lui ménageait la présence.

      Le roi avait poussé le duc de Saint-Aignan dans une encoignure, et lui répétait: «D’Artagnan est un maladroit, un fou; il entre ici comme dans une place conquise. Est-ce là la prudence que j’ai tant recommandée? Veillez sur lui, que ses mousquetaires ne quittent pas la selle un seul instant. M. de Colbert est-il venu, duc?

      – Oui, sire.

      – Tant mieux. Dites-lui de ne pas m’approcher de toute la journée, d'éviter de se promener en compagnie de Harlai, de Séguier et de d’Albret; de causer beaucoup au contraire avec Gourville, avec Lauzun, avec Pélisson, avec les dames, s’il en est capable, et de ne partir d’ici que toutes les bougies éteintes. Et Elle, est-elle ici? reprit bien bas Louis XIV, sans nommer qui.

      – Pas encore, sire. La suite de Madame n’est pas arrivée.

      – Qu’il me tarde de la voir! – Duc, rompons cet entretien sur-le-champ СКАЧАТЬ