Histoire Anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Second. Du Casse Albert
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Читать онлайн книгу Histoire Anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Second - Du Casse Albert страница 14

СКАЧАТЬ après, en disant: Questo per mortificar la carne. Louis XIV, en sortant de la représentation de cette mauvaise pasquinade, dit au grand Condé: «Je voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière, ne disent rien de celle de Scaramouche.» – Condé répondit: – «La raison de cela, Sire, c'est que la comédie de Scaramouche joue le ciel et la religion, dont ces messieurs ne se soucient point; mais celle de Molière les joue eux-mêmes, et c'est ce qu'ils ne peuvent souffrir.»

      Primitivement, l'auteur faisait dire à Tartuffe, à la scène septième du troisième acte:

      O ciel! pardonnez-lui comme je lui pardonne.

      On trouva avec raison ce vers mal sonnant pour le théâtre, et Molière le modifia ainsi:

      O ciel! pardonnez-lui la douleur qu'il me donne.

      Le Tartuffe fut la première comédie que Piron vit en arrivant à Paris. Son admiration allait jusqu'à l'extase. A la fin de la pièce, il ne contenait plus ses transports. Ses voisins lui demandèrent la raison de son enthousiasme. – «Ah! Messieurs, s'écria-t-il, si cet ouvrage n'était pas fait, il ne se ferait jamais.»

      Il est de fait que le Tartuffe est sans contredit la meilleure comédie de Molière, un de ces chefs-d'œuvre dont on n'avait pas encore eu d'exemple à la scène. Il était impossible de traiter avec plus de sagesse un sujet aussi singulier et aussi hardi. Rien de plus heureux, de plus simple, de plus vif, de plus complet que l'exposition faite par les leçons aigres de madame Pernelle; rien de mieux annoncé que Tartuffe paraissant seulement au troisième acte, rien de mieux dialogué que la scène où Orgon se tient caché sous une table. S'il est un reproche qu'on puisse adresser à l'auteur, c'est d'avoir voulu, par un dénouement médiocre, et comme on dit vulgairement, casser encore une fois le nez au Grand Roi à coups d'encensoir: cependant, avant de condamner Molière, il faut se reporter au siècle et au milieu dans lequel il vivait, aux obligations qu'il avait à son protecteur.

      Un acteur comique, Armand, qui eut une grande réputation très-méritée et vivait au commencement du dix-huitième siècle, étant à boire au cabaret avec deux de ses camarades, imagina de les faire pleurer en leur racontant le sujet du Tartuffe. «Figurez-vous, mes bons amis, leur dit-il quand le vin eut commencé à échauffer les têtes, figurez-vous un honnête gentilhomme qui retire chez lui un misérable à qui il donne sa fille avec tout son bien, et qui, pour le récompenser de ses bienfaits, veut séduire sa femme, le chasser de sa propre maison, et se charge de conduire un exempt pour l'arrêter. – Ah! le coquin, le monstre, le scélérat!» s'écriaient les deux convives d'Armand. Alors ce dernier reprenant, avec le sang-froid qui le rendait si plaisant: «Là, là, consolez-vous, leur dit-il, ne pleurez pas, mon gentilhomme en fut quitte pour la peur, l'exempt lui dit:

      Remettez-vous, Monsieur, d'une alarme si chaude.

      – «Que diable! c'est le Tartuffe que tu nous débites. – Eh oui! mes chers camarades. A-t-on si grand tort de dire que nombre de comédiens ne connaissent que leur rôle, même dans les pièces qu'ils représentent journellement?»

      Après avoir donné à la scène ses deux chefs-d'œuvre, Molière ne se reposa pas et successivement, de 1667 à 1673, année de sa mort, il fit représenter: le Sicilien ou l'amour peintre (1667), comédie-ballet en un acte, Amphitryon (1668), comédie en trois actes et en vers, George Dandin (1668), comédie en trois actes et en prose, avec intermèdes, l'Avare (1668), comédie en cinq actes et en prose, Monsieur de Pourceaugnac (1669), comédie-ballet en trois actes et en prose, les Amants magnifiques (1670), comédie-ballet en cinq actes et en prose, le Bourgeois gentilhomme (1670), comédie en cinq actes et en prose, les Fourberies de Scapin (1671), comédie en trois actes et en prose, la Comtesse d'Escarbagnas (1671), comédie en un acte et en prose, les Femmes savantes (1672), comédie en cinq actes et en vers, le Malade imaginaire (1673), comédie-ballet en trois actes.

      Molière avait composé pour être jointe au ballet des Muses, donné par Benserade à Saint-Germain en présence du Roi, deux petites pièces, la Pastorale comique et Mélicerte. Fort peu satisfait de ces deux ouvrages, il travailla à les remplacer par une composition de plus de mérite, et à la reprise du ballet, on vit paraître la comédie du Sicilien. La Pastorale comique, petit acte en vers formant la troisième entrée du ballet des Muses, avait été médiocrement accueillie. Mélicerte, autre pastorale, n'avait pas mieux réussi; Benserade, depuis ce moment, prenait vis-à-vis de l'auteur du Tartuffe et du Misanthrope des airs avantageux qui ne tardèrent pas à lui valoir une bonne et spirituelle leçon à la Molière.

      Molière imagina de composer la comédie des Amants magnifiques, et de mettre à la fin du prologue un compliment en vers dans le genre de Benserade. Il ne s'en déclara l'auteur qu'à Louis XIV lui-même, prévoyant bien ce qui allait arriver. La Cour trouva le compliment charmant, et l'attribua d'autant plus volontiers à Benserade que ce dernier, protégé par un grand seigneur, en acceptait volontiers l'hommage, sans cependant se trop avancer. Dès qu'il vit la petite comédie qu'il jouait à son avantageux confrère assez avancée, que toute la Cour se fut bien extasiée, et que Benserade eut été dûment atteint et convaincu des vers délicieux dont chacun le félicitait chaque jour, Molière s'en déclara publiquement l'auteur. Or, comme il avait pour lui le témoignage du Roi, personne ne put révoquer en doute la vérité de son assertion. Benserade et son protecteur, pris au piége, furent très-mortifiés de cette petite vengeance, qui amusa beaucoup Louis XIV et sa cour.

      Amphitryon, comédie imitée de Plaute, mais supérieure à celle de l'auteur ancien, surtout grâce à l'ingénieux dénouement imaginé par Molière, n'était pas fort appréciée par Boileau, qui critiquait beaucoup les tendresses de Jupiter envers Alcmène. Ce sujet a été traité sur presque toutes les scènes de l'Europe. L'Italie, l'Autriche ont eu leur Amphitryon. Celui représenté à Vienne était une farce assez originale. Jupiter, en lorgnant Alcmène à travers une ouverture faite dans les nuages, en tombe amoureux. Au lieu de courir chez la belle en vrai Dieu qu'il est, il imagine de faire monter près de lui un tailleur auquel il filoute un habit galonné. Il vole ensuite un sac d'argent; une bague, pour les déposer aux pieds de la beauté qu'il adore.

      Deux jeunes femmes causaient de l'Amphitryon de Molière, le lendemain de la première représentation! «Ah! que cette pièce m'a fait plaisir, disait l'une. – Je le crois bien, répondit l'autre, aussi vertueuse que spirituelle; mais c'est dommage qu'elle apprenne à pécher.»

      «J'avais onze ans, dit Voltaire, quand je lus tout seul pour la première fois l'Amphitryon de Molière; je ris au point de tomber à la renverse.»

      Lorsque Molière travaillait à son George Dandin, un de ses amis le prévint charitablement qu'il y avait de par le monde un vrai Dandin qui pourrait bien se reconnaître dans cette comédie, trouver mauvais la chose, et causer à son auteur quelque préjudice, attendu que sa famille ne laissait pas que d'être puissante. Molière répondit à cet obligeant ami qu'il avait raison, mais qu'il connaissait un excellent moyen de conjurer l'orage. Le soir, au théâtre, il va se placer près du Dandin et, tout en causant avec lui, il lui exprime le désir qu'il aurait de lui lire une nouvelle pièce, avant de la mettre à la scène, ajoutant qu'il ne voudrait pas abuser cependant de moments précieux, etc., et tout ce qui se dit en pareil cas. L'autre, flatté au dernier point de la bonne fortune qui lui incombe (car alors avoir chez soi une lecture de Molière était le nec plus ultra de la mode), s'empresse de donner parole pour le lendemain. Il court toute la ville, rassemblant ses amis et connaissances, les invitant à venir entendre Molière. Bref, le brave homme tout hors de lui, ne se tenant pas de joie, trouve la comédie excellente, admirable, heureux d'être le premier à applaudir sa fidèle image, petite comédie dans la grande, et qui dénotait chez Molière une bien réelle connaissance du cœur humain.

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