Barnabé. Fabre Ferdinand
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Название: Barnabé

Автор: Fabre Ferdinand

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ le Frère n’était pas revenu de ses caravanes à Béziers!

      «C’est toujours la bonne idée qui nous arrive la dernière… Mon rouvre, très dur encore que très pliant, avait singulièrement endommagé les volets de la fenêtre basse. Une des planches, mangée aux vers sans doute, était tombée en morceaux sous mes frappements. Par cette brèche, je regardai en l’intérieur de l’ermitage. Quel désordre, ciel du bon Dieu! On eût dit que le diable était passé par là avec toute sa clique de démons. Lit bouleversé et vide, chaises renversées, cruche cassée au milieu de la pièce. – Quand je songe à Saint-Michel, où tout reluit comme la prunelle de mon œil! – Je ne balançai pas une minute, et je donnai un coup de poing dans une vitre en papier. – Quoi, un ermitage si joli, et des vitres en papier aux fenêtres! Ça me fit mal à voir… – L’espagnolette, peu assujettie, céda, et je m’insinuai dans la maison. Je courus de la cave au grenier, tenant, bien entendu, mon rouvre haut levé. Il faut des précautions en ce monde.

      «O mes amis, quelle désolation! L’ermitage était pillé, pillé comme par des voleurs, quand ils ne laissent aux gens que les yeux pour pleurer. Les armoires, ouvertes à deux battants, ne contenaient plus de linge; les tableaux des murailles – j’en avais connu trois dans des cadres dorés représentant: le premier, Notre Seigneur donnant lui-même notre règle à saint François; le second, Notre Seigneur aux Oliviers; le troisième, la Sainte Vierge se promenant, entourée d’anges, sur le plateau de Cavimont, avec sainte Anne, sa mère, – décrochés; les missels où lisaient les curés voisins les jours de procession, emportés. Mon pied heurta sur les dalles quelque chose qui fit du bruit, c’était la clef de la chapelle.

      «Pourvu qu’il ne l’ait pas dévalisée aussi, cet ennemi du bon Dieu! me dis-je.

      «J’y courus.

      «Ah! je pleurerais tout mon soûl, quand j’y pense. Vous savez, monsieur le curé, la couronne toute en diamants, qui valait bien au moins six mille francs, un cadeau de madame la baronne de Serviès à Notre-Dame de Cavimont, au temps où M. Courbezon était curé de Villecelle-Mourcairol, volée. Le tabernacle était entr’ouvert. J’y fourrai l’œil. Le calice d’argent, le saint-ciboire d’argent, l’ostensoir d’argent, volés. Volées aussi les croix d’honneur que des malades dévots, anciens soldats de Napoléon guéris par Notre-Dame, lui avaient baillées en reconnaissance. Volés encore tous ces cœurs en or massif qui pendaient aux gradins de l’autel, présents de personnes pieuses et pénitentes. Ce misérable Venceslas, ce Polonais enragé, n’avait oublié aux murailles de la chapelle que les béquilles des boiteux redressés par la Sainte Vierge. Au fait, il avait laissé aussi, derrière la tribune du fond, quelques bandages déposés là par ces gens qui ont des maladies au bas-ventre…»

      – Barnabé! murmura mon oncle, le regardant.

      – Enfin, reprit-il, se frottant les mains, je vous ai raconté de fil en aiguille le commencement et la fin du mauvais coup de Venceslas Labinowski.

      – C’est vous alors qui avez prévenu la gendarmerie? lui demanda mon père.

      – Je vous promets qu’une fois toutes ces abominations vues de mes yeux, je ne me suis pas amusé à ferrer des cigales sur le rocher de Cavimont. Je suis monté au galop vers la ferme de l’Olivette, où demeure le maire d’Hérépian, commune de laquelle dépend l’ermitage. M. Baticol, encore que malade d’une enflure aux jambes, était à ses étables, en train de panser ses moutons qui ont le piétin. Je lui ai baillé la chose toute fraîche. J’en ai dit autant deux heures après à M. Combal, notre maire des Aires, et ce sont eux qui, hier au soir, sont venus prévenir le brigadier de gendarmerie.

      – En vérité, dit mon père, ce Venceslas me paraît un coquin des plus audacieux. Mais que va-t-il faire de tous ces objets volés?.. Allons, il ne sera pas trop difficile de le prendre.

      – Ce ne sera pas toujours le gendarme que nous avons rencontré tapi dans la haie de la grange de M. Lautrec qui le prendra, intervint M. Anselme Benoît.

      – Faut-il être dépourvu de sens et de ruse! s’écria Barnabé; la gendarmerie se porte sur la route d’Hérépian, comme si Venceslas devait aujourd’hui venir à la foire de Bédarieux. C’est à Béziers, à Montpellier, à Marseille, à Toulon, dans les villes où il y a des femmes de méchante conduite, qu’il faut aller traquer ce brigand.

      – La misère l’obligera bien à se débarrasser de son butin, reprit mon père. Or, il ne sera pas commode dans nos pays de trouver à vendre un calice, un ostensoir, un saint-ciboire…

      – Et les Juifs donc, ces assassins du bon Dieu! interrompit l’ermite de Saint-Michel.

      – O Seigneur! soupira mon oncle, qui sait si le saint-ciboire ne contenait pas des hosties? Quelle profanation épouvantable, le corps de Jésus-Christ aux mains de ce scélérat! Peut-on songer à cela sans frémir…

      Il se signa dévotement. Ma mère, Barnabé et moi nous l’imitâmes.

      – Dois-je servir le café, monsieur? demanda Marion, entr’ouvrant la porte de la cuisine.

      – Surtout qu’il soit bien chaud! lui répliqua mon père.

      IV

A Saint-Michel, l’argent du tronc est comme la glu, il se colle aux doigts de l’ermite

      Je respirai. Dieu merci! je n’étais pas dans l’affaire. Égoïsme des enfants! dans le contentement que j’éprouvai, Venceslas Labinowski, ce Venceslas Labinowski que j’avais tant aimé, je l’abandonnais sans regrets à la gendarmerie, je l’eusse abandonné au bourreau. Peut-être, aujourd’hui même, agrippé au fond de quelque réduit de la montagne, allait-il traverser la ville, les menottes aux poignets. Oh! je ne serais pas le dernier, quand il passerait devant notre porte, à lui crier avec tout le monde:

      – Voleur, voleur, tu n’es qu’un voleur!

      J’osai relever la tête, que j’avais tenue penchée tout le temps du récit de Barnabé. Il fallait voir avec quelle volupté, à la fois complaisante et sérieuse, l’ermite de Saint-Michel, après avoir par un signe invité Marion à lui remplir de café et la tasse et la soucoupe, humait le moka brûlant! Dans sa longue fréquentation des ecclésiastiques, gens qui officient à la table comme à l’autel, le Frère avait fini par prendre quelque chose de leurs manières graves, cérémonieuses, apprêtées.

      – C’est bon! répétait-il à chaque gorgée, en se caressant l’estomac de sa large main étendue, c’est très-bon!

      Une fois, sa langue claqua bruyamment. Mais mon oncle fit les gros yeux, et cet homme exubérant de sève et de vie, qui ne demandait qu’à se répandre en gestes, en paroles, en démonstrations de toute sorte, courba le front et demeura coi.

      Pour moi, je m’ennuyais horriblement, et j’aurais voulu partir. Comment m’y prendre pour déserter cet interminable repas? Deux fois, sous la table, je pressai le genou à ma mère, essayant par ce contact de l’initier aux longues angoisses de mon martyre. Mais ma mère, occupée à faire fondre un énorme morceau de sucre dans un petit verre de carthagène, liqueur du crû que M. Anselme Benoît permettait à mon oncle, n’entendit pas mon appel ou feignit de ne pas l’entendre.

      Cependant il s’en allait deux heures, et c’était à trois heures que devait avoir lieu, en plein Planol, le combat des ânes et des chiens. Comment ne point assister à cette lutte unique, si terrible, si solennelle, moi qui n’en manquais aucune, ni les jours de foire, ni les jours de marché! Les Catalans me connaissaient bien avec ma blouse trouée aux coudes, mon pantalon poussiéreux aux СКАЧАТЬ