Название: Barnabé
Автор: Fabre Ferdinand
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
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IX
Au moment où je trempais le fin bout de ma plume dans l’encrier, le Frère me retint le bras.
– Voici la chose tout uniment, mon garçonnet, me dit-il. C’est le fils Garidel qui voudrait se marier à la fille de M. Combal, le maire. Cet enfant a vingt-deux ans, il est donc en force de jeunesse; mais s’il ne porte pas deux tondus et un pelé dans sa besace, il ne s’en faut guère, tandis que la fillette possède du bien au soleil, elle. Oh! ces Combal, c’est riche comme la mer. Simon Garidel fut, lui aussi, notre maire dans les temps de Charles X; malheureusement, il eut des pertes, entreprenant de grosses affaires sur les osiers, et il dut laisser l’écharpe à un autre. Pour un brave homme, c’est un brave homme, franc comme l’or et honnête comme le bon Dieu… Quel dommage que tout le saint-frusquin des Garidel ne vaille pas vingt mille francs, quand les Combal ne savent pas ce qu’ils ont!.. Tu comprends, de cette différence dans leur fortune naissent journellement des discussions entre les deux pères. Moi, je crois que si l’affaire dépendait tant seulement de M. Combal, elle serait bientôt bâclée, car il n’est pas porté sur les écus, notre maire; puis il aime Simonnet, lequel est un garçon robuste et plein de vaillance. Mais la Combale est là, et, quand il s’agit de ne point laisser s’éparpiller les sous, elle a des griffes partout, cette vieille: aux pieds, aux mains et à la langue principalement. L’autre jour, en ma présence, comme son mari revenait encore aux Garidel, ne lui a-t-elle pas jeté mille paroles insolentes au visage, l’accusant de lui manger son bien, et, pour marier Liette, de vouloir la réduire à la besace et au bâton! Ah! si ma défunte, à l’époque déjà ancienne où je vivais en ménage, se fût avisée de m’envoyer pareils lardons à la face, quelle danse, avec accompagnement d’amarines en guise de tambourin!..
– Et Juliette Combal, que dit-elle de cela?
– Liette! elle pleure et ne souffle mot.
– A sa place, je ne pleurerais point, et j’épouserais Simonnet.
– A la bonne heure! s’écria Barnabé content. Tu seras un homme, toi, fillot, je vois ça. Tu as raison: en ce monde, on doit en faire à sa tête, surtout quand l’amitié se met de la partie et vous fait cabrioler le sang dans l’estomac.
Après une interruption de quelques minutes, il ajouta:
– Simonnet est venu me trouver hier au soir; il était pâle comme l’écorce du bouleau et des larmes noyaient ses prunelles. J’ai pensé que Dieu l’aiderait en besogne amoureuse si je lui donnais une de mes chansons pour la chanter, la nuit, selon l’usage de chez nous, sous la fenêtre de sa belle, en compagnie de Braguibus. Mes chansons ayant porté bonheur à d’autres, pourquoi n’en irait-il pas de même pour le jeune Garidel? Il me comptera cinq francs, vingt sous par couplet. C’est convenu entre nous.
Les branches des taillis penchées sur nos fronts s’agitèrent soudain, les arbres eux-mêmes secouèrent leurs panaches de petites feuilles clair-semées, que la séve nouvelle – elle monte lentement aux troncs des chênes – vivifiait goutte à goutte. Entre le Frère et moi, passa la longue tête noire de Baptiste.
– A-t-on jamais vu bête plus curieuse! s’écria l’ermite, riant à gorge déployée. Il faut qu’elle fourre son museau partout.
Puis, s’adressant à Baptiste:
– Eh! que te font, à toi, qui vas à quatre pattes, les amourettes de Simonnet Garidel et de Liette Combal? Réponds, grand Nicodème, si tu l’oses.
L’âne, interrogé, se mit à braire bruyamment. Barnabé rit de plus belle, et je ne me fis pas prier pour l’imiter.
– Il n’existe pas de bourriquet plus esprité en toute création du bon Dieu, dit le Frère regardant Baptiste d’un œil attendri. Du reste, c’est moi qui l’ai éduqué, et l’on sait dans nos montagnes combien je m’entends aux animaux. S’il m’était arrivé, comme à ton oncle ou comme à toi, de pratiquer les écoles, je serais devenu un flambeau de sapience. Mais on était vannier chez nous, et, au lieu de m’envoyer aux livres des savants, mon père m’envoyait aux oseraies de la rivière, en m’allongeant des coups de houssine sur le dos. J’étais mauvais sujet, paraît-il, étant petit. Je me suis bien amendé tout de même au long des années. Cela ne veut pas dire que je sois encore aussi sage que saint Michel, lequel, toute sa vie, n’eut qu’une idée en tête: tuer le Démon pour faire plaisir au bon Dieu. Et la preuve que je ne suis pas toujours le droit sentier de la perfection, où saint François marcha sans broncher, c’est que, ton oncle m’ayant défendu de travailler aux chansons, j’y travaille tout de même. Que voulez-vous? malgré qu’on en ait, il faut que le naturel se montre… Ah! puis c’est si joli, une chanson! ça sonne si doux à l’oreille et au cœur, quand Braguibus l’accompagne du fifre ou de la voix… Tu vas en juger.
Baptiste, autour de nous, broutait négligemment des touffes de sauge, de mauve, de pimprenelle…
– Écoute, toi, mon Baptiston, dit-il. Cela t’instruira toujours un brin.
Baptiste leva la tête, puis, à ma très grande surprise, s’accroupissant dans l’herbe, arrêta sur nous ses yeux, où l’on eût cru voir luire de vagues pensées.
Je trempai vivement la plume dans l’encrier tout grand ouvert. Barnabé avait repris son attitude recueillie.
– M’y voici, dit-il.
Il s’arrêta court. Puis, s’étant à plusieurs reprises tapoté le front avec les phalanges noueuses de sa main droite:
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