Histoire Anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Second. Du Casse Albert
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СКАЧАТЬ incroyable est le mot, lorsqu'on pense que tout l'hôtel de Rambouillet se trouvait à la première représentation et applaudit à la critique de ses propres défauts, s'amusa de ses propres ridicules, admira la vérité de la peinture de ses propres et journalières absurdités. L'auteur n'avait pas craint de mettre tout cela en scène avec autant de talent que d'esprit. En sortant de la salle du Petit-Bourbon, Ménage, un des fidèles de la marquise, dit à Chapelain, autre habitué de l'hôtel: – «Monsieur, nous approuvions, vous et moi, toutes les sottises qui viennent d'être critiquées si finement et avec tant de bon sens; mais, croyez-moi, pour me servir des paroles de saint Rémy à Clovis: «Il nous faudra brûler ce que nous avons adoré, et adorer ce que nous avons brûlé.»

      La réputation de Molière s'accrut beaucoup de cette création. On joua la pièce à la Cour, alors aux Pyrénées, et qui lui fit un très-brillant accueil. On prétend qu'à cette nouvelle, l'auteur fut tellement satisfait, qu'il dit: – «Allons, je n'ai plus que faire d'étudier Plaute et Térence, ni d'éplucher des fragments de Ménandre; je n'ai qu'à étudier le monde.»

      On raconte encore dans les Mémoires du temps que pendant la première représentation, un vieillard s'écria du milieu du parterre: – «Courage, Molière, voilà de la bonne comédie!» et qu'à la seconde, la troupe de Monsieur doubla le prix ordinaire des places, ce qui portait celui du parterre à vingt sous.

      Le vieillard des Précieuses ridicules avait bien raison, car c'était la première fois qu'en France on offrait au public le tableau des ridicules. Jusqu'alors on s'était borné, dans la comédie, à mettre sous les yeux du public des événements bizarres, des caractères forcés, des intrigues souvent absurdes. Le succès de cette comédie ne se borna pas à un succès de théâtre, il fut presque un événement social, puisque, grâce à elle, le défaut signalé, dont on se faisait un mérite, fut corrigé et abandonné tout à coup. Que n'avons-nous, de nos jours, un autre Molière, pour faire disparaître ce jargon de mauvais goût qui tend à se populariser, à passer d'un certain monde dans le monde le plus élevé, et qui prend racine jusque sur nos théâtres?

      Une autre réforme, attribuée à la comédie des Précieuses ridicules, fut le changement presque complet opéré dans le goût du public en matière de romans qui étaient alors fort à la mode. Elle discrédita ce genre de livre, au point qu'un des grands éditeurs de cette époque, Jolly, fut, dit-on, ruiné par ce revirement soudain.

      Aux Précieuses ridicules succéda, en 1660, le Cocu imaginaire, en un acte et en vers, charmante petite comédie qui n'eut pas moins de succès que les précédentes compositions de Molière. A la suite de la représentation, un brave Parisien, croyant avoir été pris par l'auteur pour l'original du héros de la pièce, en parla à un de ses amis, en lui disant qu'il ne comprenait pas qu'un comédien eût pu avoir l'audace de mettre en scène un homme tel que lui. – «Parbleu, je vous conseille de vous plaindre! s'écria l'ami; ne vous a-t-il pas peint du beau côté, en ne faisant de vous qu'un Cocu imaginaire. Vous seriez bien heureux d'en être quitte à si bon marché.»

      Le titre de cette pièce qui, au temps de Louis XIV, n'alarmait pas encore les oreilles des femmes les plus chastes, ne serait plus admis de nos jours. Déjà en 1773, un siècle après Molière, on le changea en celui des Fausses alarmes, lorsqu'on voulut jouer cette jolie comédie à Fontainebleau, devant le roi et la Cour. On eût bien fait, ce nous semble, en modifiant le titre, de supprimer aussi un certain nombre de vers, d'une crudité d'expression et de pensée qu'on ne tolérerait plus, comme lorsque Sganarelle s'écrie dans son désespoir:

      Déjà pour commencer, dans l'ardeur qui m'enflamme,

      Je vais dire partout qu'il couche avec ma femme.

      A propos de ce mot de cocu, rayé aujourd'hui du dictionnaire dramatique, et auquel le langage épuré a renoncé également, on racontait, au temps de Molière, une spirituelle saillie d'une bourgeoise, nommée madame Loiseau, et qui passait alors pour une des langues les mieux affilées de Paris. Le roi se l'était fait montrer, et se plaisait à provoquer son caquet lorsqu'il en trouvait l'occasion. L'apercevant, un soir qu'il causait avec une duchesse de sa cour, il dit tout bas à cette dernière de la questionner. On était au beau moment du succès du Cocu de Molière. – «Quel est l'oiseau le plus sujet à être cocu? demande à la gentille bourgeoise la duchesse, qui croit faire preuve d'à-propos et d'esprit. – C'est le duc, Madame,» répondit aussitôt celle-ci. On ne dit pas si le mot tombait juste en cette circonstance; mais, ce qu'il y a de certain, c'est que les rieurs ne furent pas du côté de la grande dame.

      On peut adresser une sorte de reproche à l'auteur du Cocu imaginaire si on se place au point de vue abstrait, c'est celui d'avoir sacrifié aux anciens usages en glissant à travers le dialogue quelques bouffonneries; mais il faut se souvenir que Molière ne pouvait se dispenser de faire la part du goût de l'époque, et qu'il eût peut-être été dangereux pour lui de sevrer complétement son public de certains mots, de certaines situations auxquels ce public n'était pas encore déshabitué.

      Dans le monologue de Sganarelle, par exemple, on trouve ces pasquinades:

      Quand j'aurai fait le brave et qu'un fer pour ma peine

      M'aura d'un vilain coup transpercé la bedaine,

      Que par la ville ira le bruit de mon trépas,

      Dites-moi, mon honneur, en serez-vous plus gras?

      La bière est un séjour par trop mélancolique

      Et trop malsain pour ceux qui craignent la colique.

      C'est tout au plus si on tolérerait ce mauvais jeu de mots au théâtre actuel du Palais-Royal, où cependant le public tolère bien des choses.

      Au mois d'octobre 1660, la salle du Petit-Bourbon ayant été abattue, Louis XIV accorda celle du Palais-Royal, bâtie par Richelieu pour les représentations de Mirame, aux troupes des Italiens et de Molière. Cette dernière y débuta le 4 novembre de la même année.

      Le 4 février 1661, Molière fit jouer Don Garcie de Navarre ou le Prince jaloux, comédie héroïque en cinq actes et en vers. Ce fut son premier échec. Comme auteur et comme acteur, il déplut au public. La pièce tomba à plat et ne fut plus mise au théâtre. Elle ne fut même imprimée qu'après la mort de Molière, qui pensait tellement ne jamais la tirer de l'oubli, que plusieurs scènes furent utilisées par lui dans d'autres pièces. La chute de Don Garcie ranima les espérances d'ennemis nombreux qui ne pardonnaient pas facilement les succès précédents. En tête, s'inscrivaient les acteurs de l'hôtel de Bourgogne. – Molière est épuisé; – son esprit est mort disaient-ils. Visé, qui rédigeait le Mercure galant, s'empressa d'y insérer des plaisanteries, des épigrammes contre l'auteur de la malencontreuse comédie; mais pendant ce temps-là, Molière, incapable de se laisser décourager, composait la belle étude de mœurs de l'École des maris, en trois actes et en vers. Le 24 juin 1661, cette pièce fut jouée en présence d'un concours considérable de spectateurs, qui tous ne venaient pas pour applaudir. Malheureusement pour ceux qui jalousaient Molière, le champ de bataille resta à ce dernier. Il put enregistrer un nouveau triomphe, car de tous les points de la salle du Palais-Royal ce fut, pendant le temps que dura la représentation, un tolle d'admiration, des applaudissements sans cesse renouvelés. Un des détracteurs de Molière prétendit que c'était une pâle copie des Adelphes de Térence. Il se trompait. Le sujet avait été puisé en un joli conte de Boccace, dans lequel une femme éprise d'un jeune homme s'arrange de façon à se donner pour complice involontaire son propre confesseur, qui, sans s'en douter et croyant remplir les devoirs de son ministère, porte les billets doux. Molière, au confesseur, substitue un tuteur ridicule et d'un certain âge, et à la femme mariée, une jeune pupille que l'amoureux a l'intention d'épouser.

      On applaudit beaucoup la tirade de Lisette au premier acte, et ces vers d'Ariste:

      Et СКАЧАТЬ