Les Mystères du Louvre. Féré Octave
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Название: Les Mystères du Louvre

Автор: Féré Octave

Издательство: Public Domain

Жанр: Историческая литература

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СКАЧАТЬ homme que ce patriarche! Initié à toutes les sciences; plus habile en métaphysique que pas un chercheur du grand œuvre; plus perspicace en médecine que pas un docteur, il a tout embrassé, tout pénétré…

      Pauvre père!.. Où est-il, que fait-il à cette heure?.. Persécuté à cause de moi, sans doute!.. mort de m'avoir perdu peut-être…

      Et le prisonnier se cacha le visage de ses mains, pour dissimuler ses larmes.

      Se roidissant enfin contre cette émotion légitime, que la princesse respectait:

      – Chère et illustre dame, reprit-il, trésor de miséricorde, vous que les captifs et les infortunés appellent l'ange des tombeaux quand vous descendez dans cet enfer anticipé, n'avez-vous donc encore pu découvrir ce qu'est devenu mon père?..

      – Je ne veux pas te tromper, mon cher Jacobus; jusqu'ici il ne m'a pas été possible de recueillir aucun renseignement précis ou satisfaisant. Tout ce qu'on a pu me dire, c'est qu'aussitôt après ton arrestation à Meaux, ton père a disparu de son logis. Je crois être sûre qu'il n'a pas été pris parmi les réformistes car il ne s'occupait guère de ces matières théologiques; je serai d'ailleurs très prochainement en mesure de connaître les noms de tous les prisonniers…

      – Merci de vos soins secourables, ma noble et chère dame, soupira le captif. Hélas! je le sens, mon père est perdu pour moi!..

      – Pourquoi donc abandonner ainsi tout espoir? reprit avec un doux reproche, la princesse; je vous dis d'espérer, au contraire; j'ai détaché à sa recherche Michel Gerbier, le plus sûr de mes serviteurs, mon père nourricier; il saura bien me découvrir ses traces. Je vous le répète encore, pour lui comme pour vous, mon cœur est plein de confiance.

      – Si vous voulez parler de ma délivrance, reprit le jeune homme en agitant mélancoliquement sa tête expressive, en vérité je ne suis pas pressé de la voir venir. C'est dans ce cachot que j'ai connu le bonheur de vous aimer; ce cachot est un palais que votre pensée embellit sans cesse; et qui sait, à supposer que vos projets se réalisent, si je retrouverai, libre, les joies ineffables que j'aurai goûtées captif!..

      – Chère âme, prononça Marguerite en lui faisant un collier de ses deux bras, que tu mérites bien d'être aimé!..

      Elle disait vrai, la belle Marguerite. Dans ce Louvre dont les superbes murs pesaient de tout leur poids sur ce captif, elle eût vainement cherché un gentilhomme qui valût celui-ci non pour les titres, il y en avait de plus de quartiers sans doute, non pour la beauté et la distinction, quoiqu'il possédât un visage séduisant, quoique sa tournure fût irréprochable; mais pour cette noblesse qui ne se lègue pas par héritage, mais pour ces qualités de l'âme que l'éducation ne donne pas, car elles sont une faveur directe d'en haut.

      Jacobus, ou plus vulgairement Jacobé de Pavanes, était un jeune homme de grand mérite, érudit et lettré, élevé à l'école de l'évêque de Meaux, dont il était le disciple favori.

      C'était chez ce prélat qu'il avait eu occasion de rencontrer madame Marguerite de Valois, que ses tendances réformistes portaient à fréquenter monseigneur Guillaume Briçonnet, chef de luthéranisme en France.

      L'estime que le prélat faisait de Jacobus, l'attention qu'il accordait à ses discours, une attraction naturelle, rapprochèrent de lui la princesse, et bien certainement ils s'aimaient, sans avoir osé se l'avouer l'un à l'autre, quand la persécution surexcité par Antoine Duprat éclata sur la petite église de Meaux et sur ses adhérents, avec la rapidité et la violence de la foudre.

      Jacobus de Pavanes avait commis un acte de rébellion capitale, aux yeux du chancelier, non moins qu'à ceux de la Sorbonne.

      Oubliant que Clément Marot n'avait pu trouver grâce, en dépit de ses hautes protections, pour sa traduction versifiée des psaumes, condamnée solennellement et détruite par la main du bourreau2, méprisant l'arrêt rendu par la Sorbonne, consultée par le parlement sur l'opportunité d'octroyer à Pierre Gringoire, écrivain en grande réputation en ce temps, la permission d'imprimer les Heures de Notre-Dame, translatées en français, Jacobé de Pavanes avait osé traduire la Bible!

      Il résulta naturellement de cette rigueur que la curiosité publique, stimulée, s'attacha avec plus d'impatience à la connaissance de la lecture qu'on lui interdisait, et que le mouvement en fut accéléré au lieu d'en être ralenti.

      En France, toujours sous l'impulsion de Duprat, la Sorbonne, consultée par le parlement sur la requête de Pierre Gringoire dont nous venons de dire un mot avait donc rendu le décret stipulant «que de pareilles traductions, tant de la Bible que d'autres livres de religion, étaient pernicieuses et dangereuses, parce que les livres ont été approuvés en latin; et doivent ainsi demeurer».

      Mais, nous ne sommes ici que pour constater les faits, et celui que nous signalons présentement, c'est la captivité de Jacobé de Pavanes dans les fosses de la Grosse-Tour du Louvre; c'est la miséricorde de la sœur du roi vis-à-vis de tous les prisonniers de religion, et particulièrement de l'élève de prédilection de l'évêque de Meaux.

      Jusqu'au jour où le malheur s'était abattu sur lui, la princesse Marguerite s'était tenue à son égard dans une réserve qui ne laissait rien voir de ses sympathies intimes; elle savait sans doute, – les femmes ont pour cela un sens particulier, – que ce beau gentilhomme, ardent en toutes choses, chez lequel la passion débordait par tous les pores, la trouvait belle, et recherchait sa présence.

      Mais, par une retenue qui n'est pas rare en un véritable amour, elle évitait de lui fournir aucune occasion de manifester ce sentiment, soit dans ses discours, soit dans les vers qu'elle ne laissait pas de tourner avec art.

      Ce fut donc seulement lorsqu'il lui apparut malheureux, prisonnier, accusé d'un crime entraînant des peines terribles, que les hésitations de son cœur se fondirent soudain, et qu'elle laissa échapper dans le cachot du Louvre l'aveu qu'elle avait su contenir au sein des splendeurs.

      Un geôlier, gagné à prix d'or, servait de complice à ces entrevues, et avait livré à la comtesse le secret du pilier de Charles V, connu de lui seul.

      Le lecteur comprend donc, sans que nous insistions, l'ardeur de cette passion cimenté par les persécutions, stimulée par le péril, entretenue d'une part par une reconnaissance sans bornes, de l'autre par les instincts les plus généreux, par l'abnégation la plus sincère.

      Marguerite était heureuse et fière de se sentir l'unique but, l'unique pensée, l'unique providence de celui qu'entourait sa tendresse. La poésie de son âme, l'ardeur de son sang, ce sang royal qui coulait aussi dans les veines de François Ier s'épanchaient dans ses entrevues avec le chevalier de Pavanes, en sorte que l'heure était loin déjà qu'ils se croyaient encore à leur premier baiser.

      Des coups discrètement appliqués à la porte de la cellule les rappelèrent à la vérité.

      Le temps avait marché, c'était le moment des adieux.

      Marguerite promit de revenir bientôt; on échangea un de ces longs embrassements où les âmes et les sens se confondent, puis la porte se referma. L'ange des tombeaux se disposa à regagner le monde des vivants.

      Le captif se jeta sur sa couche, et tenant à deux mains ses tempes enfiévrées de joie, les yeux clos pour ne pas être distrait par les objets extérieurs, il continua son rêve de bonheur, en savourant le souvenir de ses moindres détails.

      Assurément, Marguerite, forcée de songer aux précautions de la retraite, était plus à plaindre que lui.

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<p>2</p>

Quelques années plus tard, Marot fut arrêté avec la plupart des gens de lettres de Paris, pour avoir mangé de la chair en carême. Ils furent cités devant le parlement, et Marot ne dut son élargissement qu'à la caution de Marguerite de Valois, qui le fit réclamer par son secrétaire, en séance de ce redoutable corps devenu politique, judiciaire et religieux.