Souvenirs d'une actrice (2/3). Fusil Louise
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Название: Souvenirs d'une actrice (2/3)

Автор: Fusil Louise

Издательство: Public Domain

Жанр: История

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СКАЧАТЬ tant qu'il règnera, n'ayez pas l'espérance

      Que d'un maître implacable ils bravent la puissance.

      […]

      Dans le fond de leur âme ils cachent leur fureur,

      Et n'attendent qu'un chef pour montrer tout leur coeur.

      […]

      Une voix même crie en mon coeur oppressé;

      Tremble, tremble, Néron: ton empire est passé.

      […]

      Me voilà seul portant ma haine universelle.

      […]

      Tous les morts aujourd'hui sortent-ils du tombeau?

      Meurs! meurs! criez-vous tous…

      […]

      Décret du sénat qui condamne Néron.

      Il éclata un applaudissement de rage à ce vers, de même qu'aux vers suivants:

      Quoi! tout souillé du sang des malheureux humains,

      Ton sang, lâche Néron, épouvante tes mains.

      […]

      Je n'aurai pas su suivre et ne sais pas mourir.

      […]

      Et mourant dans la fange, on ne le plaindra pas.

      Le spectacle dura jusqu'à une heure du matin, car chaque vers fut interrompu et redemandé.

      Après une si longue terreur, cette horrible position finit enfin; les prisons s'ouvrirent, et l'on reprit l'espoir d'un meilleur avenir.

      Bientôt on éprouva le besoin de revoir sa famille, ses amis éloignés, de compter ceux qui avaient échappé à la mort. On voulut voyager, changer de lieux. L'Italie, dont nos armées occupaient les principales villes, avait attiré une grande partie des proscrits; ils y avaient pris du service militaire ou administratif. Les intimes connaissances s'étaient éparpillées peu à peu, et il n'était resté que ceux que leur état ou leurs affaires empêchaient de quitter Paris.

      C'est de cette époque que Talma commença à négliger sa femme: il rentrait tard les jours qu'il n'était pas occupé au théâtre. Lorsqu'ils avaient du monde à dîner, on l'attendait souvent en vain. Sa Julie trouvait toujours quelques motifs pour l'excuser: Il était bien naturel, disait-elle, que son mari éprouvât, comme les autres, le besoin de se distraire après les chagrins et les dangers de toute espèce auxquels on venait d'échapper. Cette pauvre femme, sans prévoir le sort qui la menaçait, était confiante et paisible; mais moi, qui voyais Talma très assidu auprès d'une jolie petite personne qu'il avait enlevée à son ami Michot, et dont il paraissait fort épris, je ne partageais pas sa confiance; nous en parlions souvent avec Souque, qui s'en apercevait aussi, mais nous avions grand soin de ne pas montrer nos craintes à madame Talma. Je savais que cette seule idée empoisonnerait sa vie, et qu'il fallait la tromper pour ne pas détruire son bonheur et lui ravir sa tranquillité: ce qu'on ignore n'existe pas. Je pensai d'ailleurs que cela ne pouvait avoir une longue durée, ce grand artiste étant trop occupé de son art, pour faire de l'amour une affaire sérieuse; il nous en avait déjà donné la preuve avec mademoiselle Desgarcins, sa touchante Desdemone. Son amour s'était évanoui avec la nouveauté de la pièce d'Othello.

      IV

       La jeunesse dorée de Fréron. – Louvet. – Lodoïska. – Les voleurs de diligences. – Aventure à Tournay. – Les faux assignats. – Le chevalier Blondel. – Aigré.

      À la terreur succéda une réaction qui ne fut pas moins cruelle, mais comme elle se répandit dans les départements, dans les campagnes, sur les grandes routes, et ne se manifesta à Paris que par les extravagances de ceux que l'on nomma la jeunesse dorée de Fréron, cela eut moins de retentissement dans la capitale, mais ce n'en fut pas moins fâcheux pour ceux qui en furent victimes.

      Fréron était un député de la Montagne; il avait été envoyé avec Tallien en mission à Bordeaux, où il ne s'était pas fait remarquer par une extrême philanthropie. Cependant il fut un de ceux qui attaquèrent Robespierre, lorsqu'ils craignirent pour leur propre sûreté.

      Après la réaction, Fréron fut l'étendard autour duquel se rallièrent les jeunes gens qui allaient dresser leurs plans de bataille dans les cafés, et les mettre à exécution sur les théâtres, dans les rues et chez les particuliers. Louvet, député de la Gironde, qui avait échappé miraculeusement à la proscription, ne put se soustraire à celle de ces messieurs, pour avoir fait chanter la Marseillaise au Théâtre de la République.

      Je ne connaissais point ce député; je savais seulement qu'il était lié avec Talma, mais je ne l'avais jamais rencontré chez lui, lorsque je voyais le plus habituellement Julie.

      On sait combien son roman du Chevalier de Faublas a fait de bruit; le joli opéra de Lodoïska en était un épisode. Cependant, aucune jeune femme n'eût osé avouer qu'elle avait lu cet ouvrage. Je me figurais que l'auteur devait être un cavalier charmant, aux manières élégantes et nobles; enfin un homme accompli. Un jour, j'entendis prononcer le nom de Louvet chez madame de Condorcet, où j'étais avec Julie Talma. C'était en 1794, après la terreur; on parlait de la proscription de ce député, et d'une brochure qu'il venait de publier. Dans cet opuscule, il faisait connaître minutieusement la manière dont il avait échappé à la mort par les soins et la tendre sollicitude d'une femme, qui depuis fut la sienne, et qu'il nommait Lodoïska. Je voulus avoir cette brochure, et je la lus avec un vif intérêt. On ne manque jamais de se tracer en idée, sous des couleurs ravissantes, l'image des héros dont on sait l'histoire. Je m'imaginais que le chevalier de Faublas était devenu un homme politique; que la légèreté de son âge était remplacée par des formes plus sérieuses et plus nobles, et que sa Lodoïska était toujours belle et toujours adorée. Cette fiction donnait plus de prix à l'ouvrage que je lisais. Je parlai de cette brochure à Julie, et de l'intérêt que ce récit m'avait fait éprouver, sans y ajouter mes suppositions; je lui dis seulement combien je désirais pouvoir rencontrer M. et madame Louvet.

      «Rien n'est plus facile, car ils dînent demain chez moi, et je comptais t'inviter.»

      J'acceptai avec empressement, et j'arrivai de bonne heure, tant mon impatience était grande de voir mes héros. Lorsqu'on les annonça, la maîtresse de la maison se leva pour aller au-devant d'eux, et je la suivis par un mouvement presque involontaire; mais je ne fus pas peu surprise de trouver, à la place du Faublas que je m'étais dessiné avec tant de complaisance, un petit homme maigre, à la figure bilieuse, au mauvais maintien, à la mise plus que négligée. Et cette belle Lodoïska!.. laide, noire, marquée de petite vérole, et de la tournure la plus commune[7]. Je fus tellement désenchantée, que je n'en pouvais croire mes yeux, et je regrettais encore mon illusion.

      Après les premières félicitations sur les dangers auxquels ils avaient échappé, sur le courage et l'admirable dévouement de madame Louvet, Julie me présenta à ce couple charmant.

      « – Voilà, leur dit-elle, une de mes amies qui avait un bien grand désir de vous voir; elle a lu avec avidité le récit touchant de vos dangers, et n'a respiré que lorsqu'elle vous a vus sauvés.»

      Louvet me fit un salut de la tête, accompagné d'un sourire qui voulait dire: «Tu croyais rencontrer un Faublas!…»

      Je pense qu'il avait lu mon étonnement sur ma figure. On parla de nouveau de ce temps de malheur et d'alarme, et de la façon ingénieuse avec laquelle Lodoïska avait soustrait à la mort ce malheureux proscrit, ce qui finit par m'intéresser beaucoup, car Louvet était un homme d'esprit et de mérite, et sa femme, malgré son physique peu agréable, n'en était pas moins une personne remarquable. СКАЧАТЬ