Barnabé. Fabre Ferdinand
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Название: Barnabé

Автор: Fabre Ferdinand

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ barbe du Frère s’agita, sa bouche s’ouvrit large et profonde comme un gouffre, et il éclata en bruyants éclats de rire.

      – Je sais que vous êtes reconnaissant envers M. le curé, et…

      – Reconnaissant! reconnaissant! interrompit-il, riant toujours… Ah ça! Marianne, soyons de bon compte, s’il vous plaît. Croyez-vous que Barnabé Lavérune, parce qu’il est le Frère le plus propre de la contrée, qu’il occupe l’ermitage le plus beau et le plus en vue de toute la montagne, qu’il a mis un peu de foin dans ses bottes, que son fils étudie dans les horlogeries, à Moret, département du Jura, croyez-vous qu’il ait oublié qu’il y a dix ans à peine il n’était qu’un misérable vannier de la rivière d’Orb? Dieu de Dieu! en ai-je tordu, en mon temps, de ces osiers, pour confectionner corbeilles, paniers, claies à cribler le sable et différentes autres marchandises! Mais M. le curé tenait un œil ouvert sur moi, et comme le travail ne m’avait pas fait abandonner l’église, que je ne manquais aucunement les offices pour aller boire au cabaret, que je laissais les filles à M. Anselme Benoît, il me confia Saint-Michel, avec la permission de Monseigneur… Quelle joie quand j’y pense!.. Et vous voudriez que je fusse capable de refuser un service! Ah! si ma vie pouvait augmenter celle de M. le curé, qui est un saint sur la terre, je la lui donnerais des deux mains.

      – Il ne vous demande pas un si grand sacrifice: il vous demande tant seulement de garder son neveu à Saint-Michel, tandis que moi j’irai voir ce qui se passe chez mon frère, à Eric-sous-Caroux… Vous entendez bien que nous ne pouvons laisser notre enfant ici tout seul.

      Barnabé me caressa les deux joues du bout de ses gros doigts; puis, avec une hilarité débordante:

      – Allons-nous faire des nôtres par là-haut! dit-il. C’est Baptiste qui ne sera pas content, par exemple! Tu me promets au moins de ne pas me le crever dans nos affreuses pierrailles. Un âne, quelque courage à la course qu’on lui suppose, n’est jamais comme un cheval tout de même… Si j’avais un cheval, comme mes confrères des environs enrageraient! Sans compter que je pourrais alors pousser mes quêtes jusque du côté de Saint-Affrique, dans l’Aveyron. Mais un Frère mendiant à cheval, cela occasionnerait du scandale, puis cela ne serait pas selon la règle de saint François… peut-être. Enfin, on verra plus tard avec les économies, quand Félibien sera revenu de Moret, département du Jura…

      – C’est donc une affaire convenue? interrompit Marianne.

      – C’est convenu semblablement à la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur le Calvaire, quand les Juifs se révoltèrent tous contre lui.

      – Vous prendrez bien soin de notre enfant, vous le promettez?

      – Je vous promets qu’avec moi il ne maigrira ni d’âme ni de corps. D’abord je suis gai comme toute une nichée de passereaux, et je chante à bouche-que-veux-tu tout le long de la journée. Au demeurant, vous savez que je m’entends plus que pas un aux chansons, moi! Demandez à Baptiste!.. Voici notre vie: le matin, nous réciterons notre prière à la chapelle, devant la statue de saint Michel. Ah! je l’ai nettoyée, cette pauvre statue si noire! Dans le fait, tout est luisant au nid comme une image… Puis nous déjeunerons avec quatre doigts, peut-être six, de saucisse. C’est de la saucisse de Saint-Gervais. Vous connaissez sa réputation, n’est-ce pas, Marianne? Je l’ai quêtée en janvier, quelques jours après la grande tuerie de cochons qui se fait au carnaval. Aujourd’hui, la coquine vous a un air! On dirait, tant elle est rouge, ferme et fraîche, du saucisson de M. Cœurdevache, le charcutier… Puis nous irons mener Baptiste jusqu’à ma prairie. Il faut bien qu’il pâture à son tour, ce mien ami! Baptiste, encore qu’il soit de petite taille, vous a un appétit à faire reculer les deux mulets de M. Combal. Qu’ils sont beaux ces mulets de M. le maire, des mulets comme on en a au ciel!.. Puis, quand l’idée nous en viendra, à genoux sur le sol, nous chanterons un Adoremus… Puis nous retournerons à l’ermitage sur le coup de midi, où, ayant pris une nouvelle becquée, nous dormirons notre sieste, à la bénédiction du Seigneur! La sieste, tout le monde sait ça, entretient l’homme en force et en vertu… Enfin, dans la vesprée, je raconterai à ce fillot mon voyage à Saint-Jacques-de-Compostelle, une ville de l’Espagne, et mes deux voyages à Rome, la ville du pape et des chrétiens. M. le curé vous a annoncé, sans doute, que j’ai parlé au saint-père, là-bas, dans les Vaticans. C’est vrai tel que vous me voyez, malgré ma mine de loup. Le saint-père – apprenez toujours cela, Marianne, pour votre salut – est un homme grand. Il s’appelle Grégoire XVI. Pour la pâleur, il ressemble à l’hostie consacrée. Mais, malgré sa figure blanche comme sa soutane, car il porte une soutane blanche à pèlerine sans coquilles, il va très bien. Il m’a dit: «Fra Barnabeo, fra Barnabeo.» Puis il ma béni. En ce moment, il me semblait que le bon Dieu en personne me descendait dans l’estomac… Donc, c’est convenu, Marianne, ne vous mettez pas chagrin en tête, nous mangerons bien, nous boirons mieux, nous rossignolerons à plaisir, et saint François fera le reste.

      – Voulez-vous prendre le petit paquet de l’enfant? demanda la vieille gouvernante.

      – J’en prendrai cent paquets, si vous me les donnez, pardi!

      Marianne atteignit sur une chaise un mouchoir à carreaux rouges, dont les quatre coins étaient retenus ensemble par des nœuds.

      – J’ai serré là-dedans, dit-elle, deux chemises, trois paires de bas, un bonnet pour la nuit…

      – Combien de temps comptez-vous séjourner à Eric?

      – De dix à quinze jours environ. Il faut bien dix jours pour voir les vivants et prier sur la tombe des morts. Hélas! j’en ai mis de mon monde au trou, par là-haut dans mon pays!

      – Qui a vie doit avoir mort, répondit philosophiquement Barnabé. Chacun son tour. Tenez, Marianne, c’est comme les lapins qui vont se prendre à mes collets dans les taillis, du côté de Margal. Sont-ils assez maladroits de passer par là! Mais c’est écrit aux Evangiles, le chemin du cimetière est attaché aux pieds des bêtes et des gens. Que voulez-vous? il faut ça, car, encore que la vie soit mauvaise, on se ferait joliment tirer l’oreille pour aller en paradis… Oh! puis, ajouta-t-il en manière de consolation et toussant à ébranler les murailles du presbytère, on a le coffre plus ou moins solide.

      – Jésus-Seigneur! si notre pauvre M. le curé était bien en chair et en os comme vous! gémit Marianne, dont l’âme pleine d’anxiété courait, haletante, après la diligence qui emportait son maître vers les eaux d’Amélie.

      Cette note douloureuse tombant au milieu de ma joie me fit courir un frisson par tout le corps. L’expansion, la gaieté de frère Barnabé reçurent un coup dont elles ne se relevèrent point. Après un moment de silence fort embarrassé, l’ermite ne songea plus qu’à détaler. Il glissa mon paquet sous son bras, puis ouvrit la porte de la cure.

      – Je retourne de ce pas à Saint-Michel, me dit-il; tu m’y trouveras toujours, ainsi que Baptiste. Viens au plus tôt. Les nichées commencent leurs gazouillements dans les amandiers; je vois beaucoup de becs rouges à travers les feuilles nouvelles, et tu jugeras si je m’entends à rôtir à point les brochettes. Ayez sous le gril des braises vives et claires, puis, autour des bestioles, du lard frais… Plus d’une fois tu te lécheras les doigts, pétiot!

      Il descendit quatre à quatre l’escalier de notre perron.

      VII

Marianne fait main basse sur le chocolat de mon oncle, du chocolat de quarante sous!

      Marianne me réveilla dès l’apparition de l’aube.

      – Allons, enfant! appela-t-elle.

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