Les protestants à Nimes au temps de l'édit de Nantes. Boulenger Jacques
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СКАЧАТЬ Il charge le sieur de Saint-Cézary de prévenir le conseil de ville de la difficulté que présentent la levée des rôles et l’entretien du ministère; il ordonne de poursuivre rigoureusement «ceulx quy doibvent d’argent des bénéfices pour le payement» des pasteurs373; le receveur déposera le compte de ce que les ministres ont reçu sur leur assistance374; enfin, ceux qui refuseront de payer seront traînés devant le juge criminel375. Malgré tout, en juillet, il reste dû encore tellement d’argent aux pasteurs que l’un d’eux, Falguerolles, prévient le consistoire qu’il s’en plaindra au colloque376. Quelques mois plus tard, il mourait377 sans avoir jamais pu toucher les 200 écus qui lui étaient dus378.

      Ainsi la ville de Nîmes ne pouvait arriver à fournir les sommes nécessaires à «l’entretien de l’église». S’il en était ainsi dans la plus riche et la plus puissante ville du colloque, on imagine ce qui se passait dans les autres. Les assemblées sont remplies par les querelles d’argent des pasteurs et des consistoires. D’ailleurs, que pouvait-on sur les fidèles? La Discipline autorisait les colloques et les synodes à procéder par des censures ecclésiastiques contre les églises coupables d’«ingratitude» envers leurs ministres et à aller même jusqu’à les priver du culte. Cette peine grave, la seule efficace, on peut le dire, pouvait bien être prononcée contre des églises de peu d’importance379, mais comment l’appliquer à des villes comme Nîmes, exposée aux influences catholiques et où les fidèles se trouvaient livrés aux «séductions» des prêtres et des jésuites? Nous verrons que les pasteurs combattaient ces influences à grand’peine. Ceux d’Alais, réclamant au synode leur ministre Ferrier qui leur avait été emprunté pour quelque temps, se plaignent que «plusieurs de la Religion, se voyantz sans preche, seroient alez au sermon de Rhodes, jésuite380». On juge de ce qui se serait passé dans les mêmes conditions à Nîmes, où le consistoire se trouve forcé de sévir à chaque instant contre des fidèles et même contre des proposants381, qui ont été «ouyr» le P. Coton.

      Aussi ne songeait-on pas à appliquer de peines aussi radicales, ni même à appliquer aucune peine. En voici la preuve. Un synode de 1594 avait ordonné que les diacres et anciens ne pourraient quitter leurs charges avant d’avoir «satisffait à l’entretainement des ministres382». Conformément à cette décision, on voit, en janvier 1597, le consistoire de Nîmes s’engager à ne pas se séparer avant d’avoir soldé «ce que restera des gaiges deubz à MM. les pasteurs383». Cependant, le 9 décembre, il décide de procéder à la nomination des anciens pour l’année suivante. Les pasteurs en appellent «d’aultant qu’ilz ne sont payés de leurs gaiges384»; mais le consistoire nouveau n’en remplace pas moins tranquillement le «vieux», et le règlement reste inappliqué.

      La municipalité payait une pension à l’église, destinée notamment à l’entretien des proposants. C’était, d’ailleurs, assez peu de chose et insuffisant à sortir le consistoire de peine: en 1598, la pension se monte à 86 l. 15 sols385. Elle était levée par un exacteur des tailles386 et portait sur tous les habitants, même les catholiques387. De plus, le gouvernement communal aidait les anciens à poursuivre le payement des impositions faites pour le ministère388. Son intervention fut autorisée par l’édit de Nantes qui donna le droit aux consistoires de citer en justice les huguenots se refusant à payer leur taxe389.

      L’église de Nîmes se résolut à employer ce moyen en février 1599390. Il ne paraît pas qu’elle en ait obtenu des résultats excellents, si l’on on juge par les plaintes et les menaces de Falguerolles en juillet 1599391 et de Moynier en mai 1600392, qui contraignirent le consistoire à faire des emprunts onéreux pour fournir quelque argent à ses ministres393. C’était encore un moyen inefficace. Les pasteurs durent se résigner à n’être pas payés.

      IV

      L’AUTORITÉ DU CONSISTOIRE SUR LES FIDÈLES

      Lutte du consistoire contre l’influence catholique. «Superstitions». La tradition catholique.

      Les «vices» qu’il combat: La «paillardise». Adultère et divorce. Enquêtes de mœurs. La «coquetterie». Les censurés mécontents.

      Son intervention dans les querelles de ménage. Les bancs du temple. Réconciliations.

      Plaisirs permis. Spectacles et jeux défendus. Le repos du dimanche. Fêtes de corporations. La danse interdite. Les «charivaris».

      Dénonciations. Police consistoriale.

      Citations à comparaître; retards à s’y rendre. Enquêtes. Peines décrétées; leur application. Les nobles et les notables. Entente des consistoires pour la police.

      Tout consistoire devait faire respecter par les fidèles la Discipline ecclésiastique. Il faut entendre par là l’ensemble des règles suivant lesquelles se gouvernait l’église réformée. Ce règlement, élaboré peu à peu par les synodes nationaux, n’a reçu sa forme définitive qu’au XVIIe siècle394. Il régit le fonctionnement des assemblées ecclésiastiques, les cérémonies du culte, et donne aux fidèles des règles précises de conduite. Or, le consistoire de Nîmes, chargé de faire appliquer la Discipline, a, par cela même, le devoir de surveiller étroitement la vie de ses subordonnés. Il cite à comparaître devant lui ceux qu’il estime avoir enfreint le règlement; il les juge, puis les condamne, s’il y a lieu. On voit quelle autorité peut lui donner cette juridiction sur la doctrine et les mœurs de chacun. Ses décisions sont sanctionnées par celles des colloques et des synodes qu’il contribue à former et qui agissent dans le même sens et dans le même esprit que lui. Ainsi se forme l’unité de la morale et de l’esprit protestants.

      Les articles de la Discipline promulgués avant 1598 semblent avoir comme but principal de combattre l’influence catholique et d’empêcher que les fidèles retombent dans «l’idolâtrie». L’on craint que le peuple ne soit emporté par son amour des cérémonies et par l’habitude des fêtes traditionnelles de l’église romaine. Aussi la Discipline lutte-t-elle de toutes ses forces et non sans peine contre les «superstitions».

      Au sujet des enterrements, par exemple, le consistoire et les synodes doivent intervenir continuellement. En 1597, on démontre en chaire qu’il faut se garder de «ses seremonies et superstitions quy commensent de glisser parmy nous comme en l’esglise romaine… comme de fere marcher des hommes vestus de drap au-devant du corps et d’user de tant de fassons au convoy de l’enterrement395». Il est encore défendu de faire porter un «flambeau ardent396», ou, «au grand escandalle de plusieurs», d’employer des pleureuses397, de faire «donner l’advertissement de la sépulture» par des veuves vêtues de noirСКАЧАТЬ



<p>373</p>

Délib. du 20 janvier 1599 (fo 260).

<p>374</p>

Délib. du 20 janvier 1599 (fo 261).

<p>375</p>

Délib. du 24 février 1599 (fo 267). – C’était grâce à l’édit de Nantes que de pareilles poursuites étaient possibles en vertu de l’art. 43 secret (Anquez, Assemblées politiques, p. 494).

<p>376</p>

Délib. du 28 juillet 1599 (fo 295).

<p>377</p>

V. l’appendice sur les Pasteurs de Nîmes.

<p>378</p>

Sa mère réclame au consistoire 200 écus qui restent dus sur les gages de son fils (Délib. du 13 juin 1601, fo 418).

<p>379</p>

Ainsi Aujargues et Villevieille sont privées de leur ministre Bansillon par le colloque du 16 août 1598, pour ne l’avoir pas payé et jusqu’à ce qu’elles l’aient payé. (Dires par écrit devant les commissaires exécuteurs de l’édit de Nantes en 1664; Arch. nat., TT, 23218).

<p>380</p>

Syn. prov. d’Uzès, séance du 17 mars 1600 (Arch. du consist. de Nîmes, A, 10, fo 45 vo).

<p>381</p>

V. ci-dessous, chap. VI.

<p>382</p>

Frossard, Recueil de règlements, art. 48.

<p>383</p>

Délib. de 10 décembre 1597 (loc. cit., fo 200).

<p>384</p>

Délib. du 9 décembre 1598 (fo 250).

<p>385</p>

Le consist. fait mandement de 3 l. à son avertisseur «pour les poursuittes par luy fettes et droit de leveure de l’argent deub par la ville pour l’entretenement des escolliers proposans». (Délib. du 12 juin 1596, fo 95). – V. ci-dessus, p. 20.

<p>386</p>

Jean Gril, «ancien et recepveur des deniers du menistère» en 1598, se présente au consist. le 26 janvier 1600 et expose qu’«il a faict recepte en ses comptes de la somme de 86 l. 15 solz pour la pention annuelle que la présente ville faict à l’église et pour lad. année 1598… l’ayant payée comme exacteur des talhes et au nom des consulz». On lui en donne décharge «pour luy servir d’acquit… envers MM. les consulz» (fo 322).

<p>387</p>

V. le cahier de plaintes des catholiques de Nîmes, présenté aux commissaires de l’édit de Nantes, répondu le 22 février 1601; art. 9e (Arch. du Gard, G, 446).

<p>388</p>

Le 19 décembre 1599, les consuls proposent au conseil de ville que le consistoire le prie de s’occuper officiellement de confectionner les rôles et de faire la levée des impositions destinées au payement des pasteurs; le conseil décide de prendre auparavant l’avis des magistrats (Arch. comm. de Nîmes, LL, 15, fo 90). – Le 25 novembre 1601, il députe des gens «califfiés» pour dresser «l’estat de lad. imposition par cappitation sur ceulx de la religion refformée tant seulement» (Ibid., fo 229 vo). – Cette décision est confirmée en conseil extraordinaire le 3 décembre 1601 (Ibid., fo 236 ro).

<p>389</p>

L’art. 43 secret permet aux réformés de «s’assembler devant le juge royal et, par son authorité, égaler et lever sur eux telles sommes de deniers qu’il sera arbitré estre nécessaire, pour estre employez pour les frais de leurs synodes et entretenement de ceux qui ont charge pour l’exercice de leurd. religion… et seront les taxes et impositions desd. deniers exécutoires, nonobstant oppositions ou appellations quelconques» (Anquez, Assemblées politiques, p. 494.)

<p>390</p>

Délib. du 24 février 1599 (Arch. du consist., B, 90, t. VII, fo 267). Le 13 janvier 1599, le consistoire avait décidé de faire une «assemblée pour pourvoir à l’exécution de l’imposition des deniers ordonnés par le Roy pour l’entretenement de MM. les pasteurs» (fo 259).

<p>391</p>

Il menace de se plaindre au colloque si on ne lui pave pas ce qui lui est dû (Délib. du 28 juillet 1599, fo 295).

<p>392</p>

Il prévient le consistoire que si on ne lui solde ses gages, il va s’en aller à Marvéjols «quérir d’argent pour le mariage de sa fillie» (Délib. du 10 mai 1600, fo 347).

<p>393</p>

Le 24 mai 1600, il décide d’emprunter 600 l. pour payer les arrérages de Chambrun et de Moynier (fo 350). – Le 17 janvier 1601, «attandu les arreyrages deubz aux pasteurs et leur nécessité, et qu’il est notoire qu’il n’y a aulcung argent ez mains du recepveur», il conclut à l’emprunt de 300 l. payables à six mois (fo 389).

<p>394</p>

Ch. – L. Frossard, Étude historique et bibliographique sur la Discipline des Eglises réformées. – Outre la Discipline générale, œuvre des synodes nationaux et codifiée en 1666 par d’Huisseau, il existe des recueils de décisions de synodes provinciaux. V. pour le Bas-Languedoc un Recueil de règlements extr. des actes des synodes provinciaux… publ. par le pasteur Ch. – L. Frossard.

<p>395</p>

Délib. du consist. de Nîmes, du 16 septembre 1597 (Arch. du consist., B, 90, t. VII, fo 193).

<p>396</p>

Délib. du 16 octobre 1596 (Ibid., fo 131).

<p>397</p>

Délib. du 18 décembre 1601 (fo 448).