Souvenirs d'une actrice (2/3). Fusil Louise
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Souvenirs d'une actrice (2/3) - Fusil Louise страница 4

Название: Souvenirs d'une actrice (2/3)

Автор: Fusil Louise

Издательство: Public Domain

Жанр: История

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ les histoires contemporaines les recueillent. Madame de Genlis, dans ses Mémoires ne cite-t-elle pas une anecdote aussi fausse qu'invraisemblable, et qu'elle place même dans un temps où il n'y avait pas de terreur, car la révolution commençait à peine. Chénier à cette époque n'avait encore occupé qu'une place à l'Institut, et André Chénier n'était pas arrêté. Je veux parler de l'entrevue de mademoiselle Dumesnil avec le poète Chénier. J'ai si souvent entendu raconter cette anecdote à madame Vestris, la tragédienne, soeur de Dugazon, et par Chénier lui-même, que je n'ai pu en oublier les détails, les voici:

      Madame Vestris était très liée avec mademoiselle Dumesnil, que son grand âge et ses infirmités retenaient dans son lit. M. Chénier parlait sans cesse à madame Vestris du regret qu'il éprouvait de n'avoir jamais vu cette célèbre actrice. Cela paraissait assez difficile à obtenir; cependant un jour madame Vestris, parlant à mademoiselle Dumesnil des jeunes auteurs sur lesquels on pouvait fonder quelque espérance pour soutenir la scène française, nomma Chénier. On avait donné de lui Charles IX et Henri VIII (mademoiselle Dumesnil s'était fait lire ces deux ouvrages).

      «Nous espérons beaucoup de ce jeune poète, ajouta madame Vestris, et elle saisit cette occasion pour lui apprendre que c'était à lui qu'elle devait le retour de sa pension, qu'il n'avait cessé de solliciter à l'Institut, et de l'extrême désir qu'il avait de la voir. Mademoiselle Dumesnil n'hésita plus.

      «Amenez-le ce soir, lui dit-elle, afin qu'il puisse voir Agrippine infirme.»

      Ils vinrent en effet; il faisait petit jour dans la chambre; mais en voyant entrer Chénier elle se leva sur son séant, et avançant la main avec grâce, elle lui récita tout le grand couplet d'Agrippine. Le jeune poète était dans une telle extase, qu'il osait à peine respirer, dans la crainte de l'interrompre; elle avait cessé de parler, qu'il écoutait encore[4].

      En rectifiant des faits dénaturés avec tant de malveillance pour Chénier et pour d'autres personnes, on ne s'étonnera pas que je veuille rétablir ceux qui concernent Fusil; je ne répondrai que par des faits.

      Peu d'hommes dans la révolution ont été plus faussement jugés par les uns ou plus souvent calomniés par les autres, et cela se conçoit, car quoique son coeur fût plein d'humanité, il était de la plus grande exagération dans ses paroles. Il se serait fait assommer plutôt que de manquer à sa conviction, mais il était incapable de faire du mal à qui que ce soit. Julie Talma, qui l'aimait et lui rendait justice, lui disait sans cesse: «Mais taisez-vous donc, méchant bonhomme! vous rendez service à tous ces gens-là, et vous querellez avec eux; ils tairont vos bonnes actions et répéteront vos mauvaises paroles. Les ennemis se retrouvent dans tous les temps: ils tourmentent les vivants et troublent la cendre des morts.»

      Hélas! elle prophétisait! l'un lui a prêté de fausses anecdotes et l'autre le met hors la loi (ainsi que l'a dit M. Arnault dans ses Mémoires), dans un temps où Fusil était à l'armée de l'Ouest avec le général Tureau. J'ai ses états de service, et je peux en montrer les dates.

      Si je n'ai pas répondu aux imputations dirigées contre mon mari, c'est que, quand la fureur des partis est encore dans toute sa force et que la haine ou l'exagération dirige la plume des écrivains, on voudrait en vain se faire entendre. Il faut pourtant faire la part de l'époque, de la jeunesse, de l'exaltation des idées, de cette fièvre et de ce fanatisme républicain qui s'était emparé de toutes les têtes. Les hommes sont souvent ce que leur position les fait et vont où les pousse la société qui les entoure. Fusil n'étant pas d'ailleurs un personnage historique, j'avais le droit de penser que, lorsque les passions s'apaiseraient, le temps, qui remet tout à sa place, viendrait à mon aide, mais je me trompais. Les animosités d'opinion survivent à la jeunesse et se retrouvent au bord de la tombe; on recueille avec soin dans les écrits et dans les journaux du temps ce que des haines particulières avaient pu envenimer; on s'inquiète peu de savoir si ces faits ont été rapportés d'une manière inexacte. Il est si facile de donner à un fait une couleur odieuse, en dénaturant une circonstance et en la racontant avec malveillance (comme on l'a vu pour Chénier et pour M. de Caulincourt, et pour tant d'autres). Ne peut-on se tromper d'ailleurs sur des événements qui ont quarante ans de date, lorsque tous les jours on se trompe sur des événements qui se passent sous nos yeux.

      Le premier écrit contre Fusil, après la réaction, celui qui a toujours été reproduit depuis, venait d'un homme qui lui devait la vie, et à qui il avait donné de l'argent pour qu'il pût quitter Paris.

      En 89, Martainville et Fusil étaient intimement liés. À peu près du même âge, ils se convenaient et s'aimaient, quoique leurs opinions différassent déjà. Rien ne m'amusait plus que de les entendre se donner mutuellement de ces dénominations dont les mots, inusités jusqu'alors, commençaient à passer dans toutes les classes de la société, et souvent arrivaient à des gens qui ne les comprenaient pas: «Tu es un aristocrate! Tu es un démocrate!..» Enfin cela voulait dire qu'on n'était pas du même avis, et, plus tard, cela voulut dire qu'il fallait tomber sur des gens qui ne pensaient pas les uns comme les autres; mais à cette époque il n'y avait encore aucun danger: aussi, après avoir discuté long-temps, ils finissaient par rire eux-mêmes d'avoir fait de la politique en pure perte.

      – Mais dis-moi pourquoi, disait Martainville à Fusil, tu cries contre la noblesse, toi qui par état as dû en être mieux traité qu'un autre?

      – C'est ce qui te trompe!.. J'ai été vexé, méprisé pour ce même état que tu me vantes… Ces gens-là nous applaudissaient au théâtre, parce que nous les amusions, mais, hors de là, nous n'étions pour eux que des parias et des bohémiens. Le plus petit noble croyait avoir le droit de nous insulter, et si nous voulions qu'ils nous en fissent raison, on nous répondait par les fers et les cachots.

      – Ah! voilà de l'exagération!..

      – Nullement!.. Écoute ce qui m'est arrivé en 87… Ce temps n'est pas encore bien éloigné! Avant que je ne connusse mademoiselle Fleury, j'étais à Besançon, et je devais me marier avec mademoiselle Castello (depuis madame Darboville ). J'étais fort aimé dans cette ville, et tout le monde connaissait mes intentions. Cette demoiselle, ainsi que sa I famille, était fort considérée. Un soir que je la reconduisais avec sa mère, des gardes-du-corps l'insultèrent par les propos les plus obscènes, et voulurent l'arracher de mon bras. Pensant qu'ils étaient gris, je cherchai à leur faire entendre raison, mais j'étais dans l'erreur. L'un d'eux ayant levé la main pour me frapper, je me jetai sur lui et le saisis à la gorge. Quelques personnes étant accourues au bruit que cela avait causé, je remis ces dames à un de mes amis, et le priai de les ramener chez elles. J'offris alors à l'officier de lui rendre raison: il me répondit qu'il ne se battrait pas avec un saltimbanque, et qu'il y avait d'autres moyens de châtier un vil histrion!.. Tu juges de ma fureur!.. Les jeunes gens de la ville, qui m'aimaient beaucoup, et parmi lesquels se trouvaient plusieurs de mes amis, voulurent prendre parti pour moi. Une affaire entre militaires et bourgeois pouvant devenir une chose très grave, un homme plus raisonnable qui se trouvait là, un avocat très estimé, calma les esprits, et ces messieurs se retirèrent en proférant des injures et des menaces.

      Mademoiselle Castello ni moi ne jouâmes le lendemain, afin d'éviter le bruit qu'aurait pu causer notre entrée en scène. Je passai la journée avec mes amis, et le soir ils voulurent m'accompagner, persuadés que ces gardes-du-corps ne s'en tiendraient pas la. Je refusai et je pris une épée sous ma redingote, pour me défendre en cas d'attaque. En effet, je fus assailli sur le rempart par des gens qui semblaient m'avoir attendu. C'étaient ces mêmes officiers, mais en plus grand nombre et sans uniformes; ils étaient armés de bâtons. Je tirai mon épée et m'adossai à un arbre, en leur criant que, s'ils m'attaquaient, je vendrais cher ma vie. Cette menace ne parut faire aucune impression sur eux, et j'étais perdu sans M. d'Autichamp, que le hasard avait amené de ce côté, et qui, voyant un homme assailli par plusieurs, s'écria:

      – Eh! СКАЧАТЬ