Barnabé. Fabre Ferdinand
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Barnabé - Fabre Ferdinand страница 10

Название: Barnabé

Автор: Fabre Ferdinand

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ encoignures par des lamelles de tôle épaisses, le couvercle hérissé de crins rudes comme le dos d’un porc-épic. Une grosse corde l’étreignait étroitement.

      – Tout y est-il? demanda mon oncle, préoccupé.

      – Voyons, répondit Marianne, comptant sur ses doigts: votre soutane neuve de drap du Nord, votre ceinture à glands de soie des grandes fêtes, deux rabats de fin mérinos, vos souliers à boucles d’acier, six paires de bas, quatre chemises, une étole, un surplis…

      – Et ma calotte?

      – Elle est si sale!

      – N’importe, il me la faut, mettez-la.

      – Que je la mette! Y pensez-vous, monsieur le curé? Tenez, regardez-la.

      Et la gouvernante, par un geste dépité, saisissant sur un meuble un petit couvre-chef en cuir bouilli, dont l’usure et la crasse avaient à la longue effacé les côtes élégantes des premiers jours, le fit passer sous les yeux de son maître.

      – Comment, vous oseriez?..

      – Je la veux.

      – Elle n’est plus bonne que pour Barnabé.

      – Je vous répète, Marianne, que je la veux!

      – Et si vous rencontrez quelque évêque dans ce pays où vous allez, vous présenterez-vous devant lui avec?..

      – Un évêque! murmura mon oncle levant ses deux bras et les laissant retomber aussitôt… Miséricorde! un évêque…

      – Croyez-vous que le bon Dieu épargne les évêques plus qu’il ne vous a épargné? Cela ne serait pas dans la justice, et le bon Dieu est plus juste que les hommes, heureusement. Allez, vous en verrez plus d’un Monseigneur geignant et toussant à faire pleurer comme vous… C’est décidé, vous achèterez une autre calotte dans les villes, puisque aussi bien vous devez traverser beaucoup de villes avant d’arriver à ces eaux de M. Anselme Benoît… Jésus-Maria! est-il possible? aller boire de l’eau dans des montagnes plus hautes et plus froides que nos Cévennes, quand je fais de si bonnes tisanes, moi!

      – Elles ne m’ont pas guéri, vos tisanes!

      – Mais elles vous guériront… Je suis bien sûre que si, au lieu d’un morceau de sucre, j’en mettais deux dans votre tasse…

      – Non, non, il faut partir, articula mon oncle d’un ton stoïque.

      La vieille gouvernante considéra son maître avec une sorte de stupeur.

      – Eh bien! partez, puisque ma tête ne sait rien trouver qui vous retienne, dit-elle d’une voix qu’elle essayait de rendre ferme, mais au fond de laquelle on devinait des larmes contenues. Apprenez pourtant que, vous voyant aller en voyage, moi aussi je vas m’encourir à travers routes, comme vous. Vienne Notre-Dame d’août, il y aura vingt-cinq ans que je n’ai bouté pieds hors des Aires, toujours à votre service et à votre soumission. Peut-être serait-il séant, à la fin des fins, d’aller voir un peu si mon pays natal n’a pas changé de place. J’ai enterré presque tous les miens, c’est vérité, et là-haut des tombes tant seulement m’attendent. Néanmoins cela, il me reste un frère encore du côté d’Eric-sous-Caroux…

      – Mais, Marianne, si vous partez pour Eric, que deviendra notre enfant, tout seul, à la cure?

      Et mon oncle arrêta sur moi des yeux attendris.

      – Notre enfant?.. notre enfant?..

      – Songez que je ne resterai pas moins de vingt jours absent.

      – Vingt jours, ciel du bon Dieu, vingt jours! Ah ça! et si vous avez besoin de quelque chose dans ce pays des grandes montagnes? demanda-t-elle avec une vive inquiétude.

      – Je n’aurai besoin de rien.

      – Hélas! moi, je suis sur l’âge, j’ai soixante-deux ans bien comptés, mais le jarret est bon, et si la maladie vous tourmentait plus fort, vous me le feriez dire au moins par le facteur de la poste… Il y a un facteur, je pense, dans ce pays comme chez nous… Surtout ne vous tracassez pas les idées pour le chemin. Elles sont bien loin, ces sources de la médecine, puisque M. Anselme Benoît avoue que, de là, on touche l’Espagne de la main. Malgré tout, avec mon bâton et l’aide du bon Dieu, je finirai bien par arriver…

      Sa voix était devenue chevrotante.

      – L’Espagne!.. Aller à la porte de l’Espagne! marmotta-t-elle en se laissant tomber sur le perron du foyer.

      Mon oncle, en proie d’ailleurs à un accablement profond, sentit toute résolution l’abandonner. N’osant regarder sa gouvernante, en train de s’essuyer les yeux, il se tourna de mon côté.

      – Mon enfant, me dit-il, si Marianne part pour Eric, tu iras demeurer jusqu’à son retour chez notre voisin, M. Anselme Benoît. M. Benoît t’aime, il te gâte même; tu te trouveras on ne peut mieux dans sa maison. Du reste, il va venir, et je le préviendrai.

      J’étais consterné. Ce grand M. Anselme Benoît, sévère et dur, avec sa redingote longue, son large chapeau, sa barbe qui lui avait dévoré le visage jusqu’aux yeux, ses lunettes vertes et rondes comme des pièces de deux sous, en dépit de quelques caresses distribuées par-ci par-là en courant, m’avait toujours un peu effrayé. Je regardai piteusement Marianne. Mon regard était un appel, il criait: «Sauvez-moi! Sauvez-moi!»

      – Mais, monsieur le curé, intervint la bonne gouvernante, flairant mes secrètes angoisses, notre pétiot va bien s’ennuyer avec un médecin qui, les trois quarts du temps, court dans la montagne après ses malades, et, durant l’autre quart, a le nez fourré dans les livres de son métier. Encore si M. Anselme Benoît était marié, s’il y avait une femme chez lui; mais on raconte…

      – Marianne!

      – Oui, on raconte qu’il court après cinquante jupons à la fois, quand il serait si honnête d’en tenir un tant seulement à la maison. Au fait, interrogez Barnabé.

      – Marianne! s’écria mon oncle avec un effort pour grossir sa voix.

      – Enfin, je tais ma langue. Mais mon avis est que nous ne pouvons abandonner notre enfant en de pareilles mains.

      – Où voulez-vous alors, si vous persistez à aller voir votre frère, que je laisse mon neveu? Vous savez bien que ses parents habitent, en ce moment, à plus de vingt lieues des Aires, et que le temps me manque pour entreprendre un voyage à Lunel.

      Il se tourna vers moi.

      – Veux-tu aller demeurer chez M. Combal? me demanda-t-il.

      – Chez M. le maire? répondis-je, implorant plus que jamais la vieille gouvernante de mes deux yeux suppliants.

      – Préfères-tu attendre notre retour chez les Garidel? insista mon oncle. Simonnet Garidel est un ami pour toi…

      – Oh! il a vingt-deux ans, et je n’en ai que douze, murmurai-je.

      – Et pour quelle raison, monsieur le curé, courir chercher si loin ce que vous avez sous la main? s’écria tout à coup Marianne. Que le bon Dieu vous bénisse! Qui vous empêche de confier l’enfant à Barnabé? СКАЧАТЬ