Souvenirs d'une actrice (2/3). Fusil Louise
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Название: Souvenirs d'une actrice (2/3)

Автор: Fusil Louise

Издательство: Public Domain

Жанр: История

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СКАЧАТЬ on lui pinçait l'oreille ou la queue pour le faire aboyer, ce qui voulait dire: «À la mort.» Marchenna se chargeait de ce soin. Marchenna était un Espagnol passionné pour la liberté: il avait eu la singulière idée de venir la chercher en France, où il n'avait pas tardé à être proscrit comme ami des Girondins. Il était intimement lié avec Souque[5], et Riouffe dont la gaieté ne s'est jamais démentie, quoiqu'il fût certain du sort qui l'attendait, car il pouvait être envoyé à l'échafaud d'un moment à l'autre. C'était lui qui nous disait: «Je suis venu par les rues détournées, parce que la guillotine court après le monde.»

      Ils avaient obtenu tous les deux de rester libres, sous la surveillance d'un gendarme qui ne les quittait jamais; l'on accordait assez facilement cette faveur, car l'on savait toujours où vous prendre en cas de besoin, et d'ailleurs il était impossible de s'enfuir ni de se cacher.

      Riouffe faisait la cour à toutes les femmes; il prétendait qu'un homme à moitié condamné ne devait point trouver de cruelles, car ça le rendait intéressant, et qu'une conversation d'amour, un tête-à-tête accompagné d'un gendarme, avait quelque chose de pittoresque. Le fait est que, s'il trouvait des cruelles, comme il s'en plaignait, il trouvait aussi toutes les femmes disposées à s'intéresser à son sort, et moi la première. J'éprouvais pour ce pauvre garçon un intérêt bien pur; sa gaieté me faisait mal, quoique je ne pusse m'empêcher de rire de toutes ses folies.

      Un jour qu'il m'avait tourmentée pour venir à un théâtre qui se trouvait au Palais-Royal, et où l'on ne jouait que des pantomimes, nous entrâmes, toujours accompagnés de son garde.

      «Madame, dit-il, à l'ouvreuse de loges, nous sommes des jeunes gens qui échappons à nos parents pour venir au spectacle: ainsi, placez-nous bien, pas trop en vue.»

      Il fut peu de temps après conduit à la Conciergerie; fort heureusement c'était quelque temps avant le 9 thermidor. C'est là qu'il a écrit ses Mémoires d'un détenu.

      Ce fut au mois de mai que l'on rendit ce fameux décret par lequel le peuple français reconnaissait l'Être-Suprême et l'immortalité de l'âme.

      On ne pouvait être attaché avec avantage à aucune administration théâtrale, sans faire partie de l'Institut de musique, Conservatoire d'alors, payé par le gouvernement, et qui, par conséquent, était toujours de service pour les fêtes nationales. Je n'ai échappé qu'à celle de Marat, parce qu'heureusement j'étais malade.

      Chénier, David, Méhul, Lesueur, Gossec, des artistes et des gens de lettres, étaient à la tête de cette administration. David composait le plan, indiquait les costumes et les programmes, désignait la marche des fêtes. Lesueur, et Méhul particulièrement, composaient les hymnes que nous y chantions, le chant du Départ, la ronde de Grandpré, et les hymnes de la fête de l'Être-Suprême.

      Cette fête fut sans contredit la plus belle de cette époque. On avait pratiqué sur la terrasse du château des Tuileries une rotonde qui s'avançait en amphithéâtre. De chaque côté on descendait par un escalier ayant une rampe pour soutenir les femmes, qui étaient échelonnées deux à deux du haut en bas, et chantaient les hymnes. Elles étaient vêtues d'une tunique blanche, portaient une écharpe transversale sur la poitrine, une couronne de roses sur la tête, et une corbeille remplie de feuilles de roses, dans les mains.

      Cette conformité de costumes formait un coup-d'oeil ravissant. Un orchestre nombreux, composé de tout ce que la capitale possédait de célébrités musicales, et présidé par Lesueur, remplissait le devant de la rotonde. Les députés de la Convention, en grand costume, étaient sur le balcon. Près des carrés, en face, on voyait la statue de l'Athéisme. Ce fut celle à laquelle Robespierre, un flambeau à la main, vint mettre le feu et dont il partit une espèce d'artifice. Cette effigie fut remplacée par une statue de la Raison, qui se découvrit toute noircie des flammes de l'Athéisme et du Fanatisme. Le changement de décoration eut peu de succès.

      Cette cérémonie accomplie, le cortège se mit en marche, et Dieu sait la fatigue et la chaleur que nous éprouvâmes jusqu'au Champ-de-Mars. Ce fut sous l'arbre qui était au sommet de la Montagne que nous chantâmes:

      Père de l'univers, suprême intelligence,

      Bienfaiteur ignoré des aveugles mortels,

      Tu révélas ton être à la reconnaissance, etc.

      Cette cérémonie finit fort tard. Nous mourions de soif et de faim; Talma et David eurent grand'peine à nous trouver quelque chose à manger; encore fûmes-nous obligées de nous cacher, car cela aurait pu paraître trop prosaïque à Robespierre, qui, placé au sommet de la Montagne, croyait sans doute que cette nourriture d'encens devait nous suffire. Ce fut là, a-t-on rapporté depuis, que Bourdon (de l'Oise) lui dit:

      «Robespierre, la roche Tarpéïenne est près du Capitole![6]»

      C'est la première fois que je vis de près ce député qui faisait trembler tout le monde. Je le vis encore le jour où l'on mangea devant les portes. Des tables étaient placées rue Richelieu, devant le théâtre de la République. Il s'arrêta pour parler, je ne sais plus à qui. Il avait l'air de fort mauvaise humeur, et ne semblait pas approuver ce burlesque festin, commandé par la commune de Paris. Aussi nous permit-on de quitter la table de bonne heure, à notre grand contentement.

      Je n'ai jamais vu Robespierre dans les coulisses du Théâtre de la

      République, quoique j'aie lu quelque part qu'il y venait tous les jours.

      Le comité de salut public, devant qui tout tremblait, finit enfin par inspirer des craintes sérieuses aux plus chauds démocrates, surtout lorsqu'ils se virent attaqués directement. Plusieurs d'entre eux avaient été envoyés à l'échafaud; les autres en étaient menacés. Une telle violence ne pouvait plus avoir une longue durée; on commençait donc à entrevoir quelque faible espoir. Le 8 thermidor, jour où Robespierre fut attaqué par ses collègues, Talma jouait au Théâtre de la République la tragédie d'Épicharis et Néron, de Legouvé. Une foule de vers portaient à faire des applications sur la circonstance, tels que ceux-ci, par exemple:

      Eh! pourquoi voulez-vous, Romains, qu'on se sépare!

      Quelle indigne terreur de votre âme s'empare?

      Voilà donc ces grands coeurs qui devaient tout souffrir!

      Ils osent conspirer et craignent de mourir.

      […]

      Croyez-vous du péril par là vous délivrer?

      Non, si Néron sait tout, votre impuissante fuite

      Ne dérobera pas vos jours à sa poursuite…

      […]

      Courez tous au Forum; moi, d'un zèle aussi prompt,

      Je monte à la tribune et j'accuse Néron.

      Je harangue le peuple et lui peins sa misère;

      J'enflamme tous les coeurs de haine et de colère.

      À ce vers, les applaudissements, long-temps comprimés, éclatèrent tumultueusement; puis il se fit tout à coup un grand silence, et l'on semblait frappé de terreur. On laissa continuer la pièce; mais le lendemain, 9 thermidor, on donna de nouveau l'ouvrage, et les applications furent saisies avec fureur.

      […]

      la force! eh! qui t'a dit que tu l'aurais toujours?

      […]

      C'est demander la mort que m'inspirer la crainte.

      […]

      J'assieds sur l'échafaud mon trône ensanglanté,

      Et je veux que toujours le monde épouvanté

      Redoute, en me voyant, le СКАЧАТЬ