Souvenirs d'une actrice (2/3). Fusil Louise
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Название: Souvenirs d'une actrice (2/3)

Автор: Fusil Louise

Издательство: Public Domain

Жанр: История

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СКАЧАТЬ un jour, pour avoir pu oublier que vous êtes la femme de celui qui a fait arrêter ma soeur à Bordeaux; je ne vous l'ai jamais dit, mais…

      – À Bordeaux? interrompis-je, Fusil n'a jamais été dans cette ville.

      – Si fait, si fait, il a chanté les basses-tailles.

      – J'aurais plaint ceux qui l'auraient entendu chanter, repris-je en riant, c'est Fusier que vous voulez dire, un chanteur du Midi, qui n'a jamais quitté Bordeaux.

      – Ah! c'est possible, pardon, ma chère amie, j'ai toujours cru que c'était votre mari, d'après ce qu'a dit Martainville.

      Voilà comme on écrit l'histoire.

      Depuis cette explication, elle m'a répété plusieurs fois:

      « – Il faut que je vous aime bien.»

      – Mais si vous m'aimez, ayez un peu plus de mémoire.

      – Ah! c'est vrai, c'est vrai, quand on s'est habitué à croire quelque chose, c'est terrible.

      Et elle m'embrasse.

      Lorsque Fusil était dans la Vendée en 95, comme aide-de-camp du général Turreau, il rencontra ce même M. d'Autichamp, devenu chef vendéen, qui était blessé et pouvait à peine se tenir sur son cheval; ils s'arrêtèrent et se reconnurent aussitôt.

      – Eh quoi! lui dit cet officier, c'est vous, Fusil, qui vous battez contre nous?

      – Fuyez! s'écria Fusil, f… le camp, car je n'ai d'autre alternative que de vous faire prisonnier ou de passer devant un conseil de guerre.

      Il était temps, en effet, car à peine ce chef vendéen avait-il disparu, que les troupes républicaines arrivèrent.

      C'est M. d'Autichamp qui a raconté cette circonstance. Fusil n'en avait jamais parlé, pas même à moi.

      Dans ce même temps, où l'on incendiait tout ce pays, il trouva un pauvre enfant abandonné au pied d'un arbre, près d'un village en flammes. Il le prit sous son manteau, le porta dans la ville de Chollet, et fit aussitôt chercher une nourrice, car son intention était de me l'envoyer à Paris; mais la femme du général lui ayant demandé avec instance cet enfant, Fusil pensa qu'il serait plus heureux avec elle, et consentit à le lui laisser.

      Par une destinée bizarre, il avait arraché un petit garçon des flammes; vingt ans plus tard j'ai trouvé une petite fille au milieu des neiges, et je l'ai sauvée. Tristes épisodes des guerres!..

      III

      La terreur. – Visites domiciliaires. – La romance du Pauvre Jacques. – On joue au tribunal révolutionnaire. – Le président Bonhomme. – Réunion des proscrits chez Talma. – Marchenna. – Un mot de Riouffe. – La fête de l'Être-Suprême. – Dîner patriotique devant les portes. —Épicharis et Néron, tragédie de Legouvé. – Allusions à Robespierre. – Après le 9 thermidor. – Talma amoureux.

      Le temps qui précéda la fête de l'Être-Suprême fut celui des plus monstrueuses extravagances. On serait tenté de croire qu'un esprit de vertige s'empare quelquefois des hommes; privés de religion, ils furent sur le point de diviniser Lepelletier et Marat. L'hymne des Marseillais était devenue la prière du soir; à la dernière strophe, Amour sacré de la patrie, on criait: «À genoux!» et il eût été dangereux de ne pas se conformer à cet ordre. Les chants peignent les époques. Je me rappelle un couplet chanté dans une pièce du Vaudeville où l'on inaugurait les bustes de Marat et de Lepelletier. Le voici:

      Ces martyrs de la Liberté,

      Patriotes sincères,

      Chez l'ami de l'égalité,

      Sont des dieux qu'on révère.

      Mais les modérés doucereux,

      Les aristocrates peureux,

      Sans les aimer, les ont chez eux,

      Comme un paratonnerre.

      C'est dans ce même temps qu'on faisait des visites domiciliaires. Un détachement du comité révolutionnaire de la section, se trouvant de service pour une de ces visites, chez mademoiselle Arnould, aperçut le buste de Marat coiffé d'un turban.

      «Tiens, t'as Marat, t'es donc une bonne patriote, toi?»

      Ces visites se faisaient la nuit, et l'on peut penser que l'on avait grand soin de brûler tous les papiers qui pouvaient paraître le moins du monde suspects. J'avais quelques couplets faits dans un temps où l'on ne prévoyait pas qu'ils deviendraient un arrêt de mort. Ils m'avaient été donnés pendant que j'étais à Tournay; ils étaient conformes aux idées d'alors. Je croyais les avoir brûlés depuis long-temps, mais comme toute ma vie j'ai été distraite et brouillonne, ils m'avaient échappé jusqu'alors.

      J'étais couchée lorsque ces messieurs vinrent me faire leur visite; je me levai, et j'ouvris mon secrétaire. Ils lurent des lettres de mon mari, qui était alors à l'armée; ils regardèrent ensuite minutieusement chaque papier, introduisirent de petites pointes de fer dans les fauteuils et jusque dans les matelas. Ne trouvant rien de suspect, ils me souhaitèrent une bonne nuit.

      Le lendemain matin, voulant remettre en ordre tous ces papiers épars, la première chose qui me tomba sous la main fut une parodie de la romance de Pauvre Jacques, romance fort en vogue trois ans auparavant, mais dont les strophes parodiées pouvaient m'envoyer au tribunal révolutionnaire. Voici les paroles de la véritable romance:

      Pauvre Jacques, quand j'étais près de toi,

      je ne sentais pas la misère;

      Mais à présent que je vis loin de toi,

      Je manque de tout sur la terre.

      Et voici la parodie:

      Pauvre peuple, quand tu n'avais qu'un roi,

      Tu ne sentais pas la misère;

      Mais à présent, sans monarque et sans loi,

      Tu manques de tout sur la terre.

      J'ignore par quel miracle cette feuille leur était échappée, car j'étais à mille lieues de croire qu'elle se trouvât dans ces chiffons de papier. Quant à la romance du Pauvre Jacques, on sait qu'elle devait son origine à une jeune laitière suisse, que madame Élisabeth avait fait venir pour la mettre à la tête de sa laiterie, et qui regrettait toujours son amoureux.

      Cependant, malgré cet état d'anxiété continuelle, les amis, les connaissances intimes aimaient à se réunir; l'on éprouvait un besoin de se communiquer les craintes qui vous poursuivaient et qui n'étaient, hélas! que trop souvent réalisées. Les amis qui s'étaient séparés la veille étaient-ils sûrs de se revoir le lendemain? Il semblait qu'en se tenant serrés les uns près des autres, l'on attendait avec plus de courage le coup qui devait vous frapper. On prenait son parti sur le peu de temps qui restait à vivre: c'était une abnégation complète de soi-même. L'on ne se disait point en se séparant: À bientôt, au revoir; mais: À peut-être jamais, ou dans un meilleur monde.

      Dans cet état si nouveau pour la société entière, on retrouvait encore des moments de gaieté, et cet esprit français qui ne nous abandonne jamais se montrait parfois, lorsqu'on était réunis entre amis qui couraient les mêmes dangers. On jouait au tribunal révolutionnaire, pour s'accoutumer à le voir sans trembler. Chez Talma l'on distribuait les rôles pour la répétition. C'était Bonhomme (un grand chien de Terre-Neuve) СКАЧАТЬ