Histoire Anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Second. Du Casse Albert
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Histoire Anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Second - Du Casse Albert страница 10

СКАЧАТЬ point exigé de vous d'autre remède?

AGNÈS

      Non. Vous pouvez juger, s'il en eût demandé,

      Que, pour le secourir, j'aurais tout accordé.

      De fait, la réticence contenue dans cette scène serait peut-être acceptée difficilement aujourd'hui, où l'on accepte cependant bien des choses, où les mots à double entente sont fort de mise sur le théâtre. Molière le sentit, puisqu'il chercha dans la critique de cette pièce, dont il fit une autre jolie comédie, à pallier ce que cette scène pouvait avoir d'inconvenant.

      Lors de la première représentation de l'École des femmes, le duc de la Feuillade et quelques grands seigneurs qui n'aimaient pas Molière et croyaient montrer, par une critique fort peu intelligente, l'esprit qu'ils n'avaient pas, s'élevèrent contre cette comédie. On raconte qu'un de leurs adeptes, nommé Plapisson, s'écriait à mi-voix du théâtre où il était, en regardant le parterre, chaque fois qu'on riait et applaudissait: – «Ris donc, parterre, ris donc…» comédie dans la comédie qui amusait infiniment le public, et le faisait redoubler ses éclats de rire si désagréables pour Plapisson.

      Des discussions littéraires, comme il s'en engageait beaucoup à cette époque du grand siècle, accueillirent l'École des femmes. On demandait un jour au duc de la Feuillade qui, dans le principe, s'en était déclaré l'ennemi, de formuler ses griefs. – «Ah! parbleu! s'écria le duc, voilà qui est plaisant? peut-on soutenir une pièce où l'on a mis Tarte à la crème? Tarte à la crème est détestable, n'a pas le sens commun, tarte à la crème est odieux;» et l'estimable grand seigneur ne sortit pas de là.

      On sait qu'à la première scène, Arnolphe, expliquant à son frère son système d'éducation pour les femmes, s'écrie:

      Je prétends que la mienne, en clartés peu sublime,

      Même ne sache pas ce que c'est qu'une rime;

      Et s'il faut qu'avec elle on joue au corbillon

      Et qu'on vienne à lui dire à son tour: qu'y met-on?

      Je veux qu'elle réponde: une tarte à la crème,

      En un mot, qu'elle soit d'une ignorance extrême.

      C'était ce fameux «tarte à la crème» du corbillon qui avait si fort révolté le duc. L'histoire, comme l'on pense, fut bientôt connue de tout Paris. La Cour s'en amusa, et Molière s'en empara pour en faire une des bonnes plaisanteries de sa comédie de la Critique de l'École des femmes.

      Le duc, lorsqu'il se vit tourné en ridicule dans cette nouvelle pièce, devint furieux et il inventa un genre de vengeance aussi sot que sa critique. Voyant passer Molière dans un appartement où il se trouvait, il l'aborde, et, saisissant le moment où ce dernier s'incline pour le saluer, il lui saisit la tête, lui frotte le visage sur ses boutons, en lui disant à plusieurs reprises: Tarte à la crème, Molière, tarte à la crème, puis il le laisse la figure ensanglantée. Louis XIV apprit, le soir même, cette stupide action de la Feuillade; il en fut indigné et le lui exprima de la façon la plus vive. Or, à cette époque, lorsque le Grand Roi fronçait le sourcil, les courtisans rentraient sous terre.

      Beaucoup de personnes ont appliqué à Thomas Corneille, qui s'était fait appeler M. de Lille, ces vers de l'École des femmes:

      Quel abus de quitter le vrai nom de ses pères,

      Pour en vouloir prendre un bâti sur des chimères?

      De la plupart des gens c'est la démangeaison;

      Et, sans vous embrasser dans la comparaison,

      Je sais un paysan, qu'on appelait Gros-Pierre,

      Qui, n'ayant pour tout bien qu'un seul quartier de terre,

      Y fit, tout à l'entour, faire un fossé bourbeux,

      Et de monsieur de l'Isle en prit le nom pompeux.

      Molière, ainsi que nous l'avons dit, fit paraître après l'École des femmes, la Critique de l'École des Femmes, jolie petite comédie en prose, en un acte, qui lui fut inspirée par le désir de combattre de front ses ennemis et de les réduire au silence en les couvrant de ridicule.

      La lutte était engagée et cette lutte devait amener sur le théâtre une pièce d'un auteur assez à la mode, Boursault, qui, ayant cru se reconnaître dans le Lisidas de Molière, fit jouer par vengeance le Portrait du Peintre. Dans cette comédie, la vie privée de Molière est mise en scène. Molière, décidé à tenir tête à l'orage, abîma Boursault dans son Impromptu de Versailles et répandit le sarcasme à pleines mains sur ses ennemis intimes, les acteurs de l'hôtel de Bourgogne. Mais revenons à la Critique de l'École des Femmes, jouée en 1663.

      Cette pièce, dialogue en prose plutôt que comédie véritable, est le premier ouvrage connu de ce genre, mis au théâtre. La satire des censeurs y est sanglante et spirituelle. Visé, qui rédigeait à cette époque le fameux journal intitulé le Mercure Galant, essaya de raconter une histoire pour prouver que la pièce n'était pas de Molière, mais de l'abbé Dubuisson; personne n'a cru et ne croit encore à cette fable. Malgré une opposition redoutable et systématique, la Critique de l'École des femmes ne fut pas moins appréciée que la comédie elle-même qui en avait fourni le sujet.

      L'Impromptu de Versailles, représenté d'abord à Versailles devant le roi, en 1663, joué ensuite quelques jours plus tard à Paris, est une jolie pièce en prose et en un acte, composée par Molière dans le but de réduire au silence les comédiens de l'hôtel de Bourgogne, en hostilité flagrante contre lui. Avec un esprit charmant et une convenance parfaite, l'auteur exposa aux yeux du public les défauts des grands comédiens, comme on les appelait alors, mais leurs défauts à la scène, comme acteurs, sans jamais se permettre la moindre allusion à leur vie privée. Il se garda même bien de se conduire vis-à-vis Boursault comme Boursault vis-à-vis de lui. Il se borna à l'attaquer comme auteur. Il faut tout dire, il lui infligea un rude châtiment:

      «Le beau sujet à divertir la Cour que monsieur Boursault, dit-il dans la pièce, s'adressant à mademoiselle de Brie; je voudrais bien savoir de quelle façon on pourrait l'ajuster pour le rendre plaisant, et si, quand on le bernerait sur un théâtre, il serait assez heureux pour faire rire le monde. Ce lui serait trop d'honneur que d'être joué devant une auguste assemblée, etc., etc… La courtoisie doit avoir des bornes et il y a des choses qui ne font rire ni les spectateurs ni celui dont on parle. Je leur abandonne de bon cœur mes ouvrages, ma figure, mes gestes, etc.; mais ils me doivent faire la grâce de me laisser le reste et ne point toucher à des matières de la nature de celles sur lesquelles on m'a dit qu'ils m'attaquaient dans leurs comédies.»

      A un point de vue général, cette pièce, l'Impromptu de Versailles, eut une double utilité: 1o celle de couper court à une guerre de personnes qui tendait à prendre racine au Parnasse après la comédie de Boursault, et qui pouvait s'élever à des proportions et à des personnalités fâcheuses; 2o celle de faire sentir aux acteurs de l'hôtel de Bourgogne les défauts qu'ils avaient à la scène et de les porter à s'en corriger, ce qu'ils firent pour la plupart. La mise en relief du ton faux et outré de leur déclamation chantante se modifia réellement à la suite de la bonne et spirituelle leçon que leur donna Molière.

      La parodie ou critique d'une pièce, la parodie ou critique des artistes chargés d'interpréter les productions dramatiques virent donc le jour, grâce à Molière, dès le milieu du dix-septième siècle. Il rendit par là service à son époque et aux époques à venir, en faisant sentir aux Montfleury et autres qu'il était ridicule d'appuyer sur le dernier vers pour attirer l'approbation, et comme on disait alors, pour amener le brouhaha (les applaudissements); en indiquant à certaines actrices, comme mademoiselle Beauchâteau, СКАЧАТЬ