La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
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Читать онлайн книгу La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1 - Alcide de Beauchesne страница 7

СКАЧАТЬ 1757, le comte d'Artois, qui fut Charles X;

      En 1759, Marie-Clotilde, qui fut reine de Sardaigne;

      Et enfin, en 1764, notre Élisabeth.

      La naissance successive de ces enfants avait resserré de plus en plus les liens du Dauphin et de la Dauphine. L'étude même que ces deux nobles cœurs avaient faite l'un de l'autre avait donné quelque chose de plus profond à leur affection: leurs sentiments, leurs goûts, étaient devenus les mêmes, et l'on peut dire qu'ils vivaient de la même vie. La perte qu'ils firent, au mois de mars 1761, du duc de Bourgogne, l'aîné de leurs quatre fils et l'héritier présomptif de la couronne après le Dauphin, avait sanctifié par les larmes une union déjà éprouvée par le temps. Ce jeune prince, d'un naturel violent et hautain, mais que l'éducation avait dompté, annonçait des qualités extraordinaires, un caractère et une instruction tels qu'on n'en avait jamais vu dans un enfant de cet âge: il succomba aux souffrances les plus douloureuses, supportées avec le courage le plus magnanime. La France s'associa aux regrets de sa famille, et Le Franc de Pompignan fit l'oraison funèbre du royal enfant, en disant que «dans un âge aussi tendre il avait rempli sa carrière en homme; que sans être parvenu au trône, il s'était montré digne de régner; que sans avoir fait de grandes choses, il avait été un grand prince; qu'il avait souffert en héros et qu'il était mort comme un saint.»

      Plus que jamais retenu dans sa demeure par le chagrin, le Dauphin s'occupa de l'éducation de ses enfants. Les devoirs d'un père envers ses enfants avaient à ses yeux un caractère sacré, et il les remplissait avec un zèle infatigable. «Si l'obscur citoyen, disait-il, doit rendre compte à son pays de la conduite de ses enfants, combien davantage doit satisfaire à cette dette celui dont les fils gouverneront un jour l'État! Il faut que j'en fasse des hommes, pour que plus tard ils deviennent des princes; toute négligence de ma part à cet égard serait un crime, comme au contraire chaque vertu que je leur inspirerai sera un bienfait pour la patrie, puisque je suis responsable envers la postérité de tout le mal qu'ils pourront faire et de tout le bien qu'ils ne feront pas.» On comprend avec quelle ardeur scrupuleuse un prince guidé par de pareils principes s'occupait de l'éducation de ses enfants. Il tenait surtout à leur infiltrer dans le cœur cette bonté compatissante qui honore et distingue les princes généreux et cléments. Il recommandait à leur gouverneur et à leurs précepteurs de les conduire souvent dans la demeure du pauvre. «Montrez-leur, disait-il, ce qui peut les attendrir; qu'ils voient le pain noir dont se nourrit le malheureux; qu'ils touchent de leurs mains la paille sur laquelle il couche; qu'ils apprennent à pleurer. Un prince qui n'a jamais versé de larmes ne peut être bon.»

      Un mémoire imprimé en 1778, et attribué à un célèbre ministre d'État, détracteur et ennemi déclaré du Dauphin, présente sur ce prince une étrange critique, en lui reprochant d'avoir un caractère polonais. Quand il est question d'apprécier sérieusement les qualités et les vices des hommes et particulièrement des princes, on devrait, ce semble, au lieu de prendre pour règles les coutumes et les préjugés des cours, s'élever aux grands principes de morale et d'honneur qui sont les immortels flambeaux de la conscience humaine. Ce caractère polonais, que le Dauphin tenait de sa noble mère Marie Leckzinska, n'était au fond que l'amour de la vertu et l'horreur du vice. Il eût été à souhaiter pour la France et la monarchie que toute la Cour de Louis XV eût imité le prince qu'on insultait d'en bas, faute de pouvoir s'élever jusqu'à lui. Il n'est ni dans mon sujet ni dans mes intentions de chercher à diminuer le mérite de M. de Choiseul ou à surfaire le mérite du Dauphin; mais il me sera permis de dire que tous les hommes sensés n'hésiteront pas à préférer à cette légèreté d'un esprit sceptique avec laquelle le ministre se vantait d'être fort novice en examen de conscience, la gravité pleine de sagesse du prince qui, désireux de donner à ses fils une leçon d'humanité et d'égalité chrétienne, faisait apporter au palais de Versailles le registre de la paroisse où ils avaient été baptisés, et l'ouvrant en leur présence, leur disait: «Voyez, mes enfants, vos noms inscrits à la suite de celui du pauvre et de l'indigent. La religion et la nature ont fait les hommes égaux; la vertu seule établit une différence entre eux. Peut-être même que le malheureux qui vous précède dans cette liste sera plus grand aux yeux de Dieu que vous ne le serez jamais aux yeux des peuples.»

      Parmi les enfants qui écoutaient ces paroles, il n'y avait guère que le duc de Berry qui fût en âge de les comprendre. Élisabeth, qui devait un jour pratiquer cette morale, n'en reçut pas l'initiation des lèvres paternelles. Venue, nous l'avons dit, la dernière de la lignée, elle ne devait point connaître celui qu'elle était appelée à imiter.

      Peu de temps après sa naissance, le Dauphin et la Dauphine vinrent à Paris, en l'église de Notre-Dame, remercier Dieu de leur avoir accordé une seconde fille. Fort empressés, à cette époque, à se porter sur les pas de la famille royale, les Parisiens remarquèrent que le prince, qui était naguère d'un embonpoint plus qu'ordinaire, avait maigri d'une façon surprenante, et que le coloris de son teint s'était tout à fait effacé. Le mal dont ce changement était le symptôme ne tarda pas à se révéler. Cependant, malgré sa langueur, il voulut se rendre à un camp de plaisance établi à Compiègne, puis il suivit la cour à Fontainebleau. Là devait s'arrêter sa course. Étendu sur un lit de souffrance dont il ne se releva plus, il retrouva près de lui sa fidèle compagne, cette garde angélique qu'il tenait de Dieu. «Quelle digne femme! s'écria-t-il; après avoir fait le bonheur de ma vie, elle m'aide encore à mourir!» Lorsque son confesseur entra dans sa chambre et approcha de son lit, le Dauphin voyant son air triste, lui dit le premier: «Ne vous affligez pas; je n'ai, grâce à Dieu, aucune attache à la vie. Je n'ai jamais été ébloui de l'éclat du trône auquel j'étais appelé par ma naissance; je ne l'envisageais que par les redoutables devoirs qui l'accompagnent et les périls qui l'environnent.»

      Le Dauphin demanda au cardinal de Luynes s'il y avait des caves de sépulture dans le chœur de sa cathédrale. «Monseigneur, lui répondit le cardinal, il n'y en a qu'une sous l'autel pour les archevêques. – Il faudra donc, reprit le prince, en faire une autre; car je dois faire un voyage à Sens.»

      Ces mots se trouvèrent bientôt expliqués.

      Au dehors du château et dans toute la France des vœux se faisaient pour la conservation de ce prince, tandis que de son côté le prince faisait cette suprême prière: «Mon Dieu, je vous en conjure, protégez à jamais ce royaume, comblez-le de vos grâces et de vos bénédictions les plus abondantes.» Dieu ne voulut exaucer ni les prières de la France ni les prières du prince: le Dauphin mourut le vendredi 20 novembre 1765, à huit heures du matin, âgé de trente-six ans et trois mois et demi.

      Louis XV, qui n'avait point voulu quitter Fontainebleau pendant la maladie de ce fils tendrement aimé, fut vivement ému de sa mort, et surtout de la manière dont il l'apprit. Les jeunes princes, fils du Dauphin, avaient connu avant le Roi le malheur qui venait de les frapper. L'aîné d'entre eux, le jeune duc de Berry, s'en montrait inconsolable et refusait de quitter sa chambre. Son gouverneur, le duc de la Vauguyon, lui fit comprendre qu'il était de son devoir de le conduire auprès de son royal aïeul. Arrivé aux appartements du Roi, le duc de la Vauguyon donna l'ordre d'annoncer Monsieur le Dauphin. À ce nom qu'on lui donnait pour la première fois, l'enfant fondit en larmes et s'évanouit. «Pauvre France! s'écria Louis XV en sanglotant, un Roi âgé de cinquante-cinq ans et un Dauphin de onze!»

      Dans cette dramatique scène, on dirait que Louis XV, en prenant le deuil de son fils, porte celui de la monarchie. Il semble qu'on voit apparaître les misères du présent, et que par une rapide échappée on aperçoit les nuages sombres et chargés de tempêtes qui montent à l'horizon de l'avenir.

      Le présent, en effet, offrait tant de scandales et l'avenir tant de périls, que le prince qui venait de mourir dans la force de l'âge n'avait pu jusqu'à sa dernière heure en détourner ses tristes pensées. Il s'éteignait comme accablé sous le poids des terribles obligations qui le menaçaient. – «Ce qui rend, disait-il un jour en soupirant, la réforme de l'État si difficile, СКАЧАТЬ