Les Mystères du Louvre. Féré Octave
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Les Mystères du Louvre - Féré Octave страница 15

Название: Les Mystères du Louvre

Автор: Féré Octave

Издательство: Public Domain

Жанр: Историческая литература

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ voix:

      – Ce n'était pas un conte…

      – Décidément, murmura en se parlant à lui-même Antoine Duprat, j'ai eu tort de choisir un pareil auxiliaire, il est réellement fou.

      Or çà, mon maître, reprit-il tout haut, il me semble que tu te joues de ma longanimité. Tu viens me réveiller avec fracas, à une heure indue, et cela pour me faire des histoires de l'autre monde… Oublies-tu que j'aime médiocrement la plaisanterie? Or, celle-ci me paraît fort déplacée.

      – En ce cas, monseigneur, vous me congédiez? Soit, je me retire; reprenez cette clef, qui me devient inutile et dont je ne me suis servi que pour vous obéir… Je reprends ma parole et j'emporte mon secret.

      Ce disant, il fit mine de tendre la clef au chancelier et de gagner la porte ordinaire.

      – Au diable, le fâcheux! gronda son patron. Je t'écoute, mais dis-moi un mot raisonnable.

      – Croyez-moi, messire; ma marotte dort là-haut dans mon perchoir, sous les toits, je n'ai jamais été plus sensé. Je n'ai pas imaginé le fantôme noir de la grande cour, il existe; tout à l'heure encore je l'ai vu… je l'ai suivi!..

      – Toi?

      – Moi!

      – Où cela?

      – Où je l'avais vu la première fois, où je le guettais depuis une semaine; toujours dans la cour carrée.

      – Tu l'as abordé?

      – Non pas; j'ai fait mieux que cela: je l'ai reconnu.

      Le chancelier devint tout pâle, il y avait tant d'autorité dans l'accent du bouffon, qu'il n'était pas permis de douter de sa parole.

      Ce qui passa alors par l'esprit d'Antoine Duprat, nul ne l'a jamais su. Gagné par la sincérité de son confident, entraîné par l'habileté perfide avec laquelle il distillait ses révélations, peut-être eut-il un moment d'effroi et crut-il voir sur le seuil de sa chambre l'ombre vengeresse de quelqu'une de ses victimes. Des scélérats moins superstitieux que lui, ont eu de ces hallucinations.

      Quoi qu'il en soit, la pupille de Triboulet se dilata avec une expression sardonique, ainsi qu'il lui arrivait à chaque coup d'épingle qu'il trouvait l'occasion de lancer à son allié en diplomatie.

      Eh bien! ce spectre terrible! demanda enfin celui-ci, surmontant son appréhension, c'est…

      – Ce n'est pas un revenant, c'est une femme.

      – Hein! une femme?.. une femme qui erre seule, la nuit, déguisée en fantôme, à travers les êtres de cette résidence royale? Son nom, puisque tu la connais?

      – Ne le devinez-vous pas, messire; et quelle autre serait assez hardie, d'humeur assez aventureuse pour accomplir ces pérégrinations, sinon la princesse Marguerite?

      – La princesse Marguerite!.. la duchesse d'Alençon!.. répéta le chancelier au comble de la stupeur.

      – Ne m'avez-vous pas enjoint de vous la nommer?

      – Sur mon âme, voilà qui est incroyable! si incroyable, que je n'y ajouterai foi que quand tu me l'auras juré sur cette image de Notre-Seigneur Jésus, appendue là, au-dessus de mon prie-Dieu.

      – Je le jure, dit tranquillement Triboulet, c'était madame Marguerite, propre sœur de sire le roi de France.

      Une pause suivit.

      Le ministre tenait son front dans sa main, pour rallier ses idées qui s'égaraient, sans qu'il put les condenser, ni les retenir. Il n'était pas bien sûr encore d'être vraiment éveillé.

      Le bouffon dardait sur lui ses yeux ardents de malice, et jouissait de l'état déplorable où il le voyait.

      – Si tu ne lui a point parlé, comment l'as-tu reconnue sous son ajustement funèbre?

      – Oh! prononça sourdement le fou d'office, il y a des personnes que l'on reconnaît d'instinct, sans avoir besoin de considérer leurs traits, sans qu'elles fassent un mouvement ni qu'elles parlent… Vous les apercevez, tout votre sang bouillonne et vous crie: C'est elle!..

      – Oui, fit Duprat; je comprends; ce que l'amour inspire à quelques-uns, toi tu le ressens par la haine!

      – C'est cela, monseigneur, vous l'avez dit: la haine!

      Le bouffon, devenu livide, articula ces mots d'un accent guttural, et retira de son pourpoint, où il la retenait enfouie, sa main, dont les ongles, pleins de sang, avaient déchiré sa poitrine.

      – La haine! répéta-t-il, la haine! Cette femme m'estime moins qu'un chien.

      – C'est vrai, appuya Duprat, lui rendant à son tour une de ses blessures; je l'ai ouï engager son royal frère à te chasser du palais comme on ne chasserait pas un être vermineux… Pauvre Triboulet, reprit-il avec une feinte compassion, il y a pourtant du bon en toi.

      Cette hypocrisie, loin de l'abuser, le rappela à lui.

      – Ne vous y fiez pas, messire, fit-il avec une gaieté fébrile; le papegai s'apprivoise difficilement; il mord souvent son maître, au moment où celui-ci le caresse avec plus de confiance. Vous voyez, j'ai mes heures de franchise.

      La princesse a peut-être raison de me dédaigner; je fais un métier stupide, en prétendant amuser, avec mes saillies, des gens plus sots que moi… Tenez, je suis, au demeurant, un vilain personnage.

      – A la bonne heure! Je vois avec plaisir que si tu fustiges vertement les autres, tu ne t'épargnes pas toi-même… Mais tu es un rusé compère, et, si je te connais bien, tu ne dis tant de mal de toi que pour empêcher que les autres le pensent. Pour moi, je ne te demande pas de me flatter, mais de me servir. Ton intérêt me répond de ta vigilance, je n'en exige pas plus.

      Les boutades de ce genre n'étaient pas rares en effet, de la part de ce bouffon bizarre, dont la langue enfiellée ne respectait pas même son maître, le roi.

      – Quelle cause puissante attribues-tu à ces promenades nocturnes de la princesse? Ce ne peut être un simple rendez-vous de galanterie? Nos grandes dames ne prennent point tant de gêne, et ne font point tant de mystère pour chose si vulgaire…

      – Non, sans doute; communément, elles attendent les amoureux, et se contentent de leur ouvrir l'huis de leurs retraits… Mais qu'adviendrait-il si ces beaux galants, au lieu d'avoir leur libre volée, se trouvaient confinés en quelque endroit malsain, fermé à double tour, et surveillé par des gardiens rigoureux?

      – Eclaire ton discours, je cesse de te comprendre.

      – Suivez mon raisonnement, messire, il est limpide: en fait de rendez-vous d'amour, il faut pour se rencontrer que quelqu'un aille en trouver un autre… Quand l'amoureux est empêché, c'est l'amoureuse qui se met en route.

      – Fort bien; mais, en ce cas, je cherche vainement quel peut être ce mortel assez favorisé et assez malheureux à la fois pour que la perle de la France aille à lui, sans qu'il puisse venir à elle… Je ne vois personne…

      – C'est que vous cherchez mal, messire. Madame Marguerite possède un moyen que j'ignore, mais que je découvrirai, pour pénétrer dans les cachots de СКАЧАТЬ