Souvenirs d'une actrice (2/3). Fusil Louise
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Название: Souvenirs d'une actrice (2/3)

Автор: Fusil Louise

Издательство: Public Domain

Жанр: История

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СКАЧАТЬ reprit M. d'Autichamp, le sujet de la querelle, mais je suis résolu de m'opposer à tout acte de violence. Venez, monsieur, je vais vous accompagner jusque chez vous!..

      Chemin faisant, je lui racontai ce qui m'était arrivé la veille.

      – Il faut apaiser cette affaire, me dit-il, car elle peut devenir fâcheuse pour vous, mais je prévois que vous serez obligé de quitter Besançon. J'en parlerai demain au vicomte de Puységur (c'était le commandant); ne sortez pas que je ne vous aie vu.

      Mais avant que M. d'Autichamp eût pu faire aucune démarche, je fus arrêté; on me mit les fers aux pieds et aux mains, comme à un criminel, et je fus jeté dans un cachot, dont je ne sortis que pour quitter la ville: tout cela, sans être entendu et quoique les témoignages eussent été en ma faveur. Cet événement fit manquer mon mariage et me laissa long-temps sans existence.

      Ceci se passait en 1787; crois-tu que cela m'ait donné un grand amour pour le despotisme de la noblesse?

      – Tu vois cependant que M. d'Autichamp s'est conduit en homme d'honneur!..

      – Je ne prétends pas te dire qu'il n'y ait pas de gens d'honneur parmi eux; il y a peut-être moins de morgue dans la haute noblesse que dans la petite; mais ils se croyaient tous le droit de nous écraser. Lorsque l'on nous insultera maintenant, nous pourrons en avoir raison.

      Voilà les premiers motifs qui rendirent Fusil républicain; mais il eût sans doute été moins exalté, s'il ne fût pas venu au théâtre de la République, où il était entouré de gens qui lui montaient la tête, et dont la plupart l'ont désavoué.

      Nous étions alors en 91, et les événements marchaient à grands pas. Non-seulement il était dangereux d'émettre, mais d'être cité pour avoir une opinion. Fusil avait souvent averti Martainville de se tenir sur ses gardes, de ne pas parler aussi légèrement, surtout lorsque le vin de Champagne lui montait à la tête. Martainville n'en avait pas tenu compte. Un jour cependant il arriva fort alarmé et me dit qu'il était persuadé qu'il ne tarderait pas à être arrêté. J'arrivais de la Belgique et je ne savais rien de ce qui se passait à Paris, où j'avais éprouvé beaucoup de chagrins et d'inquiétudes.

      – Attendez, lui dis-je, que mon mari soit rentré, il vous donnera quelques bons conseils et pourra peut-être vous être utile.

      J'aimais assez Martainville, parce qu'il avait un caractère qui m'amusait, et que je lui croyais un bon coeur, quoiqu'en général il fût peu estimé. Mon mari rentra avec Michot; ils furent d'avis qu'il fallait que Martainville quittât Paris, où il ne serait pas en sûreté; mais c'était chose assez difficile de se procurer les papiers nécessaires, même pour passer la barrière.

      – Tu resteras chez moi, lui dit Fusil, jusqu'à ce que j'aie pris des renseignements à ce sujet. Je vais voir quelqu'un de ta section, qui pourra m'en donner.

      Le soir il lui annonça qu'il avait été dénoncé, et qu'il ne pourrait passer la barrière que déguisé. On avait été dans sa maison pour s'informer de l'heure à laquelle il devait rentrer.

      – Tu attendras chez moi, ajouta Fusil, jusqu'à jeudi, jour où je serai de garde à la barrière. Voyons, endosse un de mes habits de paysan, pour t'accoutumer aux allures qu'il te faut prendre; et il lui fit répéter son rôle. Je ne pouvais, en le voyant ainsi, m'empêcher de rire, et cela mettait Fusil en colère. Il est certain que la circonstance n'était rien moins que gaie. Martainville n'avait jamais d'argent, et Fusil, dont les appointements étaient presque entièrement saisis, n'en avait guère. Cependant il lui donna trois cents francs qu'il venait de recevoir. Le lendemain étant le jour de garde de mon mari, Martainville s'achemina à la barrière, le dos voûté, comme on le lui avait recommandé, avec un grand panier rempli de provisions, au bras. Nous lui avions fait emporter des provisions, afin que, tant qu'il serait près de Paris, il n'entrât pas dans les auberges ou dans les cabarets. Son permis était en règle. Il ne lui arriva rien de fâcheux, et il sortit de Paris sans obstacle. Mais si l'on avait soupçonné Fusil d'avoir favorisé sa fuite, Dieu sait ce qui lui serait arrivé, car à cette époque nulle opinion ne vous défendait. Michot en fit l'observation à mon mari, et je n'ai pas oublié qu'il ajouta:

      – C'est un vilain monsieur, que ton ami Martainville; il n'en ferait pas autant pour toi, et s'il peut un jour te faire du mal, il n'y manquera pas.

      Lorsqu'en 1802 on me montra l'article écrit par Martainville contre Fusil, je ne pus en croire mes yeux; je restai confondue. Je fus chez lui le voir, et lui parodiai ce vers de Tartufe:

      Mais t'es-tu souvenu que sa main charitable,

      Ingrat, t'a retiré d'un état misérable?

      – Oui, me dit-il, je sais tout ce que vous pouvez me dire, et il est à ma connaissance que Fusil n'a jamais fait de mal, mais c'était un braillard, un nigaud, qui pouvait s'enrichir et qui ne l'a pas fait.

      – Oui, je crois en effet que, s'il eût suivi l'exemple de tant d'autres, on ne se serait pas informé d'où serait venue sa fortune. S'il avait pu surtout prêter de l'argent à ses anciens amis, et qu'il eût eu une bonne table, aucun d'eux ne l'eût attaqué; mais il n'a jamais voulu accepter de place, et il a abandonné son état pour défendre son pays.

      – Je vous disais bien, interrompit Martainville, que c'était un nigaud.

      Croyez-vous qu'on lui sache gré de ne s'être pas enrichi?

      – Mais ce n'était pas une raison pour rapporter qu'il était d'une commission dont il n'a jamais fait partie; Duviquet vous l'a dit lui-même, et il le savait mieux que personne. Pourquoi donc répéter un fait qui a été démenti le lendemain? Vous savez bien que c'est à l'Opéra-Comique et non au Théâtre de la République qu'un jeune homme est monté sur une banquette pour lire l'article que vous citez et qui concernait Trial.

      – C'est possible, reprit Martainville, mais d'ailleurs pourquoi vous en prendre à moi? J'ai un collaborateur.

      – Ce collaborateur était trop jeune alors pour avoir eu ces détails autrement que par vous; d'ailleurs, si vous lui eussiez dit les obligations que vous aviez à mon mari, il eût trouvé tout naturel votre réclamation contre cet article.

      C'est cependant cette première version de Martainville, dont on s'est emparée et qui a été répétée: «Quand un homme est placé sous le poids d'une accusation odieuse, il se trouve toujours des gens qui prétendent en avoir été témoins; mais s'il a fait quelque bonne action, personne ne s'en souvient.»

      Il est un fait remarquable, c'est que, dans le Moniteur et dans les journaux officiels du temps, cités par les historiens, le nom de Fusil ne s'est jamais rencontré. Ce n'est donc que dans ces scènes de théâtre, répétées de tant de manières, et dans lesquelles on a mis sur le compte des uns ce qui appartenait aux autres, qu'il en a été question; on les retrouve encore sous la plume de quelques Girondins rancuneux qui ont déversé sur Fusil la haine qu'ils portaient aux républicains.

      La première impression reste toujours, même après qu'on en a bien démontré la fausseté; je puis en citer une preuve convaincante.

      Une artiste de mes amies intimes, qui eut jadis une grande célébrité, avait une soeur à Bordeaux. Ainsi que la plupart des artistes du Grand-Théâtre, elle fut arrêtée pendant le temps de la terreur. Comme il y avait à cette époque un nommé Fusier, remplissant l'emploi de basse-taille et qui était fort lié avec Tallien, lorsque ce député vint en mission à Bordeaux, on soupçonna ce chanteur d'avoir contribué à faire arrêter ses camarades, pour servir les intérêts du second théâtre, dont il voulait être directeur. Je n'examinerai point si cette СКАЧАТЬ