Histoire Anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Second. Du Casse Albert
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СКАЧАТЬ le sifflet alors défendu aux spectateurs. – «Je voudrais pour tout au monde, disait Préville au foyer de la Comédie, qu'on n'eût pas enlevé au public le droit de siffler. Je l'ai vu applaudir au jeu forcé de quelques-uns de mes camarades, j'ai chargé mes rôles pour recevoir les mêmes applaudissements. Si, la première fois que cela m'arriva, un connaisseur m'eût lâché deux bons coups de sifflet, il m'aurait fait rentrer en moi-même et j'en serais meilleur.»

      Les troupes de l'hôtel de Bourgogne et du Marais qui, depuis bien longtemps, se partageaient la faveur du public parisien, perdaient chaque jour de cette faveur, tandis que le théâtre du Palais-Royal ne désemplissait pas. Un attrait irrésistible poussait les spectateurs de toutes les conditions à la salle où l'on représentait les pièces de l'auteur-comédien moraliste. De là naquit une rivalité qui n'avait pas tardé à dégénérer en inimitié fougueuse. Les deux troupes avaient essayé d'une ligue que Molière s'était empressé de combattre. Afin d'attirer chez lui plus de monde encore, il voulut, à l'attrait de ses propres pièces, joindre celui de tragédies aptes à séduire son public éclairé. Racine, encore fort jeune, composa pour le Palais-Royal les Frères ennemis, et cette pièce trouva dans les acteurs de Molière des interprètes dignes et intelligents. La haine ne connut plus de bornes. On était en 1663. Louis XIV reçut de l'acteur Montfleury une requête accusant Molière d'avoir épousé la fille d'une femme avec laquelle il avait vécu. Le Roi vengea Molière en lui accordant une pension et en tenant son enfant sur les fonts baptismaux avec la duchesse d'Orléans, Henriette d'Angleterre.

      On raconte dans les Mémoires du temps, deux anecdotes relatives à Molière qui, dit-on, eurent lieu vers cette époque, et qui, si elles sont vraies, prouvent en faveur d'un souverain fier de se montrer le protecteur des Beaux-Arts.

      Molière avait conservé sa charge de tapissier valet de chambre du Roi. Appelé, à son tour, par cette charge, à faire le lit de Louis XIV, il se présente un jour pour aider un autre valet de chambre, comme lui de service. Ce dernier se retire, disant qu'il ne veut pas aider un comédien. – «Monsieur de Molière, lui dit aussitôt Bellocq, homme d'esprit et poëte agréable, voulez-vous bien que j'aie l'honneur de faire avec vous le lit du Roi?» Louis XIV témoigna à l'autre valet de chambre tout son mécontentement.

      Les officiers de la chambre du Roi se montraient blessés d'être obligés de prendre leurs repas avec Molière, à la table du contrôleur de la bouche; ils ne laissaient pas échapper une occasion de témoigner de leurs dédains pour l'homme auquel la postérité devait élever des statues. Le Roi, informé de ces petites intrigues et voulant les faire cesser, imagina de dire un beau matin à son petit lever à Molière: – «On assure que vous faites maigre chère ici, Molière, et que les officiers de ma chambre ne vous trouvent pas fait pour manger avec eux; vous avez peut-être faim? Moi-même je m'éveille avec un très-bon appétit, mettez-vous à cette table, et qu'on me serve mon en cas de nuit.» (Les services de prévoyance s'appelaient des en cas).

      Louis XIV, coupant alors une volaille, en sert une aile à Molière, prend l'autre pour lui, ordonne de faire entrer les personnages admis au petit-lever, et leur dit: «Vous me voyez occupé à faire manger Molière, que mes valets de chambre ne trouvent pas d'assez bonne compagnie pour eux.» A partir de ce jour, comme bien l'on pense, tout le monde se montra heureux et fier de posséder à sa table l'homme à qui le Roi venait d'accorder une telle marque de distinction.

      En 1664, Molière fit jouer la Princesse d'Élide, comédie en cinq actes, dont le premier est en vers, les quatre autres en prose. L'auteur, pressé de donner cette pièce, qui devait figurer au programme des fêtes de Versailles, n'avait pas eu le loisir de la versifier entièrement. Cela fit dire à Marigny, fameux chansonnier de cette époque, que la comédie n'avait eu le temps de prendre qu'un de ses brodequins et qu'elle était venue prouver son obéissance un pied chaussé et l'autre nu. La Princesse d'Élide, pièce avec ballets, intermède, etc., fut représentée pendant le second des sept jours de fêtes que Louis XIV donna à la reine sa mère et à Marie-Thérèse sa femme, sous le titre des plaisirs de l'île enchantée.

      Ces fêtes, pendant toute une semaine, offrirent tout ce que la magnificence du Grand Roi, le bon goût, le génie et les talents pouvaient enfanter de plus varié et de plus merveilleux. Vigarani, un des plus habiles décorateurs machinistes, s'y surpassa; Lully y commença sa brillante réputation. Benserade, par de jolis compliments en vers, Molière, par sa pièce de circonstance et par les trois premiers actes de Tartuffe, contribuèrent puissamment à embellir ces journées de plaisirs. Comme le Roi n'avait laissé que peu de jours à Molière pour choisir un sujet et le traiter, l'auteur emprunta la fable de la princesse d'Élide à un poëte espagnol. Ce fut même de sa part une galanterie assez fine, que celle de présenter à deux reines, Espagnoles de naissance, l'imitation d'un des meilleurs ouvrages du théâtre de leur nation. Cette comédie et celle de Psyché, composée un peu plus tard, furent traduites en italien et jouées sous le nom de Ricoboni.

      Le Mariage forcé (1664) suivit de près la Princesse d'Élide. L'idée en fut inspirée à Molière par une aventure du fameux comte de Grammont dont lord Hamilton a écrit les Mémoires. Pendant son séjour en Angleterre, Grammont avait fait la cour à mademoiselle Hamilton. La chose avait fait du bruit, ce qui n'avait pas empêché le comte de partir pour la France, sans rien conclure. Les deux frères de la demoiselle, trouvant peu de leur goût la conduite du seigneur français, le joignirent à Douvres dans l'intention de se battre avec lui et de le tuer. Du plus loin qu'ils l'aperçurent, ils lui crièrent: – «Comte de Grammont, n'avez-vous rien oublié à Londres? – Pardon, reprit avec beaucoup d'esprit et d'à-propos Grammont, j'ai oublié d'épouser votre sœur et j'y retourne avec vous pour finir cette affaire.»

      Au temps de Louis XIV, on aimait les anecdotes, on les aime encore aujourd'hui, aussi bien que les allusions et les actualités, l'aventure de Grammont ne contribua pas peu au succès de la pièce, dans laquelle on trouve du reste des scènes dignes de son auteur. De plus Louis XIV, en 1664, dansa dans le ballet avec les principaux personnages de sa Cour; certes il n'en fallait pas tant pour mettre à la mode la nouvelle pièce de Molière, n'eût-elle pas eu le mérite qu'elle a réellement.

      En 1665, l'auteur de belles et de bonnes comédies, eut l'idée assez bizarre de traiter le sujet de la statue du Commandeur. Il la prit au théâtre espagnol de Tirso de Molina et en fit une pièce fort agréable en cinq actes et en prose, que Thomas Corneille mit ensuite en vers, ainsi que nous l'avons rapporté au premier volume de cet ouvrage. Thomas Corneille prétendit qu'en travaillant à cette pièce, il ne fit que céder aux instances de quelques personnes ayant tout pouvoir sur lui; il eût pu ajouter pour être tout à fait dans le vrai, qu'un peu d'intérêt personnel n'était pas étranger à sa condescendance; en effet, les Mémoires du temps affirment qu'il existe une certaine quittance de la femme de Molière, quittance conçue en ces termes: «Je soussignée confesse avoir reçu de la troupe, en deux paiements, la somme de deux mille deux cents livres, tant pour moi que pour M. Corneille, de laquelle somme je suis créancière avec ladite troupe et dont elle est demeurée d'accord pour l'achat de la pièce du Festin de Pierre, qui m'appartenait et que j'ai fait mettre en vers par ledit sieur Corneille.»

      L'Amour médecin, comédie-ballet en trois actes et en prose, suivit de très-près le Festin de Pierre, en 1665. C'est la première fois que Molière mit la Faculté sur la scène. On prétendit que sa pièce avait été faite pour exercer une espèce de vengeance sur son hôte, médecin dont la femme extrêmement avare, voulait augmenter le loyer de la portion de maison occupée par l'auteur. Il est possible, sans doute, que cette circonstance ait eu quelque influence sur la détermination de Molière qui, comme homme, pouvait avoir ses petites passions, mais il n'est guère admissible que là ait été son but véritable. Molière, observateur s'il en fût, critique judicieux et spirituel, poursuivant à outrance les vices, les travers et le ridicule, reconnut probablement chez les médecins de son époque, dans leur maintien, dans leur jargon scientifique, matière à comédies amusantes et utiles. Il s'empara des médecins СКАЧАТЬ